Question de M. TAUGOURDEAU Martial (Eure-et-Loir - RPR) publiée le 12/12/1997

Question posée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à M. Taugourdeau.
M. Martial Taugourdeau. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'agriculture et de la pêche.
Monsieur le ministre, partout dans notre pays, les agriculteurs manifestent leurs inquiétudes et leur profond désarroi face
aux propositions de la Commission européenne de réforme de la politique agricole commune.
A la veille du sommet de Luxembourg, pouvez-vous nous dire quelles mesures vous entendez prendre à l'égard des
propositions ultralibérales de Bruxelles, qui, sous l'influence américaine, préconise une baisse généralisée des prix et
l'ouverture systématique aux marchés mondiaux ?
Si une telle évolution se produisait, les agriculteurs céréaliers subiraient notamment les conséquences de la suppression de
l'aide spécifique aux cultures irriguées.
Accepter ces propositions reviendrait à signer l'arrêt de mort de notre agriculture et, au-delà de celle-ci, du modèle
agricole européen.
Pour ma part, au nom du groupe du Rassemblement pour la République, je m'oppose fermement à cette politique qui ne
préserve ni la préférence communautaire ni l'identité agricole européenne, et qui n'a pas la volonté de défendre de façon
différenciée les intérêts de chacun de nos secteurs agricoles.
Je vous demande donc, monsieur le ministre, de préciser votre position sur ce point essentiel pour l'avenir de notre
agriculture et du modèle agricole européen. (Applaudissements sur les travées du RPR, des Républicains et des
Indépendants, et de l'Union centriste.)

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 12/12/1997

Réponse apportée en séance publique le 11/12/1997

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, les appréhensions dont vous
faites état, qui se font jour au gré des manifestations dans nos provinces, contre le « paquet Santer » sont
compréhensibles. Le Gouvernement l'a dit en son temps, lorsqu'il a analysé et conduit cette analyse, en concertation avec
les organisations agricoles : les propositions du « paquet Santer », relatives à l'agriculture ne sont pas acceptables en l'état.
Pour illustrer mon propos, je dirai tout d'abord que la proposition de baisse systématique des prix n'est pas adaptée au
type d'agriculture organisée, par filières notamment, que nous connaissons.
Je dirai ensuite que le dispositif contient un certain nombre de propositions incohérentes. Ainsi, pour les productions
laitières, les mesures proposées conduiraient tout simplement à la disparition du système des quotas.
Je dirai encore que la mise en oeuvre des propositions relatives à la viande bovine se ferait au détriment de l'élevage
extensif.
Je dirai enfin - vous avez formulé ce grief et nous l'avons tous aussi exprimé en son temps - qu'à travers ces propositions
l'Europe n'affirme pas suffisamment sa volonté de défendre une politique agricole, un modèle agricole fondé sur des
mesures d'organisation et de protection. Pourtant, d'autres grandes puissances agricoles de par le monde affirment leur
volonté, sans scrupules dirai-je.
Confronté à une telle attitude, j'ai dû, au fil des conseils agricoles, faire part de deux préalables.
Le premier préalable consiste à dire que l'Europe doit affirmer fortement sa volonté de défendre l'identité agricole des
pays qui la composent,...
M. Raymond Courrière. Très bien !
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. ... dont il est permis de dire qu'elle est caractérisée
notamment par la diversité des productions.
Le second préalable peut s'énoncer ainsi : si l'Europe a une telle ambition, il convient qu'elle s'en donne les moyens.
Cela nous a conduits, tout simplement, à demander que soit respectée, consolidée, ce que l'on appelle la ligne directrice
agricole, dans son principe et dans ses modalités de calcul, c'est-à-dire les moyens de la politique agricole pour la période
2000-2006.
Ces deux préalables que nous avons exprimés seront, je n'en doute pas, encore posés à l'occasion du conseil européen
qui va se tenir dans les prochains jours.
Je ferai, en outre, remarquer que le conseil agricole s'est achevé, en novembre dernier, sur un consensus : quatorze Etats
membres sur quinze ont repris à leur compte ce préalable que j'avais énoncé et ont dit très clairement leur vision de la
réforme de la politique agricole commune.
Le Premier ministre, mais aussi le chef de l'Etat, quand ils ont reçu les organisations syndicales agricoles, ont voulu
montrer que la France entendait bien lier l'engagement des discussions sur l'élargissement au respect d'un certain nombre
de principes. Singulièrement pour la politique agricole, ils ont insisté sur le fait qu'ils entendaient que soit affirmée, à cette
occasion, la volonté de défendre l'identité agricole européenne.
Il est apparu qu'il était nécessaire de réformer la politique agricole commune pour des considérations internes et externes,
et vous avez vous-même fait référence aux rencontres-négociations sur l'élargissement. Sur ce sujet, il y aura bien
évidemment de grandes conférences multilatérales.
Nous disons oui à la réforme. Mais il s'agit d'assurer la pérennité de la PAC, et non de la démanteler. (Applaudissements
sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste républicain et citoyen.)

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