Question de M. GAILLARD Yann (Aube - RPR) publiée le 31/05/1996

M. Yann Gaillard attire l'attention de M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme sur la situation très difficile dans laquelle se trouvent les entreprises du BTP à ce jour et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Les difficultés de ces dernières se trouvent amplifiées par les pratiques effectives de passation des marchés de travaux. En effet, que le marché soit passé par adjudication ou par appel d'offres, le recours excessif au marché à entreprise générale fait de la plupart des entreprises du second oeuvre des sous-traitants à des niveaux de prix et à des conditions de paiement incompatibles avec leur pérennisation. Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables au choix des candidats et notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent posséder par elles-mêmes, et non à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître d'ouvrage. Qu'en conséquence, l'acheteur public ne devrait pas recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que s'il existe, compte tenu des caracteristiques de l'ouvrage, un nombre important d'entreprises possédant la capacité technique et les moyens de réaliser par elles-mêmes l'ensemble de l'ouvrage ; que dans tous les autres cas ils devraient, s'ils souhaitent avoir un seul interlocuteur pour la réalisation de l'ouvrage, choisir de recourir à la formule du groupement conjoint ou en marchés séparés.

- page 3112


Réponse du ministère : Transports publiée le 26/06/1996

Réponse apportée en séance publique le 25/06/1996

M. Yann Gaillard. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme
mais, à vrai dire, elle concerne aussi M. le ministre délégué aux finances et au commerce extérieur, en tant que tuteur du
code des marchés publics. Toutefois je ne doute pas que Mme le secrétaire d'Etat aux transports est parfaitement à même
de faire la synthèse des réponses qu'ils auraient pu m'apporter.
Ma question porte sur la situation difficile dans laquelle se trouvent à ce jour les entreprises du bâtiment et des travaux
publics, et tout particulièrement celles du second oeuvre du bâtiment. Ces difficultés sont, bien entendu, de nature
économique et conjoncturelle, mais elles sont amplifiées par des ambiguïtés juridiques et par les pratiques effectives de
passation des marchés de travaux.
En effet, quel que soit le mode de passation des marchés, on constate un recours de plus en plus important à l'entreprise
générale. Les entreprises du second oeuvre se voient ainsi réduites au rôle de sous-traitant, sans lien juridique avec le
maître d'ouvrage, à des niveaux de prix et à des conditions de paiement qui les menacent quelquefois dans leur survie.
Ne serait-il pas souhaitable que soient rappelées aux acheteurs publics les règles applicables aux choix des candidats et
notamment la règle selon laquelle les entreprises admises à présenter une offre doivent présenter par elles-mêmes, et non
à travers des sous-traitants éventuels, les garanties professionnelles et financières demandées par le maître de l'ouvrage ?
En conséquence, l'acheteur public ne devrait recourir au marché unique, dit en entreprise générale, que pour les marchés
comptant un nombre restreint de lots, pour lesquels il existe des entreprises capables de les réaliser par leurs propres
moyens. Dans les autres cas - comme l'avait déjà prévu la circulaire du 9 mars 1982 - il devrait recourir à la formule des
marchés séparés ou, s'il souhaite avoir un seul interlocuteur, du groupement conjoint.
La réforme en préparation du code des marchés publics sera peut-être l'occasion de donner de « l'entreprise générale »
une définition juridique, qui manque, semble-t-il, et de préciser les références qui doivent êre prises en considération,
références acquises soit par une exécution directe des travaux, soit par le recours à la sous-traitance.
Autrement dit, ne jugez-vous pas utile, madame le secrétaire d'Etat, de clarifier l'ensemble de cette question et de lever les
ambiguïtés qui inquiètent aujourd'hui une bonne partie des industriels du bâtiment et des travaux publics ?
(Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat aux transports. Monsieur le sénateur, vous demandez à M. Bernard Pons,
ainsi qu'à M. Yves Galland, comment les procédures de passation des marchés publics de travaux peuvent contribuer à
maintenir un tissu dynamique de petites et moyennes entreprises, facteur important de qualité et d'innovation, ainsi que de
création d'emplois, dans le secteur de la construction.
M. Pons me charge de vous apporter les éléments d'information suivants.
En l'état actuel du droit, comme vous le savez, tout maître d'ouvrage public est libre de choisir le mode de dévolution des
travaux qu'il estime être le plus adapté à l'opération qu'il envisage. Il peut ainsi recourir à l'entreprise générale, à un
regroupement d'entreprises ou faire appel à plusieurs entreprises dans le cadre de marchés séparés.
De même, la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance consacre le droit des entreprises à sous-traiter leur activité,
qu'il s'agisse d'une sous-traitance de capacité ou de spécialité.
Par ailleurs, la loi du 12 juillet 1985 sur la maîtrise d'ouvrage publique, prévoit que, dans le bâtiment, le maître de
l'ouvrage ne peut consulter les entreprises que lorsqu'il dispose d'études de conception suffisamment poussées pour lui
permettre d'exercer pleinement son choix quant au mode de dévolution des travaux, et donc pour opter éventuellement
pour les marchés séparés.
Nous sommes très attachés au développement d'une concurrence saine et loyale, et extrêmement sensibles, monsieur
Gaillard - je puis vous l'assurer - aux préoccupations que vous avez évoquées, spécialement dans le contexte économique
actuel.
Nous entendons pour cela veiller à ce que l'attribution des marchés de travaux le soit aux entreprises « mieux-disantes ».
Nos services travaillent ainsi dans ce sens, en particulier en élaborant un guide à l'attention des maîtres d'ouvrage publics
sur ce sujet.
Nous souhaitons également que, dans le cadre de la réforme du code des marchés publics, qui sera engagée par le
Gouvernement sur la base des conclusions remises par M. Trassy-Paillogues, un débat soit instauré en particulier sur la
sous-traitance.
Nous sommes convaincus que le titulaire du marché doit exécuter une part significative du marché qui lui est attribué et
qu'il doit en être de même pour les sous-traitants proposés. Il faut également que le choix au « mieux-disant » s'applique à
l'entreprise sous-traitante. Enfin, il est indispensable d'instaurer davantage de transparence et de partenariat entre
donneurs d'ordre et sous-traitants dans le cadre de la passation des marchés publics.
Voilà quelques-unes des orientations, lesquelles sont, me semble-t-il, monsieur Gaillard, tout à fait en conformité avec
votre propre préoccupation de clarification, que nous souhaiterions mettre en oeuvre dans le cadre de la réforme du code
des marchés publics.
M. Yann Gaillard. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de la réponse très documentée que vous avez bien
voulu m'adresser. Il est vrai qu'il s'agit d'une question très délicate.
Alors que le code, dans sa rédaction initiale, contient des dispositions contraignantes pour les candidats, les obligeant à ne
présenter une offre qu'accompagnée de références et de garanties professionnelles et financières propres, la pratique de
l'entreprise générale s'est développée, ce qui est inévitable.
Elle présente toutefois l'inconvénient de rompre, en quelque sorte, le lien entre le maître d'ouvrage et le sous-traitant,
puisque ce dernier peut très bien être exclu, aussi bien au moment de la passation du marché qu'ensuite, et que le maître
d'ouvrage n'a d'autre possibilité que de l'agréer.
Vous avez fait allusion à une étude menée par M. Trassy-Paillogues. Je crois qu'elle ne répond qu'en partie à la question,
ne traitant pas du problème des deux catégories de références dont vous avez parlé : celles qui sont transmises
directement et celles qui le sont indirectement à travers la sous-traitance.

- page 4192

Page mise à jour le