Question de M. BOURDIN Joël (Eure - RI) publiée le 16/01/1998

Question posée en séance publique le 15/01/1998

M. le président. La parole est à M. Bourdin.
M. Joël Bourdin. Ma question s'adresse à M. le ministre de l'économie et des finances et n'a aucun caractère
polémique.
M. Michel Dreyfus-Schmidt. Enfin !
M. Joël Bourdin. Je connais les limites d'une question relative aux conséquences de la crise asiatique sur l'évolution de
notre pays. Cependant, monsieur le ministre, les réponses que vous avez données, hier encore, quant au taux de
croissance prévisionnel retenu pour le budget de 1998, qui a été fixé, compte tenu des critères de convergence, à 3 %,
m'ont un peu laissé sur ma faim.
La crise asiatique, avez-vous l'habitude de dire, existe et elle aura sans doute des conséquences, mais un phénomène de
compensation va se produire : grâce à la reprise de la consommation et de l'investissement, grosso modo, ce qui est
perdu d'un côté sera gagné de l'autre. En conséquence, vous maintenez ce taux prévisionnel. C'est important car,
effectivement, 1998 est une année cruciale pour nous et nous ne pouvons pas nous permettre de fantaisie dans ce
domaine.
Des économistes ont estimé que la crise asiatique - qui a commencé il y a six mois - par le biais des exportations directes
et indirectes et des importations, entraînerait une baisse de 0,3 à 0,5 point du taux de croissance. Le problème n'est pas
de savoir exactement ce qu'il en est, mais je ne vois pas en quoi la reprise de la consommation et de l'investissement
compensera cette baisse.
Je souhaite savoir, monsieur le ministre, sur quels éléments vous vous fondez. J'imagine que la direction de la prévision
vous a donné des éléments. Peut-être pourrait-elle également nous les communiquer ; cela nous serait utile. Nous
préférerions avoir des informations complémentaires plutôt que des arguments donnés d'autorité.
Quel sera l'effet de l'accroissement de la consommation et de l'investissement ?
Dans un pays qui se veut transparent, avec une bourse qui fonctionne bien, les épargnants ont le droit d'être informés.
C'est un devoir. La Commission des opérations de bourse insiste sur ce point.
Nous souhaiterions savoir quel impact peut avoir la crise asiatique sur l'évolution des risques de nos banques. En effet, un
certain nombre d'entre elles sont engagées en Asie du Sud-Est.
Un certain nombre de journaux ont fait état d'estimations. Les épargnants sont en droit de disposer d'informations
précises pour agir en toute conscience sur la bourse de Paris.
J'aborderai pour finir le problème de la COFACE, la Compagnie française d'assurance pour le commerce extérieur.
Cet organisme doit, sur ce sujet, disposer d'estimations. Il fonctionne bien depuis un certain nombre d'années...
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La question est trop longue !
M. Joël Bourdin. ... puisqu'il a rapporté au budget de l'Etat 7 milliards de francs en 1996, 10 milliards de francs en
1997, et le prélèvement effectué sur la COFACE rapportera selon les prévisions 7 milliards de francs en 1998.
Qu'en est-il, monsieur le ministre, de ces différents aspects ? (Applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
M. Michel Dreyfus-Schmidt. La question a été trop longue. La réponse du ministre ne pourra pas être diffusée par la
télévision !
M. le président. Monsieur Dreyfus-Schmidt, ne protestez pas. Tout à l'heure, quand vos amis sont intervenus, c'était
bien pis !
M. Michel Dreyfus-Schmidt. En l'espèce, la question aura été retransmise par la télévision alors que la réponse ne le
sera pas ! Il y a déséquilibre.

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Réponse du ministère : Économie publiée le 16/01/1998

Réponse apportée en séance publique le 15/01/1998

M. le président. J'ai essayé de mener ces débats sans blesser personne. Mais personne n'a été sérieux aujourd'hui, non
pas sur le fond, mais dans le respect des temps de parole.
La parole est à M. le ministre.
M. Dominique Strauss-Kahn, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie. Monsieur le sénateur, vous
connaissez ces questions mieux que quiconque, et vous les avez parfaitement résumées.
En effet, s'agissant de la crise asiatique telle qu'on l'apprécie aujourd'hui - personne ne sait de quoi seront faits la fin du
mois de janvier et le mois de février - on peut penser que, au moins s'agissant de la Corée, la situation aujourd'hui est
beaucoup plus stable qu'elle ne l'était voilà quelques semaines. Nous sommes donc plutôt sur la bonne pente. Mais,
comme il est normal en la matière, je veux pouvoir émettre toutes les réserves sur ce que nous prépare l'avenir.
Telle que nous connaissons aujourd'hui la situation, l'effet sur la croissance économique de la France est de l'ordre de ce
que vous avez évoqué, encore que les prévisionnistes fassent toujours un travail difficile : 0,3 à 0,5 point de croissance en
moins, cela me paraît une estimation raisonnable. Donc, la prévision que le Gouvernement a fournie lors de l'examen de la
loi de finances, au cours de l'automne, peut sembler aujourd'hui surestimée.
Mais, comme vous l'avez rappelé à juste titre, monsieur le sénateur, le dernier trimestre de l'année 1997 nous a réservé
une bonne surprise en termes de croissance interne. Le résultat - là il ne s'agit plus de prévision - est que la pente de
croissance de l'économie française à la fin de l'année 1997 est de 3,5 %, conformément à l'estimation de l'INSEE. Il n'y a
donc pas de mystère, ni de grande arithmétique à engager pour penser raisonnablement que, après imputation d'un effet
de la crise asiatique compris entre 0,3 % et 0,5 %, nous continuerons l'année 1998 avec une croissance de 3 %.
Evidemment, cette croissance n'a pas la même structure que celle que nous avions prévue. Elle sera moins tirée par
l'extérieur, plus par l'intérieur : moins tirée par l'extérieur, c'est la conséquence de la crise, plus par l'intérieur, c'est la
bonne surprise d'une reprise interne plus forte que ce qui avait été anticipé.
Deux éléments doivent soutenir cette croissance en 1998, comme nous l'avions prévu : d'abord, un dollar qui se maintient
à des valeurs élevées, au-dessus de six francs ; ensuite, des taux d'intérêt à long terme qui sont aujourd'hui les plus bas
que nous ayons connus depuis extrêmement longtemps, puisqu'ils se situent à environ 5 %.
Il est donc raisonnable de continuer à penser, au point où nous en sommes aujourd'hui et sous réserve de ce que sera
l'avenir, que la croissance sera bel et bien de 3 %. D'ailleurs, dans une certaine mesure, c'est une meilleure croissance que
celle qui était prévue puisque, ayant plus de composantes internes, elle rapportera plus de ressources fiscales. Ces 3 % de
croissance-ci plutôt que les 3 % de croissance initialement prévus, c'est plus de ressources fiscales car, comme vous le
savez, la croissance qui découle de l'exportation n'est pas à l'origine de recettes de TVA.
Pour ce qui est de la situation de nos banques, il est clair que la crise, notamment coréenne, mais aussi dans les autres
pays émergents de l'Asie, aura des conséquences financières pour nos banques, qui sont chacune en train de les estimer et
de les provisionner.
Il n'y a pas, me semble-t-il, de difficulté majeure. Les banques françaises sont suffisamment capitalisées ou ont des
actionnaires suffisamment puissants pour fournir les ressources nécessaires pour compenser les pertes qui, inévitablement,
découleront des situations asiatiques.
Pour le moment, il est difficile de les estimer totalement. Les provisions qui ont été faites par les principales banques
françaises sont importantes, peut-être même surestimées par rapport à un risque qui pourrait finalement se révéler moins
grave que prévu.
Ce que nous observons, c'est une chute très forte des bourses asiatiques. Mais, comme vous le savez, dans ces cas-là, la
chute est souvent d'autant plus forte que l'optimisme avait été trop fort avant. Quand la situation se rétablit, on revient à
des niveaux un peu moins bas que ceux qui ont été atteints au creux de la crise. Si c'était le cas, il est probable que les
anticipations de pertes qui ont été faites par les banques françaises, comme d'ailleurs par les banques européennes, se
révéleraient plus que suffisantes.
Quant à la COFACE, il est clair, là encore, qu'on ne peut pas espérer qu'une crise aussi importante en Asie n'ait pas
d'incidences sur cette compagnie d'assurance. Au demeurant les chiffres que vous avez évoqués relatifs à ce que la
compagnie a rapporté au budget de l'Etat pour 1996 et 1997 sont exacts, monsieur le sénateur.
Pour 1997, les résultats n'ont pas été affectés par la crise, ils sont même un peu supérieurs à 10 milliards de francs : ils
avoisinent en effet les 11 milliards de francs.
Pour 1998, il est évidemment beaucoup trop tôt pour se prononcer, mais il y aura inévitablement un impact de la crise
asiatique à hauteur de ce que représentent ces marchés pour nos exportations. Cela représente, selon la manière de
compter, de 6 % à 10 % de nos exportations, c'est-à-dire près de un point du PIB. S'il y a des sinistres industriels ou
commerciaux importants, ils auront évidemment des répercussions sur les bénéfices de la COFACE. Nous en
reparlerons, si vous le voulez bien, un peu plus tard dans l'année, car il est un peu trop tôt pour traiter cette question
maintenant.
Ce qui est important, en revanche, c'est qu'au point où nous en sommes aujourd'hui, et même si cela peut paraître
surprenant à un certain nombre d'entre vous, dans la mesure où nous nous sommes montrés trop prudents dans notre
prévision sur la croissance domestique et où elle se révèle meilleure que prévu, il est probable, je le crois tout à fait, que
notre croissance, en moyenne, se maintiendra en 1998 aux 3 % qui avaient été prévus. (Applaudissements sur les
travées socialistes et sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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