Question de M. RAFFARIN Jean-Pierre (Vienne - RI) publiée le 24/10/1997

M. Jean-Pierre Raffarin attire l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur la réforme des fonds structurels communautaires. La Commission européenne va formuler dans les prochaines semaines ses propositions pour la réforme des fonds structurels pour la période 2000-2006. Il lui demande de lui indiquer les positions de la France : sur le montant de la politique régionale européenne ; sur le rapprochement de l'objectif 2 et 5 B ; sur l'introduction de mesures spécifiques en faveur des régions ultra-périphériques ; sur le nouveau programme d'initiative communautaire pour la coopération interrégionale.

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Réponse du ministère : Affaires européennes publiée le 19/11/1997

Réponse apportée en séance publique le 18/11/1997

M. Jean-Pierre Raffarin. Je suis très heureux que M. le ministre délégué chargé des affaires européennes puisse
répondre à ma question. En effet, trop souvent la question des fonds structurels européens est limitée à l'aménagement du
territoire alors qu'il s'agit d'un dossier dont la dimension européenne est évidente.
La réforme des fonds structurels est d'une très grande importance. Elle l'est tout d'abord en termes financiers puisque
l'Agenda 2000 a prévu une somme de 275 milliards d'écus, ce qui représente près de 2 milliards de francs. Il s'ensuit des
débats très nourris pour déterminer ce qui doit revenir aux pays actuellement membres de l'Union et ce qui doit être
attribué aux pays susceptibles d'entrer dans l'Union.
A cet égard, il faut bien prendre conscience de la transformation de la géographie européenne qui va découler de
l'élargissement de l'Union. Dans l'Europe des Six, la France était au coeur de l'Europe. Lorsque l'Union comptera vingt,
vingt-cinq ou trente membres, l'Europe de l'Ouest sera une périphérie de l'Union et nous, nous serons la périphérie de la
périphérie.
Par ailleurs cette réforme survient au même moment que la réforme de la PAC, laquelle fait également partie de la
politique d'aménagement du territoire.
Dès lors, monsieur le ministre, je vous poserai la question suivante : la France a-t-elle un projet pour cette réforme ? La
France est-elle capable de dégager des priorités qui soient susceptibles de recueillir des soutiens. Il faut que la France
trouve des alliés pour imposer des critères nouveaux. En effet, le seul critère de la pauvreté me semble insuffisant pour
assurer une cohésion économique et sociale satisfaisante.
Ainsi, la région Limousin, par exemple, qui apparaît comme fragile dans l'ensemble français, présente les caractéristiques
de région développée par rapport au Portugal, à l'Italie ou à l'Espagne.
Monsieur le ministre, êtes-vous prêt à organiser un débat au Parlement, mais aussi à l'échelon des collectivités territoriales
concernées pour déterminer les nouveaux critères à prendre en compte dans la réforme des fonds structurels ? Je pense,
notamment, au critère de périphéricité qui serait nécessaire pour le cas de la France devenue périphérique dans l'Europe.
Je le répète, cette réforme est importante. Ainsi, dans la région Poitou-Charentes, les fonds structurels européens
représentent une somme de 1,7 milliard de francs sur cinq ans, c'est-à-dire un sixième budget régional qui vient de
l'Europe tous les cinq ans. C'est pourquoi nous souhaitons un débat sur le sujet, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Pierre Moscovici, ministre délégué chargé des affaires européennes. Monsieur le sénateur, vous avez raison de
souligner que la réforme des fonds structurels qui doit avoir lieu à la fin de l'actuelle programmation et à la veille du
prochain élargissement de l'Union constitue une échéance importante pour les autorités françaises et englobe,
effectivement, toute la politique européenne.
Comme vous le savez, la Commission européenne a présenté, dans sa communication dite « Agenda 2000 », des
orientations pour la programmation des années 2000 à 2006. Ces propositions visent, notamment, à une simplification des
différents objectifs actuels et des programmes d'initiative communautaire.
Vous me demandez si le Gouvernement a un projet à cet égard.
Pour l'heure, il réfléchit à partir de ce document dans le cadre d'une négociation qui n'en est, vous le savez, qu'à son tout
début, voire à ses balbutiements. Nous avons déjà fait savoir à la Commission que nous attendions, de sa part, un certain
nombre de précisions.
Ces précisions concernent notamment les critères d'éligibilité aux fonds autres que le seul critère du PIB ainsi que les
modalités du mécanisme de transition qui sera mis en place pour les régions éventuellement appelées à ne plus être
éligibles aux fonds dans les mêmes conditions qu'aujourd'hui.
Ces clarifications sont importantes pour pouvoir achever l'examen des propositions de la Commission et définir ainsi,
comme vous le souhaitez, la position que les autorités françaises devront défendre lors des négociations communautaires
sur l'adaptation des fonds ?
D'une manière générale, vous en êtes conscient, il est clair que le contexte budgétaire actuel appelle une réforme en
profondeur du système des fonds structurels. Cette réforme doit prendre en compte l'impératif général de maîtrise de la
dépense qui s'impose aux Etats, aux collectivités locales - je sais que vous êtes un grand spécialiste de la question - ainsi
qu'à l'Europe.
Cette réforme doit également être fondée sur une évaluation de l'efficacité des fonds dans la programmation précédente
au regard, notamment, du critère de l'emploi car il s'agit non pas tant de dépenser plus que de dépenser mieux ; c'était
d'ailleurs le sens de votre question.
Il importe de veiller, par ailleurs, à ce que soient aménagées des transactions adéquates entre ce que l'on a appelé, dans le
jargon communautaire, « le paquet Delors II » et ce qui sera le « paquet Santer ».
S'agissant de la concentration des aides structurelles, sans y être hostiles a priori, nous sommes, là encore, dans l'attente
d'éclaircissements qui ont été demandés à la commission sur les conditions précises du rapprochement des objectifs.
Nous sommes également conscients des problèmes posés par les régions non seulement périphériques, mais aussi
ultra-périphériques, dont les régions Limousin ou Poitou-Charentes ne sont quand même pas des exemples types.
Pour ce qui concerne les régions ultra-périphériques - beaucoup d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs y sont
sensibles - je vous rappelle q'un nouvel article a été introduit dans le traité d'Amsterdam, sur l'initiative de la France.
La Commission estime que leur situation particulière conduit à les assimiler de façon systématique à ce que l'on appelle
l'objectif 1. Cette mesure intéresse en particulier nos départements d'outre-mer, mais il faut noter que ces départements
sont en tout état de cause appelés à continuer de bénéficier sur la base du seul critère du PIB régional, du soutien de la
Communauté au titre de l'objectif 1.
Enfin, nous accueillons tout à fait favorablement la proposition relative à la création d'un programme d'initiative
communautaire qui intègre la coopération transfrontalière, transnationale et interrégionale.
Monsieur le sénateur, j'ai conscience de ne pas répondre tout à fait à votre question, car nous n'en sommes aujourd'hui
qu'à un stade de l'examen qui impose de notre part une analyse serrée, des réactions mesurées.
Vous avez appelé le Gouvernement à organiser un débat à la fois devant le Parlement et sur le plan régional. Sachez que
cela correspond tout à fait à l'idée que je me fais de ma mission. Le ministre chargé des affaires européennes au sein du
Gouvernement a, bien sûr, une fonction transversale ; il a également une fonction diplomatique - j'étais hier en Hongrie,
car l'élargissement aux pays d'Europe centrale et orientale relève de mes attributions ; mais il a aussi - tâche très
importante - un rôle d'explication vis-à-vis de l'opinion et de ses représentants.
Il nous faut rendre l'Europe populaire, compréhensible, et nous ne refuserons aucun débat, qu'il soit parlementaire, public,
centralisé ou décentralisé.
M. Jean-Pierre Raffarin. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Raffarin.
M. Jean-Pierre Raffarin. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse. Je suis très sensible au message
délivré aux régions ultra-périphériques.
Je tiens à rappeler que, lors de la conférence des régions périphériques maritimes qui s'est tenue à La Rochelle au mois
d'octobre dernier, cent régions de l'ensemble de l'Europe ont pris position en faveur d'une réforme des fonds structurels
qui intégrerait le critère de périphéricité.
On a pu assister au triste débat sur le lieu de construction de la Swatchmobile, au terme duquel le coeur de l'Europe a été
préféré à la périphérie atlantique. On a pu voir Toyota effectuer des approches pour aller s'installer également au coeur de
l'Europe.
Il nous faut bien défendre cette périphéricité, qui est une cause française. Mais, au sein de l'arc atlantique ou
méditerranéen, la France peut trouver dans le Royaume-Uni, l'Espagne ou le Portugal des alliés importants.

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