Question de M. MARINI Philippe (Oise - RPR) publiée le 22/10/1997

M. Philippe Marini appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les problèmes d'éligibilité au fonds de compensation de la taxe sur la valeur ajoutée (FCTVA) des investissements effectués par les communes et leurs groupements dans le domaine du traitement des ordures ménagères. Dans un domaine où les collectivités locales doivent assumer les conséquences des prescriptions législatives issues de la loi no 96-646 du 13 juillet 1992 relative à l'élimination des déchets et mettre en oeuvre, d'ici au 1er juillet 2002, les obligations de mise en extinction des décharges et de valorisation des déchets, il semble anormal que le régime de l'éligibilité au FCTVA des investissements effectués dans ce domaine puisse comporter les importantes incertitudes qui le caractérisent actuellement. Les équipements de traitement des déchets construits par les communes ou leurs groupements intègrent en effet souvent un objectif de valorisation des déchets, ce qui constitue à la fois une stricte application de la loi du 13 juillet 1992 et un moyen de financer une partie du coût du traitement, limitant de la sorte le recours à la fiscalité locale. La part de cette activité de valorisation des déchets est, très logiquement, soumise à la TVA, la récupération de celle-ci s'effectuant par la voie fiscale de droit commun au prorata des recettes de valorisation sur la totalité des recettes. Pour le reste, les communes, ou leurs groupements, peuvent prétendre à l'éligibilité de leurs dépenses d'investissements au FCTVA. Or, l'éligibilité de ces dépenses d'investissement n'est admise qu'à la condition que la part de l'activité assujettie à la TVA reste " accessoire ", c'est-à-dire en pratique inférieure à 20 % du chiffre d'affaires. Cette situation fait non seulement peser une lourde incertitude sur les plans de financement des projets de construction d'usines d'incinération d'ordures ménagères, mais fait en outre ressortir une contradiction avec l'objectif de valorisation des déchets de la loi du 13 juillet 1992, puisque l'éligibilité au FCTVA est d'autant plus assurée que la part de la valorisation dans l'activité est faible. C'est pourquoi il lui demande d'adapter ces règles afin que la partie de la TVA non récupérée par la voie fiscale, supportée sur les investissements relatifs aux installations de traitement de déchets, puisse ouvrir droit aux attributions du FCTVA et ce quelle que soit l'importance de la part des recettes de valorisation dans le chiffre d'affaires.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 19/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 18/11/1997

M. Philippe Marini. Ma question est relative à l'éligibilité au fonds de compensation pour la TVA des investissements
effectués par les communes et leurs groupements dans le domaine du traitement des ordures ménagères.
Comme on le sait, la loi de juillet 1992 relative à l'élimination des déchets nous prescrit d'engager, d'ici au 1er juillet 2002,
toute une série d'investissements visant à la mise en extinction des décharges et à la valorisation des déchets.
Ce sujet nous préoccupe beaucoup dans nos départements comme il préoccupe nos concitoyens, qui vont être
financièrement sollicités de manière croissante, du moins on peut le craindre, pour que ces obligations de mise en
conformité soient remplies.
Or, monsieur le ministre, un point d'interrogation très significatif pèse sur le plan de financement de nombreuses
opérations, je veux parler du régime de l'éligibilité au FCTVA des investissements qui concernent en particulier la
réalisation d'unités de valorisation énergétiques, autrement dit d'usines d'incinération des ordures ménagères.
Ces équipements intègrent le plus souvent un objectif de valorisation des déchets, ce qui permet de diversifier les sources
de financement, notamment en diffusant la chaleur dans des réseaux de chauffage urbain ou en vendant de la vapeur à des
utilisateurs industriels. Lorsqu'on s'efforce d'optimiser le plan de financement des unités de valorisation énergétique, on
essaie, bien sûr, de faire en sorte que cela coûte le moins cher possible aux contribuables, d'où l'importance de ces
recettes de diversification.
Cette activité de valorisation est logiquement soumise à la TVA, sachant que la récupération de la taxe s'effectue par la
voie fiscale de droit commun, au prorata des recettes de valorisation sur la totalité de l'activité de l'outil. Pour le reste, les
communes ou leurs groupements peuvent prétendre, pour leur part, à l'éligibilité au FCTVA de leurs dépenses
d'investissement.
Or une pratique, qui semble résulter de la combinaison des textes émanant des ministères de l'intérieur, de l'économie ou
du secrétariat d'Etat au budget, veut que l'on définisse un seuil, fixé à 20 % du chiffre d'affaires, en deçà duquel la part de
l'activité assujettie à la TVA est considérée comme accessoire, et au-delà duquel elle ne l'est plus, la récupération de la
TVA par l'intermédiaire du fonds de compensation n'étant alors plus possible.
Cette incertitude entre les textes et les prises de position des différents départements ministériels pèse sur les plans de
financement de bon nombre de projets, car il n'est pas toujours si simple de se situer exactement en deçà des 20 % du
chiffre d'affaires.
De plus, sur le plan des principes et de la doctrine administrative, on ne peut pas ne pas remarquer une certaine
contradiction entre cette pratique et l'objectif de valorisation des déchets qui figure dans la loi du 13 juillet 1992, puisque
l'accès au FCTVA est d'autant plus assuré que la part des recettes de valorisation est plus faible !
Au vu de ces différents éléments, monsieur le ministre, je vous ai sollicité par la présente question afin que vous puissiez
nous éclairer sur un sujet qui, me semble-t-il, est de portée assez générale. Il me paraîtrait en effet raisonnable d'adapter
les règles actuellement en vigueur afin que la partie de la TVA non récupérée par voie fiscale et supportée sur les
investissements relatifs aux installations de traitement de déchets puisse ouvrir droit aux attributions du fonds de
compensation, et ce quelle que soit l'importance de la part des recettes de valorisation dans le chiffre d'affaires.
M. le président. Je vous remercie de conclure, monsieur Marini, car vous avez dépassé très largement votre temps de
parole.
M. Philippe Marini. En tant que président d'un syndicat mixte qui regroupe à peu près 400 000 habitants, je suis
particulièrement préoccupé par la question, ainsi d'ailleurs, je le suppose, que bon nombre de mes collègues.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez évoqué un sujet de portée, en
effet, assez générale, puisqu'il touche à l'application d'une loi de 1992 et concerne un grand nombre des communes
aujourd'hui engagées dans la construction d'usines d'incinération des ordures ménagères.
Vous avez raison de soulever le problème de la valorisation et de sa prise en compte, qui est réel. Je suis moi-même
résolu à faciliter l'action des collectivités locales qui s'engagent dans l'application de la loi.
Le service d'élimination des déchets ménagers est un service public unique, dont le titulaire est la collectivité qui institue la
taxe ou la redevance d'enlèvement des déchets.
Le Gouvernement est sensible aux difficultés des collectivités locales. Je dois dire que le précédent gouvernement avait
interprété favorablement les textes en vigueur dans une circulaire du 2 février 1996 : il avait précisé que le FCTVA
pouvait être attribué aux usines d'incinération des déchets ménagers, bien que ces usines soient partiellement utilisées pour
une activité assujettie à la TVA.
Cette taxation leur permet de récupérer une partie de la TVA par la voie fiscale. Le montant de TVA ainsi remboursé est
déterminé par l'utilisation d'une clef de répartition entre les activités taxées et celles qui sont exonérées de TVA.
Il est cependant nécessaire, pour l'éligibilité au FCTVA dans le respect à la fois de la lettre et de l'esprit des textes
existants, que cet équipement soit utilisé seulement à titre accessoire pour les besoins de l'activité assujettie. Si tel est le
cas, la collectivité peut bénéficier du FCTVA en complément de la TVA qui a été déduite fiscalement, par application
d'un contre-prorata fiscal, qui est le pendant de la clef de répartition.
Une instruction est actuellement en cours d'élaboration pour déterminer précisément et dans tous les cas les modalités de
calcul de ce contre-prorata, dans l'objectif de déterminer l'éligibilité au FCTVA.
En outre, il résulte de la jurisprudence du Conseil d'Etat - il s'agit de l'arrêt Fourcade et autres, du 9 novembre 1988 -
que l'éligibilité au fonds d'une dépense réelle d'investissement s'apprécie en fonction des éléments de fait et de droit
existants au moment de la réalisation du contrôle de cette éligibilité par les services préfectoraux, soit deux ans environ
après l'engagement de la dépense.
Il n'est donc pas possible de déterminer aujourd'hui de façon définitive l'éligibilité ou non au FCTVA de dépenses qui ne
sont pas encore réalisées et dont le contrôle n'interviendra pas avant plusieurs années.
Enfin, le FCTVA étant attribué à toutes les collectivités bénéficiaires afin de dégrever de TVA tous les investissements
nécessaires à la réalisation de leurs missions d'intérêt général, il ne peut constituer l'outil d'une politique publique
spécifique.
Une instruction est donc en cours d'élaboration. Je souhaite poursuivre la concertation sur ce sujet avec les associations
d'élus pour trouver une solution au paradoxe que vous avez évoqué et définir le caractère accessoire de l'activité de
manière peut-être un peu moins désavantageuse pour les collectivités locales en tenant compte de la réalité du terrain. Je
compte que ce travail soit engagé par l'administration en étroite concertation avec les collectivités locales concernées ; je
pense ici notamment à l'Association des maires de France et à l'Association des présidents de conseils généraux.
M. Philippe Marini. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Marini.
M. Philippe Marini. Je remercie M. le ministre de l'analyse qu'il nous a livrée. Elle s'inscrit dans la continuité des
positions successivement prises par les gouvernements qui se sont préoccupés de ce sujet. J'avoue cependant rester
encore un peu sur ma faim !
En effet, lorsque l'on prépare un projet, lorsque l'on établit un plan de financement, lorsque l'on s'efforce de diversifier
l'origine des fonds, il est nécessaire d'avoir une règle du jeu claire et constante. M. le ministre le rappelle à juste titre,
l'accès au FCTVA ne sera validé que lors de la réalisation du contrôle par les services qui sont chargés de l'effectuer,
c'est-à-dire une fois que l'usine aura été construite et qu'elle fonctionnera.
Aussi beaucoup d'élus locaux et de dirigeants de syndicats mixtes concernés par la gestion des déchets craignent-ils que,
entre le jour du lancement de l'opération et la date de mise en route, toutes sortes de variations ou de remises en cause
n'interviennent qui modifient l'équilibre économique prévisionnel sur la base duquel l'investissement est décidé. C'est en
quelque sorte une question de constance du cadre économique et financier.
En effet, lorsque l'on se lance dans un investissement de 450 millions de francs ou de 500 millions de francs, pour prendre
mon cas, il est absolument indispensable que l'équilibre économique et financier du projet soit bouclé ne varietur, quelles
que puissent être les évolutions de contexte ou les évolutions juridiques, sachant que, bien sûr, le syndicat doit se fixer des
objectifs et s'y tenir.
L'instruction qu'évoque M. le ministre permettra sans doute de lever ces doutes et ces incertitudes. Aujourd'hui, ce n'est
pas encore tout à fait le cas, mais M. le ministre de l'intérieur, qui, jusqu'à une époque très récente, était, lui aussi, maire
d'une ville moyenne, sait comme nous que, lorsqu'on se lance, lorsqu'on fait un pari sur l'avenir, il faut être quelque peu
sécurisé par des règles du jeu dont on puisse penser qu'elles s'appliqueront de manière à la fois constante et certaine.

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