Question de M. GAILLARD Yann (Aube - RPR) publiée le 25/10/1996

Question posée en séance publique le 24/10/1996

M. le président. La parole est à M. Gaillard.
M. Yann Gaillard. Monsieur le président, ma question s'adresse à Mme le ministre délégué pour l'emploi.
Madame le ministre, connaissant le département de l'Aube, vous savez à quel point il est attaché à sa tradition industrielle
et combien il a souffert, depuis vingt ans, avec le « rabotage » obsédant des effectifs du secteur textile.
Je souhaite appeler l'attention du Gouvernement sur une nouvelle vague de compression de personnel touchant au moins
300 salariés dans deux entreprises performantes : il s'agit de l'entreprise Cycleurope, située à Romilly-sur-Seine,
spécialisée dans la fabrication et le montage de vélos, dont l'effectif est de 604 salariés, et de l'entreprise Gravograph,
implantée à La Chapelle-Saint-Luc, près de Troyes, qui emploie 313 personnes et qui est considérée comme le leader
mondial des machines à graver assistées par ordinateur.
Dans les deux cas, les mesures de réduction envisagées résultent non pas d'une mauvaise gestion ou d'une mauvaise
qualité du produit, mais d'un changement de la stratégie financière.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Et voilà !
M. Yann Gaillard. Dans un cas, les banques appelées à renouveler leur soutien à l'entreprise subordonnent leur décision
à l'intervention d'une restructuration dans une logique purement financière ; dans l'autre, un groupe situé hors de France,
qui s'est d'ailleurs substitué à un autre groupe, arrête sa politique selon des critères liés au périmètre international de son
activité.
Il en découle, madame le ministre, une logique qui déroute complètement les partenaires sociaux dans la mesure où la
priorité n'est plus toujours le maintien à bon niveau de la main-d'oeuvre salariée et des unités de production
correspondantes.
Comme d'autres parlementaires du département, j'ai reçu des délégations syndicales dont j'ai apprécié à la fois
l'attachement à leur entreprise et la modération.
Si les dispositions législatives adoptées dans le cadre de la loi Robien devraient permettre de réduire sensiblement le
nombre des licenciements, cette solution pèsera néanmoins lourdement sur les finances publiques sans que, pour autant,
notre capacité productive en soit accrue.
C'est la raison pour laquelle je vous demande, madame le ministre - je pense en effet que vos services étudient déjà ces
affaires - si l'intervention de dispositions aussi favorables ne devrait pas s'accompagner d'un engagement pris par
l'entreprise de conserver son implantation sur notre territoire, de concentrer ses efforts en vue de restaurer sa
compétitivité et donc de tendre vers le rétablissement de son niveau d'emploi initial. (Applaudissements sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

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Réponse du ministère : Emploi publiée le 25/10/1996

Réponse apportée en séance publique le 24/10/1996

M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué pour l'emploi. Monsieur le sénateur, il est vrai - vous êtes d'ailleurs
bien placé dans votre département pour le savoir - que nous sommes beaucoup trop souvent confrontés à des stratégies
industrielles de groupe qui, malheureusement, prennent l'emploi comme variable d'ajustement.
Mme Marie-Claude Beaudeau. Ah bon ?
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. Si, bien évidemment, les décisions de gestion appartiennent en propre
aux entreprises et si l'Etat ne peut s'immiscer dans la gestion de ces dernières - chaque fois que ce principe a été oublié,
les mauvais résultats ont été patents -...
Mme Marie-Claude Beaudeau. Vous leur donnez de l'argent !
Mme Anne-Marie Couderc, ministre délégué. ... en revanche, l'Etat ne peut pas se désintéresser de situations dans
lesquelles il peut y avoir un plan social, une demande d'aides financières ou un risque pour les salariés de se retrouver au
chômage. Par conséquent, nous demandons à nos services de veiller au cas par cas, en fonction des situations concrètes,
à ce qu'il y a lieu de faire.
Ce principe de vigilance s'applique bien entendu au dispositif de la loi Robien, que vous avez évoquée tout à l'heure,
monsieur le sénateur.
Je ferai deux observations sur l'application de cette loi.
Tout d'abord, l'aide publique est accordée pour une durée limitée, ce qui veut bien dire que l'on aide l'entreprise à
s'adapter, donc à modifier de manière durable son organisation de travail pour augmenter sa compétitivité. En ce sens, il y
a bien, comme vous le souhaitez, monsieur le sénateur, une approche dynamique conduisant, selon les cas, à la
stabilisation ou au développement de l'emploi.
Par ailleurs, le dispositif est examiné en fonction des opportunités réelles, des prévisions et des engagements de chaque
entreprise. Si le projet ne semble pas garantir la pérennité du site, si les emplois sauvés ne paraissent pas durables, l'aide
de l'Etat pourra être refusée, ainsi qu'il est bien spécifié dans la circulaire adressée par le ministère aux préfets et aux
directeurs départementaux et régionaux du travail pour l'application de la loi Robien.
Je dirai en conclusion, monsieur le sénateur - si M. Jacques Barrot était présent dans cet hémicycle, il l'exprimerait encore
mieux que moi - que notre volonté, à travers ce type de dispositif est bien de favoriser des réorganisations authentiques,
durables, mûrement réfléchies et négociées à l'intérieur de l'entreprise, par opposition à des projets hâtifs, mal préparés,
fort peu négociés, en d'autres termes des projets artificiels qui auraient pour seul objectif l'obtention d'une aide financière.
Je pense donc, monsieur le sénateur, que nous disposons des moyens d'exercer un contrôle au cas par cas afin que seules
les entreprises qui ont une approche dynamique et qui sont soucieuses du maintien de l'emploi puissent bénéficier de nos
aides (Applaudissements sur les travées du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants.)

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