Question de Mme HEINIS Anne (Manche - RI) publiée le 13/02/1998

Question posée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à Mme Heinis.
Mme Anne Heinis. Ma question s'adresse à M. le Premier ministre et concerne l'arrêt de Superphénix. (Exclamations
sur les travées socialistes.)
Depuis cette annonce, nous avons été nombreux, tant au Sénat qu'à l'Assemblée nationale, à ne cesser de réclamer un
véritable débat parlementaire sur les objectifs de la politique énergétique nationale et sur la place des neutrons rapides en
matière de transmutation représentée par Superphénix.
La transmutation, le stockage en profondeur et l'entreposage de longue durée en surface représentent les trois voies de
recherche sur l'élimination des déchets radioactifs à vie longue. Or, la loi de 1991 exige de les mener simultanément à
l'échéance de 2006. D'autres puissances nucléaires le reconnaissent et poursuivent dans cette voie.
Vous savez bien que vous fermez Superphénix non pas pour des raisons de sûreté ou des problèmes de fonctionnement,
mais pour des enjeux purement électoraux. (Protestations sur les travées socialistes.)
M. René-Pierre Signé. C'est faux.
M. Gérard Larcher. Très bien !
M. Charles Revet. C'est tout à fait vrai !
Mme Anne Heinis. En effet, après un certain nombre de mises au point inhérentes à tout prototype et d'arrêts de nature
administrative et non pas seulement techniques, Superphénix a fonctionné à 95 % de sa capacité en 1996, et même si la
production d'électricité n'est plus sa fonction première, n'oublions pas qu'elle permet de couvrir ses frais de
fonctionnement.
Il est bien évident que, si le lobby antinucléaire gagne la bataille, il poursuivra le harcèlement sur un autre site, et La Hague
est toute désignée.
Monsieur le secrétaire d'Etat, il n'est pas possible comme vous venez de le faire, à la fois d'affirmer le maintien du choix
de la filière nucléaire et de refuser de traiter l'aval du cycle qui reste le problème majeur. (Très bien ! sur les travées du
RPR.)
Vous allez gaspiller pas moins de 10 milliards de francs en ne laissant pas consommer les coeurs disponibles du réacteur.
Vous allez faire payer au moins 5 milliards de francs supplémentaires à EDF pour compenser la sortie des entreprises
étrangères partenaires.
Vous allez laisser reporter les recherches sur la destruction des déchets les plus dangereux dans un réacteur ancien dont
les défauts de fonctionnement n'ont pas été expliqués, opération dont on ne connaît pas le coût.
Pas plus à l'échelon local qu'à l'échelon national, nous n'avons eu connaissance du rapport de l'inspecteur général, M.
Aubert. M. René-Pierre Signé. La question !
M. Charles Revet. C'est très important !
Mme Anne Heinis. Voici ma question : puisque vous refusez le débat avec les parlementaires, nous sommes fondés à
vous demander si vous êtes toujours favorables à des institutions démocratiques dans lesquelles le Parlement contrôle
l'action du Gouvernement ?
M. Alain Gournac. Très bien !
Mme Anne Heinis. Peut-on alors espérer, dans de brefs délais, un rapport précis sur les véritables conséquences de
l'abandon de Superphénix, notamment son coût ? (Très bien ! et applaudissements sur les travées des Républicains et
Indépendants, du RPR et de l'Union centriste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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Réponse du ministère : Industrie publiée le 13/02/1998

Réponse apportée en séance publique le 12/02/1998

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat à l'industrie. Comme je l'ai indiqué précédemment - et, madame le sénateur,
vous y faisiez référence - le Gouvernement a décidé que Superphénix ne redémarrerait pas, même pour une durée limitée.
Ce prototype, qui constituait en effet un saut technologique considérable, a été difficile à maîtriser et a coûté beaucoup
plus cher que prévu. Il ne peut d'ailleurs pas, en l'état de son développement, constituer un modèle à reproduire à
l'identique dans un programme d'équipement en surgénérateurs.
Je voudrais m'élever d'emblée contre un aspect de votre question, madame le sénateur : il ne doit y avoir en France ni
lobby pro-nucléaire ni lobby anti-nucléaire. (Protestations sur les travées du RPR et des Républicains et
Indépendants.)
M. Philippe François. Il existe cependant.
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Il y a une politique énergétique équilibrée qui fait appel à la raison et au
leadership technologique français dans ce domaine et qui doit être l'objet non pas de passion, mais d'une démarche très
déterminée.
Pour autant, Superphénix représente, en effet, une technologie remarquable et très riche... (Exclamations sur les mêmes
travées.)
M. Jean Chérioux. C'est pourquoi on l'abandonne !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... développée par des personnels particulièrement motivés et performants. Ils
ont montré que la France savait mettre au point des équipements technologiques innovants de très haut niveau. Il faudra
tirer profit - peut-être dans trente, quarante ou cinquante ans,...
M. Philippe François. Vous ne serez plus là !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... lorsque la question se posera - de l'expérience accumulée et poursuivre les
recherches dans le domaine des réacteurs à neutrons rapides pour l'avenir à très long terme.
M. Charles Revet. C'est pourquoi vous l'arrêtez !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. Le Gouvernement entend naturellement poursuivre la recherche sur la
transmutation, afin de fournir au Parlement, comme le prévoit la loi du 30 décembre 1991, les moyens de prendre en
connaissance de cause des décisions en 2006 sur l'aval du cycle. La loi du 30 décembre 1991 sera bien évidemment
appliquée.
A court terme, les programmes de recherche nécessaires pour le respect de cette loi seront orientés sur Phénix, réacteur
de taille plus petite mais conçu, dès le départ, à des fins de recherche. Phénix est particulièrement souple pour
l'expérimentation, du fait notamment de la brièveté du cycle, et permet de disposer d'une instrumentation adaptée aux
études expérimentales.
A la suite d'un très important travail de mise à niveau effectué par le Commissariat à l'énergie atomique, le CEA, l'autorité
de sûreté, la direction de la sûreté des installations nucléaires, la DSIN, a estimé possible de donner un avis favorable à la
montée en puissance de Phénix jusqu'en 2004 sous certaines conditions qui devront être strictement respectées par
l'exploitant. Cette montée en puissance de Phénix s'effectuera donc dans les tout prochains mois.
Afin de conserver tout son atout à l'énergie nucléaire, le Gouvernement s'attachera, dans les années à venir, à maîtriser
encore mieux qu'aujourd'hui l'aval du cycle dans le cadre de la politique de retraitement-recyclage poursuivie et selon les
axes définis par la loi du 30 décembre 1991.
Nous souhaitons une amélioration de l'organisation française du contrôle et l'expertise dans le domaine nucléaire ainsi
qu'une plus grande transparence dans ce domaine. Nous réaffirmons, une fois de plus, de manière très nette devant la
Haute Assemblée la cohérence d'ensemble d'une politique énergétique équilibrée dont la composante nucléaire demeure
naturellement un axe essentiel.
Je vous remercie, madame le sénateur, de votre question qui m'a permis de repréciser les enjeux, la diversité, l'unité et la
profonde cohérence de cette politique énergétique qui repose sur les énergies classiques et renouvelables mais aussi et
surtout - tel est aujourd'hui le cas pour 80 % de l'électricité produite en France - sur l'énergie nucléaire.
J'en profite pour rendre un hommage particulier à l'ensemble des équipes de recherche, de production et d'exploitation...
(Exclamations sur les travées du RPR.)
Un sénateur du RPR. Vous n'êtes pas en campagne !
M. Christian Pierret, secrétaire d'Etat. ... qui honorent le leadership français en matière d'énergie nucléaire.
(Applaudissements sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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