Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 05/02/1998

M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur les problèmes liés aux menaces de fermeture qui pèsent sur certaines succursales de province de la Banque de France et notamment celle de Narbonne, dans l'Aude. Il lui indique, sur ce point, toute la difficulté à obtenir, du gouverneur de la Banque de France, la moindre réponse aux démarches entreprises auprès de lui. Ce qui est pour le moins choquant. Il relève par ailleurs que le Gouvernement a fait savoir, quant à lui, et par écrit au gouverneur de la Banque de France, qu'il souhaiterait qu'aucune succursale ne soit fermée et que, lors du conseil général du 18 décembre 1997, aucune décision ne soit prise sur le fond d'une décision qui exige un éclairage complet. C'est pourquoi, à la suite de ces recommandations tant en termes d'emploi que de qualité de service public ou d'aménagement du territoire, il lui demande quelle est l'évolution de ce dossier et s'il est en mesure de lui apporter tous apaisements concernant les intentions du gouverneur de la Banque de France.

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Réponse du ministère : Petites et moyennes entreprises publiée le 01/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 31/03/1998

M. Roland Courteau. Monsieur le président, madame le secrétaire d'Etat, la restructuration autoritaire pensé par le
gouverneur de la Banque de France va mobiliser ce matin même, au Palais du Luxembourg, de nombreux maires et élus
parfaitement déterminés à s'opposer à ce projet.
Leur réaction, madame le secrétaire d'Etat, est à la mesure de l'ampleur des menaces qui pèsent sur l'institution, avec
l'abandon de certaines activités et la fermeture de quelque 92 caisses de succursale.
Le projet est ancien, et M. Jean Arthuis, alors ministre de l'économie et des finances, en réponse à l'une de mes
interventions, confirmait bien, et même justifiait, « cette réorganisation interne annoncée par le Gouvernement ». Il estimait
par ailleurs que cette réorganisation interne n'entrait pas dans le cadre de la loi d'orientation, pour l'aménagement et le
développement du territoire, ce qui m'avait beaucoup surpris.
Madame le secrétaire d'Etat, nous contestons cette position. Je ne donnerai pas lecture de l'article 29 de cette loi, chacun
ici le connaît, mais nous considérons que la fermeture de nombreuses caisses viserait directement la mission de service
public.
De surcroît, et quoi qu'en dise M. le gouverneur, les syndicats et les élus, instruits par un passé plutôt douloureux,
affirment que les fermetures de caisses peuvent, à terme, déboucher sur des fermetures de succursales. C'est dire si
l'impact immédiat ou à moyen terme de cette restructuration risque d'être dévastateur en matière de service public et
d'aménagement du territoire.
L'enjeu est donc d'importance, et je ne peux que regretter plus fortement encore, jusqu'à ce jour du moins, la mise entre
parenthèses de tout véritable dialogue social au sein de l'entreprise. Le fait, notamment, que la pratique de ce dialogue
social se soit déplacée vers le nouveau ministre est assurément très révélateur.
Madame le secrétaire d'Etat, j'ai relevé, et je m'en réjouis, le constat de désaccord formulé très récemment par M. le
ministre de l'économie, des finances et de l'industrie quant à ce déficit de dialogue social dans l'entreprise.
J'ai bien noté également la fermeté du ministre dès lors qu'il s'agit de faire respecter des garanties aussi essentielles que
l'emploi, la qualité du service public et l'aménagement du territoire.
Si des évolutions s'imposent, il convient à mon avis de les rechercher dans le sens du renforcement des missions du
service public.
La réforme des dispositions concernant le surendettement ou le passage à l'euro ou encore les problèmes liés à l'exclusion
bancaire devrait permettre de renforcer ces missions de service public d'une manière plus générale.
Enfin, pour en venir au plan local - je veux parler de la Banque de France de Narbonne - il y a là sûrement nécessité de
tenir compte de la situation économique s'agissant d'un arrondissement dont la population ne cesse de progresser et pour
laquelle les statistiques établies par l'INSEE font état d'une augmentation de quelque 14 % à l'horizon 2010.
Je veux également signaler - autre paradoxe - les menaces qui pèsent sur la recette des finances de Narbonne. Là encore,
l'administration semble persister dans l'erreur, cela depuis plusieurs années. Il importe, madame le secrétaire d'Etat, de
réexaminer ce dossier et de réorienter la manoeuvre.
Je reviens, pour terminer, à la Banque de France.
Madame le secrétaire d'Etat, le Gouvernement entend-il peser de tout son poids sur les décisions de la Banque de France
et de son gouverneur ?
M. le président. La parole est à Mme le secrétaire d'Etat.
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce et à l'artisanat.
Monsieur le sénateur, il est vrai que la Banque de France examine actuellement une réorganisation interne de l'activité de
caisse de certaines succursales.
Compte tenu de l'importance de ces évolutions, M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie a précisé
d'emblée qu'aucune décision ne devait être prise avant qu'un dialogue social approfondi sur les fonctions des services de
caisse des succursales dans le contexte du système européen de banques centrales ait eu lieu. Selon les informations dont
nous disposons, le gouverneur a engagé cette phase de concertation.
Il faut qu'elle se poursuive afin de dégager des solutions adaptées dans le respect de trois objectifs fondamentaux que
vous avez eu raison de rappeler : l'emploi, ce qui exclut tout licenciement qu'il s'agisse du personnel statutaire ou
contractuel - M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie l'avait rappelé dès le départ ; l'aménagement du
territoire - vous avez raison égaglement sur ce point - qui exige qu'aucune succursale de la Banque de France ne soit
fermée ; la qualité du service public - notamment en matière de sécurité et de circulation fiduciaire - le réclame.
Ce n'est qu'à l'issue de cette phase de dialogue social, et dans le respect de ces principes, que le conseil général de la
Banque de France sera appelé à se prononcer sur ce projet, ou sur des projets.
Parallèlement, vous avez raison de souligner aussi que la réforme des procédures de surendettement - à laquelle je suis
très attachée, monsieur le sénateur - contribuera à renforcer le rôle des succursales de la Banque de France dans le
traitement des cas de détresse sociale. C'est une mission essentielle qu'il nous appartient de mettre à nouveau sur le
chantier. Je tiens à préciser que les personnels la remplissent de façon très correcte, et très sociale, au sens vrai du terme.
Le Gouvernement est donc très attaché à ce que, par une discussion constructive avec les partenaires sociaux et avec les
élus, une solution adéquate soit trouvée à ce dossier, en particulier lorsqu'il s'agit de Narbonne. M. Dominique
Strauss-Kahn l'a clairement indiqué aux partenaires sociaux et aux élus lorsqu'il les a reçus récemment.
Nous ne pouvons admettre que l'impact d'une décision de ce type sur une ville, où qu'elle soit sur notre territoire, ne soit
pas pris en compte. Vous avez raison de parler de la loi sur l'aménagement du territoire : nous avons rappelé que nous
étions, bien évidemment, profondément attachés à ce que toute évolution du service public soit accompagnée d'une réelle
étude d'impact. Nous ne pouvons donc pas accepter qu'une telle étude ne soit pas faite.
M. Roland Courteau. Très bien !
Mme Marylise Lebranchu, secrétaire d'Etat. Vous avez parlé de la recette des finances, monsieur le sénateur. Il est
vrai qu'à ce jour, et simplement sur une orientation générale, les directeurs départementaux doivent soumettre un certain
nombre d'évolutions en la matière, davantage en fonction des réorganisations que nous leur demandons - en ce qui
concerne l'informatique, par exemple - qu'en fonction de suppressions ou d'ouvertures, qui, bien que malheureusement
rares, seraient possibles dans certains quartiers. Nous avons effectivement demandé que le service public des finances soit
présent dans certaines grandes banlieues d'où il est absent. Forts de cette orientation, certains directeurs départementaux
ont effectivement annoncé que des recettes devaient disparaître.
Je ne connais pas suffisamment le point où en est le dossier dont vous parlez, mais je pense qu'à ce jour aucune
proposition de fermeture n'a été acceptée, monsieur le sénateur. Je vous demanderai donc de bien vouloir nous faire
parvenir des éléments d'information supplémentaires sur ce point particulier, car nous sommes très vigilants sur tout
service public, a fortiori lorsqu'il dépend du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Madame le secrétaire d'Etat, je vous remercie de ces propos, que je qualifierai d'encourageants.
Certes, nous savons que, conformément au traité sur l'Union européenne et à la loi du 4 août 1993, la Banque de France
est devenue indépendante, indépendance qui ne s'applique toutefois qu'à la politique monétaire afin d'assurer la stabilité
des prix, ce qui nous permet d'admettre la compétence du conseil général s'agissant des mesures relatives à la circulation
fiduciaire, sans omettre le rôle important du censeur, nommé d'ailleurs par le ministre.
Je crois qu'il y a là, madame le secrétaire d'Etat, un moyen de peser sur certaines orientations, puisque les décisions du
conseil général de la Banque de France sont définitives, à moins que le censeur n'y fasse opposition.
M. Gérard Delfau. Très bien !
M. Roland Courteau. Autre remarque : pour justifier ces fermetures, le gouverneur met en avant la fragilité du compte
d'exploitation due, paraît-il, à la baisse des taux d'intérêt. Cette remarque avait été formulée par M. Jean Arthuis voilà un
an ou deux.
Je crois savoir que l'entreprise a dégagé dans une période plutôt difficile quelque deux milliards de francs de bénéfice net.
Je crois savoir aussi que, selon les experts, les revenus de la Banque de France seront plus importants encore avec la
mise en place de la Banque centrale européenne.
Enfin, que penser de cette obstination à vouloir restructurer, réorganiser, c'est-à-dire à fermer des caisses, au moment où
chacun convient ici qu'il faudrait rendre ces dernières plus aptes encore à faire face aux exigences de la mise en place de
l'euro ?
Bref, il s'agit selon nous, et mon collègue Gérard Delfau s'associe à ma démarche,...
M. Gérard Delfau. Tout à fait !
M. Roland Courteau. ... de nourrir le travail de la Banque de France et de conforter les activités du métier.
Et pourquoi ne pas évoquer, dans mon propos, une autre mission de service public mise en avant par les syndicats et par
vous-même, madame le secrétaire d'Etat, voilà quelques instants, et qui relève de la solidarité nationale ?
En effet, la multiplicité des accidents de la vie - chômage, divorce, maladie - a engendré une précarité extrême. Il faut
donc revoir le dispositif relatif au surendettement et écouter ceux des personnels de la Banque de France qui savent de
quoi ils parlent, comme vous l'avez souligné à juste titre, et qui ont des propositions à faire en matière d'information, de
médiation, d'élargissement du droit au compte, d'utilisation de certains moyens de paiement en toute gratuité et
d'accompagnement social, toutes propositions dont la mise en oeuvre nécessite, il est vrai, que la Banque de France
dispose de moyens humains et financiers plus importants, et non le contraire ! (Applaudissements sur les travées
socialistes.)

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