Question de M. BILLARD Claude (Val-de-Marne - CRC) publiée le 04/04/1996

M. Claude Billard attire l'attention de M. le ministre de l'industrie, de la poste et des télécommunications sur la situation du groupe Renault qui vient de faire connaître ses résultats pour 1995. Si pour la neuvième année consécutive, ils font apparaître des bénéfices, leur analyse révèle une situation particulièrement préoccupante de la branche automobile. En effet, la part de Renault sur le marché est en recul avec des voitures plus chères que la concurrence et qui génèrent des pertes. Cette situation constitue un véritable acte d'accusation contre le processus de privatisation en cours et la politique sociale et industrielle qui l'accompagne. L'analyse des résultats sur une période de dix ans montre très clairement que la chute de l'efficacité de l'entreprise provient d'une politique défavorable à l'emploi et aux salaires menée par la direction ainsi que du transfert massif des activités d'études et de production à la sous-traitance faisant ainsi reculer en-dessous de 15 p. 100 du chiffre d'affaires la part des richesses créées (- 22 p. 100) de valeur ajoutée depuis 1992). En dix ans, à gamme comparable, si le prix d'une Renault a été pratiquement multiplié par deux (malgré une inflation réduite et une baisse de la TVA), la part des salaires avec les charges a été, elle divisée par deux. Elle ne représente plus que 12 p. 100 du prix d'un véhicule. Elle est plus du double chez le numéro un européen, Volkswagen. Renault a supprimé 50 000 emplois depuis 1984, réduit le pouvoir d'achat des salaires, développé l'intensification du travail, la flexibilité et la précarité. 70 p. 100 des embauches en 1995 ont été réalisées sous forme de contrats à durée déterminée. Cela monte même à 93 p. 100 à Flins où la direction envisage une délocalisation d'une partie des activités en Slovénie et en Espagne. Aujourd'hui, les trois quarts du prix d'une Renault sont constitués par des achats extérieurs en provenance d'une sous-traitance qui est de plus en plus sous domination américaine, allemande, ou japonaise. Cela conduit à une perte de maîtrise technologique, à une dépendance accrue vis-à-vis de la concurrence, à des retards dans le développement des produits. Pourtant les bénéfices accumulés depuis dix ans atteignent les 40 milliards ; les fonds publics, par milliards, sont donnés sans contrepartie pour des aides à l'achat de véhicules, pour alléger les charges patronales, pour financer le chômage partiel. Ce qui est en cause, c'est un processus de privatisation et une gestion qui a pour seul objectif la rentabilité financière la plus immédiate. Cette situation démontre la nocivité de l'entrée de capitaux privés dans le capital de Renault. N'est-il pas urgent de renationaliser Renault à 100 p. 100 afin de donner l'exemple dans la lutte contre le chômage, dans la réduction du temps de travail et la relance de la consommation par l'augmentation des salaires ? Cela permettrait également la reconquête du terrain perdu dans le domaine industriel par des coopérations, avec d'autres grandes entreprises françaises de l'automobile, de l'électronique, de l'aéronautique. Développer la citoyenneté des salariés à l'entreprise en leur attribuant un droit de contrôle et d'intervention y contribuerait fortement. En conséquence, il lui demande quelles sont ses intentions pour mettre un terme à cette gestion désastreuse pour l'emploi et l'économie nationale alors que Renault est encore une entreprise nationale.

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 06/06/1996

Réponse. - Il faut d'abord relever que Renault a enregistré en 1995 des résultats positifs pour la neuvième année consécutive. Cela traduit notamment l'excellente performance de la branche Véhicules industriels, dont la contribution au résultat d'exploitation s'est élevée à p 978 MF, contre 194 MF en 1994 et - 1 422 MF en 1993. Ce remarquable redressement constitue le fruit d'un effort de restauration de la compétitivité mené avec constance au cours des dernières années. En revanche, il est vrai que le résultat d'exploitation de la branche automobile, qui a été de - 1 706 MF, n'est pas satisfaisant. Cette évolution s'explique en partie par des " effets de calendrier " dans le renouvellement de la gamme. Les commentateurs ont souligné que l'année 1995 avait été marquée par la fin de vie de la Renault 19, modèle qui joue un rôle particulièrement important dans l'équilibre économique de l'activité automobile. Cependant, on ne peut pas contester que les résultats de la branche automobile trouvent également leur origine dans d'autres facteurs. On relèvera principalement, d'une part, l'intensification de la concurrence, qui se traduit par une forte pression à la baisse sur les prix ; d'autre part, la faiblesse des marchés d'exportation, puisque le marché européen, France exclue, n'était en progrès, en 1995, que de 3 p. 100 par rapport au " point bas " de 1993 (à l'inverse, grâce au fort impact des mesures décidées par le Gouvernement, le marché français se caractérisait par une progression de 12 p. 100 par rapport à 1993). A ce propos, il convient d'observer qu'il est impossible de trouver un lien entre l'ouverture du capital de l'entreprise opérée à la fin de 1994 et ces différentes raisons du médiocre résultat de la branche automobile en 1995. Toutefois, ce résultat montre à quel point sont justifiés les effort permanents d'amélioration de la compétitivité menés par Renault, que ceux-ci concernent l'évolution de l'appareil de production, l'adaptation des effectifs, l'amélioration de la qualité ou le renouvellement de la gamme. On mesure, en effet, quelle serait aujourd'hui la situation de l'entreprise si elle n'avait pas réalisé à temps et de manière continue de tels efforts. Tout ceci montre bien, s'il en est besoin, qu'il est hors de question, pour un industriel aussi fortement confronté à la concurrence internationale que l'est Renault, de ne pas tenir compte en permanence, et dans toutes les composantes de son activité, des exigences du marché, c'est-à-dire de ses clients. La question également évoquée du transfert progressif de certaines activités et responsabilités à des fournisseurs extérieurs relève de la même logique. En particulier, il faut observer que, dans de nombreux cas de figure, le recours à un équipementier produisant des pièces pour plusieurs constructeurs permettra, mieux qu'une production intégrée, de faire jouer des effets d'échelle, en termes de coûts aussi bien que de compétences de recherche et développement.

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