Question de M. HÉRISSON Pierre (Haute-Savoie - UC) publiée le 11/10/1996

Question posée en séance publique le 10/10/1996

M. le président. La parole est à M. Hérisson.
M. Pierre Hérisson. Ma question s'adresse à M. le ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de
l'artisanat.
Monsieur le ministre, dans nos départements, nos concitoyens s'étonnent de voir que, en dépit du vote récent par le
Parlement du gel pour six mois des autorisations d'implantations commerciales, puis de leur strict encadrement par la loi
du 5 juillet dernier, des travaux se poursuivent et des moyens et grands commerces continuent à ouvrir.
Surtout, les commerçants s'inquiètent de la forte spéculation exercée sur les constructions de commerces en cours et
n'ayant pas encore donné lieu à ouverture, ainsi que sur les terrains ayant bénéficié de permis de construire au cours des
dernières années et destinés à accueillir l'implantation de surfaces commerciales ne nécessitant pas d'autorisation puisque
inférieures aux anciens seuils fixés par la loi Royer.
N'y a-t-il pas une certaine injustice à soumettre dorénavant à autorisation, en vertu de l'article 4 de la loi précitée, la
réouverture de magasins de plus de 300 mètres carrés fermés depuis plus de deux ans et, dans le même temps, de laisser
s'ouvrir un certain nombre de magasins nouveaux qui ont bénéficié d'autorisations au titre de permis de construire certes
renouvelés, mais parfois largement antérieurs à deux ans ?
N'y aurait-il pas lieu, monsieur le ministre, de mieux encadrer ces situations qui peuvent entraîner une spéculation
excessive et des rentes de situation pouvant bouleverser la donne commerciale dans la plupart des régions françaises ?
Compte tenu de l'attente créée par l'adoption de la loi, de la situation économique de notre pays et du nombre de mètres
carrés concernés - qui est loin d'être négligeable - l'ouverture des surfaces commerciales visées est l'objet d'une
incompréhension totale de la part de ceux de nos concitoyens qui sont concernés par le commerce et la distribution.
Monsieur le ministre, j'aimerais connaître votre position sur cet important sujet, tout en précisant que je prends ma part de
responsabilité dans ce domaine, puisque j'ai eu l'honneur d'être rapporteur de votre projet de loi devant la Haute
Assemblée.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 11/10/1996

Réponse apportée en séance publique le 10/10/1996

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le
sénateur - monsieur le rapporteur, devrais-je dire - je vous remercie de m'avoir posé cette question à propos d'un sujet
sur lequel vous êtes particulièrement informé puisque vous avez rapporté brillamment ce texte devant la Haute Assemblée.
La loi du 5 juillet 1996 définit, à partir de la deuxième quinzaine d'octobre, un nouvel état de droit. Certes, nous aurions
pu nous poser la question de la rétroactivité de la loi, mais cette démarche aurait été dangereuse à bien des égards.
D'abord, elle l'aurait été pour ceux qui avaient acquis un droit ; ensuite, elle l'aurait été pour les finances publiques, car
nous aurions dû compenser non seulement le droit, mais l'exploitation due au droit. Les contreparties financières à la
charge de l'Etat auraient alors été considérables.
La Haute Assemblée a donc eu la sagesse de repousser un amendement qui avait été adopté à l'Assemblée nationale et
qui prévoyait une telle rétroactivité.
Cela étant, il a bien fallu trouver une date pour l'application de la nouvelle loi. Elle a été fixée à l'issue du gel, c'est-à-dire à
la mi-octobre. Dès les prochains jours, tous les projets de plus de 300 mètres carrés devront donc passer en commission
départementale, voire en commission nationale en cas de désaccord.
La logique de ce texte est d'accepter les projets à condition qu'ils répondent à un consensus territorial. Il faut que cessent
de se développer à la périphérie de nos villes ces hypermarchés qui vont souvent à l'encontre non seulement des intérêts
des commerçants des centres-villes, mais aussi de ceux qui sont implantés ailleurs dans les périphéries.
Je veux en tout cas dissiper toute ambiguïté : nous voulons équilibrer le paysage commercial de notre pays au profit des
PME-PMI du commerce et de l'artisanat.
Il est vrai qu'un certain nombre de titulaires de permis de construire veulent accélérer les procédures, insistant pour
profiter de leurs droits acquis. Au demeurant, quand on connaît le montant de la retraite de bien des petits commerçants,
je me dis que nous avons finalement plutôt fait une bonne action en aidant à la revalorisation du fonds de commerce des
petits entrepreneurs.
La loi s'appliquera donc dans tous ses effets à partir du mois d'octobre. Les décrets d'application font actuellement l'objet
de consultations devant le Conseil d'Etat.
Quoi qu'il en soit, l'initiative d'un grand de la distribution, qui a récemment lancé une OPA, montre bien que le
Gouvernement avait raison. Les grandes entreprises de distribution ne conçoivent aujourd'hui leur développement qu'au
travers du nombre de leurs hypermarchés. Or nous sommes actuellement à saturation en France. S'ils veulent se
développer, je considère donc qu'ils peuvent le faire de deux manières : soit à l'international, ce qui leur procurera des
résultats très importants, soit à l'intérieur, en s'organisant entre eux. Je préfère - je le dis clairement devant la Haute
Assemblée - un changement d'enseigne plutôt que la création d'un hypermarché nouveau qui conduirait à de nouvelles
destructions.
De ce point de vue, je note qu'un certain nombre de processus sont très positifs pour l'équilibre de notre commerce.
Je terminerai par une réflexion, peut-être plus importante encore, sur le débat culturel. Je crois qu'ensemble, grâce à nos
travaux et aux commentaires qu'a suscités la loi, nous avons créé une nouvelle donne culturelle.
J'entendais ce matin les dirigeants de deux grands de la distribution, l'un qui porte un nom emprunté au sport, l'autre qui
évoque une intersection au croisement de tous les commerces. (Sourires.) Les deux enseignes font leur publicité sur le
thème du « juste prix ». C'est très important. Nous voyons même, aujourd'hui, une grande enseigne de l'alimentation
employer l'argument d'un juste prix qui respecte l'agriculteur et, naturellement, le consommateur.
M. le président. Il y a aussi le juste temps, monsieur le ministre. (Sourires.)
M. Jean-Pierre Raffarin, ministre des petites et moyennes entreprises, du commerce et de l'artisanat. Monsieur le
président, vous savez que je suis à votre disposition, y compris par mes silences. (Sourires. - Applaudissements sur les
travées de l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du
RDSE.)

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