Question de M. HUCHON Jean (Maine-et-Loire - UC) publiée le 21/01/1998

M. Jean Huchon attire l'attention de M. le secrétaire d'Etat à l'outre-mer sur le retard pris dans la mise en oeuvre de la loi sur les cinquante pas géométriques. A sa connaissance, aucun décret d'application à ce jour n'est paru. Or, de nombreuses familles des départements d'outre-mer, en particulier de la Guadeloupe et de la Martinique concernées par ce texte, attendent de pouvoir régulariser leur situation, notamment par la validation de leur titre de propriété. Les dispositions de la loi répondent à une situation d'urgence à la fois humaine et économique. Tout retard dans son application met le règlement définitif concernant la question de l'occupation sans titre, mais aussi la question du développement économique, au regard notamment de la concrétisation de projets de rénovation de l'habitat insalubre et de la modernisation de certains quartiers, et enfin la question de l'amélioration de la protection du littoral. C'est pour l'ensemble de ces éléments qu'il lui demande de bien vouloir l'informer des dispositions que compte prendre le Gouvernement pour l'application rapide de la loi.

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Réponse du ministère : Outre-mer publiée le 25/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 24/02/1998

M. Jean Huchon. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'Etat, mes chers collègues, le Parlement a voté voilà
plus d'un an la loi relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur de la zone dite des cinquante pas
géométriques.
Ce texte prévoit de stabiliser la situation juridique de 30 000 de nos concitoyens de Guadeloupe et de Martinique qui
vivent à proximité du rivage de la mer dans cette zone qui, je le rappelle, s'étend sur une bande de 81,20 mètres.
Cette loi avait prévu quatre mesures principales : tout d'abord, la délimitation de la zone par le préfet dans un délai d'un an
à compter de la publication du texte ; ensuite, la création d'une juridiction appelée « commission de vérification des titres
de propriété » ; par ailleurs, l'institution d'agences pour l'aménagement et la mise en valeur de la zone dans chaque
département ; enfin, l'octroi d'une aide de l'Etat au profit des plus déshérités de nos concitoyens.
Monsieur le secrétaire d'Etat, que fait le Gouvernement sur chacun de ces points ?
Je crois savoir que, en Guadeloupe, beaucoup de côtes n'ont pas encore fait l'objet d'une délimitation.
Il ressort des contacts que j'ai noués lors d'une mission que j'ai conduite sur le terrain que l'administration locale ne met
pas tout le zèle souhaitable à l'application de la loi !
A n'en pas douter, ce texte est d'une application délicate, si j'en juge par le nombre de ministères concernés par sa mise
en oeuvre. Le Gouvernement, toutefois, ne peut pas en tirer argument pour ne pas agir. Je demeure convaincu qu'il faut
faire mieux et plus vite.
Sachez, monsieur le secrétaire d'Etat, que le titre de propriété qui sera accordé aux habitants de la zone sera, comme me
le disait l'un de leurs élus, une nouvelle preuve de l'attachement de la République, qui fit sortir certains de leurs ancêtres de
l'esclavage !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer. Monsieur le sénateur, vous avez attiré mon attention sur
les conditions d'application de la loi du 30 décembre 1996, relative à l'aménagement, à la protection et à la mise en valeur
de la zone dite des cinquante pas géométriques. Vous êtes d'autant plus intéressé que vous avez rapporté devant la Haute
Assemblée ce texte important, qui répond à une triple attente.
La première attente est d'ordre social, puisque les occupants de cette bande littorale n'ont pas de titre de propriété. Vous
avez indiqué que 30 000 ménages attendaient cette régularisation.
La deuxième attente est d'ordre environnemental, puisqu'il s'agit de protéger le littoral d'une urbanisation aussi sauvage
qu'illégale. Il faut donc préserver le patrimoine naturel, qui a un intérêt touristique évident.
La troisième attente est d'ordre économique, pour qu'il y ait des aménagements adaptés sur cette zone.
Comme vous l'avez indiqué, monsieur le sénateur, la mise en oeuvre de cette loi est complexe et, dans un premier temps,
il faut délimiter le rivage de la mer.
Les opérations n'ont pu être achevées en Guadeloupe avant le 1er janvier 1998, en dépit des crédits dégagés par le
ministère de l'équipement, des transports et du logement. Elles se poursuivront en 1998, et j'espère qu'elles pourront être
terminées au cours de cette année.
Là où le rivage est délimité, il appartient aux préfets, après consultation des communes, de procéder à la délimitation par
voie d'arrêté, entre, d'une part, les espaces urbains et les secteurs occupés par une urbanisation diffuse et, d'autre part, les
espaces naturels.
Des opérations de cette nature ont été engagées en Martinique, ainsi qu'en Guadelope, sous réserve des secteurs dont le
rivage n'a pas encore été délimité, et elles vont se poursuivre au cours ce cette année. Mais là encore, il s'agit, comme
vous l'avez indiqué, d'opérations délicates et lourdes.
La loi prévoit la rédaction de neuf décrets d'application, ce qui implique de nombreux travaux à mener, en liaison avec les
préfectures, par les ministères concernés. Si aucun décret n'est encore paru à ce jour, le secrétaire d'Etat à l'outre-mer
que je suis souhaite que ces décrets se mettent en place maintenant rapidement.
Je voudrais faire le point sur un certain nombre d'entre eux.
Les articles L. 88-2 et L. 89-2 du code du domaine de l'Etat ont prévu la mise en place dans chacun des trois
départements concernés - Guadeloupe, Martinique et Guyane - d'une juridiction appelée « commission départementale de
vérification des titres ».
Le décret qui leur est relatif a été soumis au Conseil d'Etat. Il devrait paraître au printemps de cette année, en même
temps que les arrêtés interministériels qui désigneront les trois magistrats de ces commissions.
Le décret en Conseil d'Etat relatif à la composition et au fonctionnement de chacune des deux agences pour la mise en
valeur des espaces urbains de la zone dite des cinquante pas géométriques est actuellement en phase finale d'élaboration.
Il sera soumis à l'avis du conseil général de chacun des deux départements de la Martinique et de la Guadeloupe. Il s'agit
bien sûr d'un texte important pour le développement économique et social de la zone. A partir du moment où nous aurons
recueilli l'avis des conseils généraux concernés, rien ne s'opposera plus à la publication de ces décrets.
Par ailleurs, trois autres projets de décrets sont également en phase avancée de préparation.
Le premier porte sur les cessions de terrains consenties gratuitement par l'Etat aux communes et aux organismes ayant
pour objet la réalisation d'opérations d'habitat social et sur les cessions de terrains consenties à titre onéreux aux
particuliers.
Un autre décret porte sur l'aide exceptionnelle de l'Etat prévue par l'article 3 de la loi du 30 décembre 1996. Ce décret,
comme vous le savez, monsieur le sénateur, doit être étudié avec soin, car il conditionnera l'évolution de la question de la
propriété sur la zone des cinquante pas. Le Gouvernement a la volonté de régler de la manière la plus satisfaisante
possible le problème de l'occupation sans titre.
Enfin, le troisième décret en cours de préparation concerne la superficie plafond pour les cessions de terrains prévues par
l'article L. 89-5 du code du domaine de l'Etat.
Telle est donc, monsieur le sénateur, la situation.
Les administrations centrales concernées sont mobilisées, et je leur ai rappelé la nécessité de mettre au point ces textes de
façon définitive. J'espère que, d'ici à la fin de cette année, nous aurons réussi à faire paraître les neuf décrets nécessaires à
la mise en vigueur de la loi.
Effectivement, les délais peuvent paraître longs, mais la situation est complexe et je souhaite que les décrets apportent à
nos compatriotes d'outre-mer satisfaction sur le plan tant de l'habitat que du développement en réglant cette épineuse
question.
M. Emmanuel Hamel. Merci, monsieur le secrétaire d'Etat !
M. Jean Huchon. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Huchon.
M. Jean Huchon. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le secrétaire d'Etat. Ayant constaté sur place la situation,
je conçois que le problème est difficile à régler, d'autant plus que des générations de législateurs et de gouverneurs l'ont
laissé traîner depuis un édit royal de 1704 !
Je vous remercie donc, monsieur le secrétaire d'Etat, de faire le nécessaire pour clore un dossier qui intéresse beaucoup
de personnes.
M. Emmanuel Hamel. Vous êtes dans la continuité de Louis XIV, c'est bien ! (Sourires.)

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