Question de M. COURTEAU Roland (Aude - SOC) publiée le 25/02/1998

M. Roland Courteau attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le projet de réforme de l'Organisation commune du marché du vin (OCM) qui devrait être, enfin, présenté par la Commission de l'Union européenne. Contrairement aux précédentes propositions (1994-1995), il semblerait que les nouvelles orientations sur lesquelles travaille, aujourd'hui, la Commission de Bruxelles, seraient fondamentalement différentes. C'est pourquoi, tout en réaffirmant que cette réforme de l'OCM doit offrir de réelles perspectives d'avenir à un secteur particulièrement important sur le plan économique, social, environnemental et même culturel, il lui demande s'il est en mesure de faire un point précis sur l'état d'avancement de ce dossier, sur les positions du Gouvernement français concernant les grandes questions telles que : la nécessité du maintien et du développement du potentiel de production, avec accélération de la rénovation du vignoble et l'octroi d'un nouveau contingent de plantations nouvelles, mais, également, la mise en place de moyens nécessaires en vue de promouvoir l'organisation économique des filières viticoles, de mieux affronter la concurrence mondiale, et d'aider à l'installation des jeunes et à la cession des terres pour les viticulteurs âgés, et enfin la prise en compte des marchés autres que le vin (brandy et alcools de bouche) et la nécessaire harmonisation des réglementations nationales en matière de publicité pour les boissons alcooliques.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 08/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 07/04/1998

M. Roland Courteau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, s'agissant de la réforme de
l'organisation commune du marché vitivinicole, il semblerait que l'Union européenne ait compris à temps l'erreur gravissime
qu'elle avait failli commettre, en 1994, en faisant de la destruction du potentiel de production l'essentiel de l'architecture de
son projet de réforme.
Nous avions donc eu raison lorsque, ici même, à cette époque, nous avions relevé que les folles et dévastatrices
propositions de la Commission reposaient sur une très mauvaise analyse de la situation.
Trois ou quatre ans plus tard, la Commission de Bruxelles, mieux éclairée peut-être par le Gouvernement, la profession ou
les élus, paraît avoir totalement changé de cap - et c'est tant mieux !
Que souhaitent donc les viticulteurs ? Ils attendent essentiellement que le Gouvernement imprime sa marque dans les
discussions communautaires sur plusieurs points, et, d'abord, qu'il affirme la nécessité première de préserver le potentiel
de production et d'accélérer la rénovation du vignoble. Ils espèrent voir se concrétiser, enfin, cette volonté de mieux
affronter, avec les moyens conséquents, la concurrence mondiale par une politique véritablement promotionnelle. Ils
considèrent comme une marque de confiance en l'avenir le fait que la Communauté puisse leur donner les moyens de
poursuivre leurs efforts d'investissement tant dans les vignobles que dans les entreprises.
En effet, l'ouverture du marché mondial, l'augmentation des échanges, et donc des compétitions, imposent que la France
se modernise et accroisse ses débouchés.
Alors, qu'en sera-t-il, monsieur le ministre, de la restauration du budget viticole européen ? Ira-t-on vers la recherche
d'une solution permettant d'encourager le transfert des vignes de viticulteurs âgés vers de jeunes producteurs ?
Tiendra-t-on compte de cette autre priorité qu'est l'installation des jeunes par l'octroi de contingents plus substantiels de
plantations nouvelles ? Cette demande est également formulée par les producteurs, qui souhaitent accroître leurs
débouchés.
Quelle sera la réponse apportée à la question des plantations anticipées par rapport à l'arrachage et qu'en sera-t-il de la
refonte des mesures de gestion du marché, sans oublier, le problème est vaste, l'alimentation du marché des brandys ou
des alcools de bouche ?
Se pose également la question de l'enrichissement ou de la nécessaire harmonisation des réglementations nationales en
matière de publicité sur les boissons alcooliques.
Sachez également, monsieur le ministre, que la confédération nationale des producteurs à appellations d'origine insiste
notamment sur la reconnaissance des syndicats professionnels de producteurs et attend que l'Union européenne se dote
des moyens d'assurer la protection de la propriété intellectuelle des appellations tant en Europe que dans les pays tiers.
Monsieur le ministre, vous le savez bien, les viticulteurs sont prêts à faire face à leurs responsabilités - ils l'ont démontré
par le passé - en matière de qualité et de gestion de l'espace. Cela signifie donc que les moyens communautaires
consacrés à la viticulture devront être conformes à la place de la viticulture dans l'économie européenne et à son rôle
essentiel en matière d'occupation de l'espace et d'aménagement du territoire.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Monsieur le sénateur, vous avez rappelé, à juste titre,
en quoi les conditions dans lesquelles se prépare aujourd'hui la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole
sont effectivement différentes de celles qui avaient présidé à l'élaboration du précédent projet. En effet, la situation
économique du secteur se caractérise depuis peu par un relatif équilibre du marché du vin, tant au plan national qu'au plan
communautaire.
Ce nouveau contexte, qu'on peut espérer durable, au-delà des aléas climatiques sur les récoltes, nécessite de rectifier
plusieurs dispositions de l'actuelle organisation commune du marché, conçues à un moment où le potentiel viticole
communautaire était structurellement excédentaire.
C'est en ce sens que j'ai présenté aux représentants de la filière viticole des propositions de réforme et que je les ai ensuite
transmises, sous la forme d'un mémorandum, à la Commission européenne et aux Etats membres de l'Union.
La proposition française visant à amender certaines dispositions de l'OCM repose sur trois priorités : maintenir et rénover
le potentiel viticole de l'Union, améliorer la qualité des vins et la compétitivité des exploitations et promouvoir
l'organisation économique des filières.
Dans ces conditions, l'OCM doit comporter un volet structurel articulé autour de la reprise d'un soutien communautaire à
la restructuration du vignoble et d'un assouplissement du dispositif relatif aux arrachages et aux plantations de vignes.
La France souhaite par ailleurs simplifier les mesures de gestion du marché, afin de tenir compte de la diversité des
situations dans les différentes régions viticoles, et de les appuyer sur une refonte de la distillation volontaire ; celle-ci doit
être plus incitative en début de campagne.
C'est dans ce cadre qu'il devra être explicitement tenu compte de la nécessité d'assurer l'approvisionnement des
débouchés non viticoles du secteur, notamment celui de l'alcool de bouche auquel vous avez fait référence, monsieur le
sénateur.
La proposition française met l'accent sur l'urgence de mettre en place, dans un contexte où la concurrence des pays tiers
est de plus en plus vive et la demande des consommateurs de plus en plus exigeante, des aides à la modernisation des
entreprises vitivinicoles et un soutien du Fonds européen d'orientation et de garantie agricole, le FEOGA, aux
programmes de promotion.
Enfin, dans l'attente des conclusions de la négociation qui doit s'ouvrir prochainement, le Gouvernement français mettra
tout en oeuvre pour que des mesures concervatoires soient décidées dans le cadre du paquet-prix 1998-1999 dont vous
savez qu'il arrive en négociation dans les tout prochains mois. La discussion est déjà ouverte. Nous serons
particulièrement vigilants s'agissant de tout ce qui concerne les plantations nouvelles.
Je crois avoir fait écho à la majeure partie des thèmes sous-tendus par votre question, qui était vaste.
Sachez que, comme je l'ai dit aux professionnels, nous assurerons un suivi particulièrement attentif de ce dossier lors de
ces négociations de réforme de l'organisation commune des marchés.
M. Roland Courteau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Courteau.
M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur le ministre, de toutes ces précisions et, surtout, d'avoir affirmé votre
volonté sans faille de soutenir notre viticulture.
Il est vrai que la réforme de l'organisation commune du marché du vin devrait constituer un point d'appui très fort dans le
cadre des négociations de l'organisation mondiale du commerce.
Il appartiendra à l'Europe de relever des défis qui seront décisifs pour l'avenir de sa viticulture et, donc, pour l'avenir de
notre viticulture méridionale.
Comment l'Europe, qui représente 80 % des échanges mondiaux et 50 % de la production, pourrait-elle ne pas être
intransigeante ?
La fermeté s'impose car l'Europe, qui a su construire à travers son histoire des règles de production qualitative et des
règles oenologiques, doit aujourd'hui faire face à de nouveaux pays producteurs sans état d'âme en ce qui concerne le
respect de ces règles. Leurs préoccupations mercantiles l'emportent sur d'autres considérations et c'est la définition même
du vin qui risque de céder la place à des produits de type industriel.
De ces deux conceptions, laquelle l'emportera, monsieur le ministre ? L'avenir de la viticulture européenne dépendra de
cette partie de bras de fer au sein de l'OMC.
Comme le disait justement le président des vignerons-coopérateurs audois, notre viticulture ne doit en aucun cas céder la
place à cette économie venue d'ailleurs et, pour cela, l'Europe devra être plus forte encore dans les négociations au sein
de l'OMC.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Louis Le Pensec, ministre de l'agriculture et de la pêche. Je voudrais faire écho à cette dernière remarque. Il est
bien évident que nous ne nous engageons dans les négociations de l'organisation commune des marchés qu'en prenant en
compte les échéances décisives, même pour la viticulture, de l'OMC.
M. Roland Courteau. Je vous remercie, monsieur le ministre.

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