Question de M. VÉZINHET André (Hérault - SOC) publiée le 09/10/1996

M. André Vezinhet appelle l'attention de M. le ministre de l'économie et des finances sur les derniers résultats économiques et financiers publiés par le conseil d'administration du Crédit foncier, le 29 août 1996, pour le premier semestre 1996 qui affichent un bénéfice net de de 402 millions de francs. A la lecture de ces chiffres, il apparaît que la situation de cet établissement est aujourd'hui fort éloignée des difficultés avancées par le Gouvernement et qui avaient conduits ce dernier à présenter un plan d'ensemble le 26 juillet 1996. Ce projet qui programme le démantèlement d'un établissement reconnu par tous pour ses compétences dans le financement du logement social ne nous paraissait pas une réponse adaptée ; à ce jour, il est totalement inacceptable. Il interroge le ministre sur ses intentions. Compte-t-il persister dans la direction qu'il s'était fixée il y a quelques mois ou bien compte-t-il profiter du débat parlementaire annoncé pour rechercher des solutions autres qui sont souhaitables et possibles et qui ouvriraient de meilleures perspectives pour les 3 300 salariés du Crédit foncier ? Il lui indique enfin que si la première hypothèse devrait être privilégiée, son groupe politique combattrait avec force et détermination un ensemble de mesures qui d'un trait de plume gommerait l'existence et le savoir-faire d'une institution fondée il y a 150 ans.

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Réponse du ministère : Budget publiée le 30/10/1996

Réponse apportée en séance publique le 29/10/1996

M. André Vezinhet. Monsieur le ministre délégué au budget, je suis heureux de constater la présence à vos côtés de M.
Périssol, ministre délégué au logement, qui est également concerné par la question que je vais vous poser.
Je tiens à appeler votre attention et, au-delà, l'attention du ministre de l'économie et des finances, sur les derniers résultats
économiques et financiers publiés par le conseil d'administration du Crédit foncier, le 29 août 1996, pour le premier
semestre 1996 : un bénéfice net de 402 millions de francs est affiché, et les perspectives pour l'ensemble de l'année 1996,
comme celles pour 1997, sont également bénéficiaires.
A la lecture de ces chiffres, il apparaît que la situation présente de cet établissement corrige fortement les difficultés
avancées par le Gouvernement, qui annonçait 10,8 milliards de francs de pertes. Ces difficultés avaient conduit le
Gouvernement à présenter un plan d'ensemble le 26 juillet 1996.
Ce projet, avec les différentes mesures prévues, programme en fait le démantèlement d'un organisme reconnu par tous
pour ses compétences dans le financement du logement social. Cet organisme s'est trouvé en difficulté en raison
essentiellement de la suppression des prêts d'accession à la propriété, qui représentaient entre 33 et 50 % de son chiffre
d'affaires, et de la mise en place du « prêt à taux zéro » sans que soit prévue une mesure compensatoire, comme cela se
pratique habituellement. Même si le Crédit foncier a ensuite été associé à la distribution du prêt à taux zéro, il a, pendant
un certain temps, été en difficulté.
Ce plan d'ensemble ne nous paraît pas une réponse adaptée ; à ce jour, il est pour nous totalement inacceptable.
Je vous interroge donc sur vos intentions, monsieur le ministre : comptez-vous persister dans la direction que vous vous
êtes fixée voilà quelques mois en continuant à considérer cet établissement comme non viable, et pourquoi, au lieu de
mettre 2,7 milliards de francs dans l'offre publique d'achat du Crédit foncier, ne les injectez-vous pas dans les fonds
propres de cet organisme ?
Ou alors comptez-vous profiter du débat parlementaire annoncé pour rechercher des solutions alternatives souhaitables et
possibles, ouvrant de meilleures perspectives aux 3 300 salariés du Crédit foncier, qui proposent d'ailleurs eux-mêmes
des pistes intéressantes méritant d'être approfondies et ayant reçu un écho favorable du gouverneur, M. Meyssonnier ?
Je vous indique enfin, monsieur le ministre, que, si la première hypothèse devait être privilégiée, mon groupe politique
combattrait avec force et détermination un ensemble de mesures qui, d'un trait de plume, gommerait l'existence et le
savoir-faire d'une institution fondée voilà cent cinquante ans.
Notre collègue Gérard Delfau a mené une action exemplaire tout au long de l'été. Sachez qu'avec lui nous ne laisserons
pas disparaître le Crédit foncier qui, aujourd'hui, compte tenu de ce que je vous ai dit, dispose des éléments positifs lui
permettant de poursuivre sa route.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Alain Lamassoure, ministre délégué au budget et porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, avant
de répondre à votre question, je voudrais rappeler plusieurs éléments.
Tout d'abord, le Crédit foncier, contrairement à ce que croit une grande partie de l'opinion, n'est pas une banque
nationalisée. Cette banque à un statut spécial, ses dirigeants sont nommés par l'Etat, et elle a longtemps bénéficié du
privilège de distribution de certains prêts.
Contrairement à ce que vous avez dit, monsieur le sénateur - je suis d'ailleurs étonné de votre propos, car cette opinion,
qui n'est plus maintenant partagée par personne, n'est pas soutenable - les difficultés du Crédit foncier ne viennent pas de
la suppression de la distribution des prêts d'accession à la propriété, puisqu'elles sont bien antérieures, la suppression des
PAP n'étant intervenue que l'année dernière.
J'ajoute que, depuis l'année dernière, le Crédit foncier a distribué plus de prêts à taux zéro, qui ont pris le relais des PAP,
qu'il ne distribuait auparavant de PAP.
La vérité, c'est que le Crédit foncier a été victime de plusieurs années de spéculations désastreuses et qu'il est désormais
dépourvu de fonds propres. C'est une banque dont, je le répète, l'Etat n'est pas actionnaire, qui n'a pas d'actionnaire de
référence et dont les actions sont distribuées très largement dans le public.
Enfin, depuis que la crise du Crédit foncier est évidente, aucune autre banque française ou étrangère, malheureusement
pour nous tous, n'a manifesté son intérêt pour la reprise du Crédit foncier.
Telle est la situation. A partir de là, le Gouvernement a eu quatre objectifs : premièrement, sécuriser les porteurs
d'obligations du Crédit foncier de France ; c'était d'autant plus important qu'il en va, au-delà du Crédit foncier, de la
réputation de la place financière de Paris.
Deuxièmement, limiter les pertes des petits porteurs.
Troisièmement, limiter les conséquences sur l'emploi pour le personnel du Crédit foncier.
Quatrièmement, économiser les deniers publics dans une opération qui, de toute manière, sera malheureusement coûteuse.
C'est l'objet du plan qui a été annoncé à la fin du mois de juillet et dont les diverses étapes ont été franchies. A la
demande et pour le compte de l'Etat, la Caisse des dépôts et consignations a déposé une offre publique d'achat des
actions du Crédit foncier de France auprès du Conseil des bourses de valeurs, qui l'a jugée recevable. Cette opération,
qui a débuté le 10 septembre, est une manière de désintéresser autant que possible les petits actionnaires.
Quant à l'avenir du personnel, le Gouvernement est intervenu auprès du Crédit immobilier de France. Il se réjouit de la
confirmation par les instances délibérantes de cet organisme de la volonté exprimée par celui-ci de reprendre la gestion de
certains encours de prêts aidés qui étaient autrefois gérés par le Crédit foncier. Ainsi, 1 500 salariés du Crédit foncier
seront reclassés.
En outre, il subsistera une structure Crédit foncier de France pour gérer les encours d'autres prêts aidés et pour conserver
une autre partie du personnel.
Enfin, sera mis en oeuvre un plan social très généreux pour les agents qui n'auraient pas trouvé leur place dans l'une ou
l'autre structure.
Monsieur le sénateur, si nous avions pu procéder autrement, notamment en trouvant un établissement pour « adosser » le
Crédit foncier, nous l'aurions fait très volontiers. La situation dans laquelle nous nous trouvons ne nous permettait pas
d'agir autrement à l'égard d'un établissement qui, je le répète, est aujourd'hui dépourvu de fonds propres.
M. André Vezinhet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Vezinhet.
M. André Vezinhet. J'ai bien entendu les éléments de réponse que vous venez de me fournir, monsieur le ministre, et je
vous remercie.
Néanmoins, force est de constater que le scénario que vous venez de décrire est celui de l'exécution du Crédit foncier,
lequel disparaîtra même si une structure est destinée à résoudre les problèmes de l'encours sur un certain nombre
d'années. De l'aventure du Crédit foncier, il ne restera que des cendres qui seront rapidement éparpillées au vent.
Monsieur le ministre, vous n'avez pas jugé bon de nous indiquer si le bénéfice net de 402 millions de francs pour le
premier semestre 1996 était pour vous un élément positif de nature à reconsidérer la situation.
Je considère donc que nous allons devoir discuter de cette question devant le Parlement, puisqu'un débat parlementaire
doit intervenir, si j'ai bien compris, dans les prochaines semaines. Par conséquent, nous nous retrouverons à cette
occasion.
Aujourd'hui, votre réponse, dont je salue l'honnêteté intellectuelle, est sans appel pour les agents du Crédit foncier.
Certes, le Crédit immobilier jouera un rôle de relais, mais il y a 3 300 employés d'un côté et 2 500 employés de l'autre. Je
crains que, en fin de compte, il n'y ait beaucoup d'emplois qui disparaissent dans cette aventure.

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