Question de M. PIRAS Bernard (Drôme - SOC) publiée le 12/03/1998

M. Bernard Piras attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'application de la directive no 92-43 CEE du 21 mai 1992 dite directive " Habitats ", laquelle contribue à assurer la préservation et la diversité biologique européenne, principalement au moyen de la constitution d'un réseau écologique de sites abritant les habitats naturels et les habitats d'espèces de faunes et de flores sauvages d'intérêt communautaire. La mise en oeuvre de cette directive se décompose en trois étapes : un inventaire, un établissement des listes avec la définition des objectifs de conservation à moyen et long terme, une publication des sites retenus. Actuellement, dans chaque département a lieu une concertation avec les élus locaux dont une partie du territoire est concernée par la mise en place de ce réseau. La plupart du temps, les sites retenus se trouvent dans des zones montagneuses ou d'arrière-pays. Celles-ci sont déjà soumises à de nombreuses obligations de protection de l'environnement, avec par exemple la loi Montagne, ou les difficultés relatives à l'obtention de permis de construire. Le principal problème suscité par cette procédure porte sur les conséquences engendrées par la reconnaissance d'un site. En effet, il est demandé aux collectivités de s'engager sans qu'il soit possible pour elles de savoir quelles en seront les conséquences concrètes. Même si la Commission européenne a affirmé que " le réseau Natura 2000 n'a pas vocation à créer des sanctuaires de nature dont toute activité humaine serait systématiquement proscrite... ", il est compréhensible que le flou de cette procédure et les obligations qui peuvent en découler sur ces territoires suscitent de vives inquiétudes de la part des populations et des élus concernés. Dans ces zones, l'ensemble des partenaires fait tout pour éviter qu'une désertification rurale, obstacle à un aménagement du territoire équilibré, se développe. L'absence de lisibilité de cette directive est interprétée comme un frein à cet objectif. Il lui demande si elle est en mesure de préciser quelles seront les conséquences, pour les territoires touchés, de l'application de cette directive.

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 28/01/1999

Réponse. - La ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement a pris connaissance, avec intérêt, de la question concernant l'application de la directive européenne sur la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive Habitats. La constitution du réseau Natura 2000 a pour but d'assurer la sauvegarde des éléments de la diversité biologique européenne les plus dignes d'intérêt grâce à la gestion d'espaces conciliant en leur sein les exigences écologiques des habitats naturels et des espèces avec les activités économiques, sociales et culturelles de la population. La question des activités humaines dans les futurs sites du réseau Natura 2000 a été clarifiée, à la demande du précédent Gouvernement, par la commissaire européenne à l'environnement. Celle-ci a considéré que le réseau Natura 2000 (zones spéciales de conservation) n'a pas pour objet de faire des sites qui le composeront des " sanctuaires de nature " où toute activité humaine est à proscrire et elle a considéré notamment qu'il ne doit pas y avoir d'interdiction a priori et générale de la chasse dans les zones Natura 2000. De nos jours, le maintien de la diversité biologique, spécialement dans l'espace rural et forestier, dépend souvent de la présence, voire de la réinstallation d'activités humaines qui lui sont bénéfiques. Il s'agit donc moins d'établir des mesures de conservation strictement environnementales ou réglementaires, que de chercher l'intégration de la conservation de la diversité biologique dans les différentes politiques et les différents secteurs d'activité (agriculture, forêt, transports, tourisme, etc.). Le réseau Natura 2000 doit permettre la mise en place d'une gestion de nos espaces naturels et repose donc prioritairement sur une politique contractuelle élaborée avec tous les partenaires locaux, élus, propriétaires, gestionnaires notamment. Il est évident que l'adhésion de nos concitoyens à une gestion durable constitue le meilleur gage de réussite à long terme du réseau Natura 2000. C'est pourquoi l'accent a été mis sur les concertations locales préalablement à l'élaboration de la liste nationale des propositions de sites susceptibles de figurer dans le réseau. Ces principes ont été repris et développés dans un mémorandum interprétatif de la directive établi entre le Gouvernement français et la commission. L'un des points de ce document précise que : 1º ce sont les Etats membres (et non la commission), en vertu du principe de subsidiarité, qui prennent les mesures appropriées pour conserver les habitats naturels et les habitats des espèces pour lesquels les sites seront désignés ; 2º ces mesures, sauf cas exceptionnels dûment justifiés par des exigences écologiques particulières aux types d'habitats naturels et aux espèces présents sur les sites désignés, ne conduisent pas les Etats membres à interdire les activités humaines préexistantes à la désignation des sites ni, de la même façon, à interdire des activités nouvelles qui ne remettent pas en cause l'état de conservation favorable des habitats et des espèces pour lesquels le site sera désigné. Il faut bien comprendre que le réseau Natura 2000 a d'abord pour objectif d'éviter la disparition physique et la dégradation qualitative des habitats naturels et des habitats d'espèces de la flore et de la faune d'intérêt communautaire. Pour cela, la directive demande aux Etats membres de veiller à ce que les efforts déployés pour la préservation des sites intégrés au réseau Natura 2000 ne soient pas amondris par des perturbations éventuelles, imputables à certaines activités humaines et affectant les espèces. Les Etats membres doivent par conséquent éviter de telles perturbations, pour autant qu'elles soient susceptibles d'avoir un effet significatif eu égard aux objectifs de conservation des espèces pour lesquelles les sites seront désignés. Appliquer un tel principe conduit à examiner la situation au cas par cas, en fonction des espèces en cause et des activités dans un site donné. Pour que les inquiétudes des milieux cynégétiques soient totalement dissipées, la ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement avait proposé le 30 juillet 1997 au Comité national de suivi Natura 2000 de conduire une réflexion pour définir cette notion de " perturbation ". Ces travaux ont abouti à un document approuvé le 4 décembre dernier par le Comité national de suivi qui démontre que, pour l'ensemble des zones Natura 2000 éligibles au titre de la directive Habitats, la chasse n'a pas sur les espèces en cause, sauf pour éventuellement trois d'entre elles dans certaines conditions (l'ours, le phoque veau marin et la population de mouflons en Corse), d'effet significatif en termes de perturbation. L'Union nationale des fédérations départementales de chasseurs qui a activement participé à cette réflexion et qui en a aussi approuvé les conclusions, s'en est fait l'écho en diffusant ces résultats à toutes les fédérations départementales de chasseurs. La politique de gestion contractuelle se concrétisera par l'élaboration d'un document cadre pour chaque site, appelé document d'objectifs. Ce document, établi en concertation avec tous les acteurs locaux intéressés, doit fixer les orientations de gestion et les moyens financiers d'accompagnement. Il sera le document de référence au plan régional comme au plan européen pour une gestion équilibrée des territoires mais aussi pour l'obtention de cofinancements nationaux, européens ou locaux. En outre, pour éviter les risques de contentieux éventuels, le Gouvernement s'est engagé à faire accompagner du document d'objectifs la désignation par la France d'un site Natura 2000 à la Commission européenne. Le document d'objectifs sera donc aussi le moyen de confirmer pour les propriétaires et les exploitants, la poursuite normale de l'exploitation des fonds ruraux et forestiers et de la pratique de la chasse ou de la pêche, notamment. Il constituera la base des engagements contractuels de gestion passés avec l'Etat pour la conservation des habitats naturels et des espèces pour lesquels le site sera désigné. Lorsque les outils de gestion existeront sur le site (contrat de rivière, schéma d'aménagement des eaux, plan simple de gestion d'un massif forestier, etc.), les orientations définies dans le document d'objectifs seront à intégrer dans ces outils. Un programme expérimental, soutenu financièrement par la commission au titre du fonds Life, a été développé sur trente-sept sites. Ce programme, qui s'achève au mois de décembre 1998, a déjà permis d'examiner en concertation avec les acteurs locaux et en vraie grandeur les approches, les méthodes et le contenu des futurs documents d'objectifs. Au-delà de la production du document d'objectifs propre à chacun des trente-sept sites expérimentaux, ce programme a permis la réalisation d'un guide méthodologique qui sera un outil essentiel pour l'élaboration généralisée de ces documents d'objectifs dans les autres sites. Toujours pour aider à l'élaboration du document d'objectifs, le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement fait procéder à la rédaction de cahiers d'habitats sous l'égide du Muséum national d'histoire naturelle. Ces documents, réalisés en étroite liaison entre les scientifiques et des gestionnaires, donneront pour chaque type d'habitat naturel ou habitat d'espèces les exigences écologiques et les préconisations de gestion des habitats. Ces documents ne seront nullement normatifs mais constitueront une aide appréciable pour tous les acteurs locaux qui, ainsi, disposeront tous d'une information appropriée. Cette politique contractuelle de mise en place du réseau Natura 2000 sera accompagnée de mesures financières et fiscales. Il est juste, en effet, que les propriétaires et gestionnaires qui ont en charge l'entretien et la gestion du patrimoine naturel de notre pays bénéficient d'une rémunération appropriée aux prestations et aux services rendus à la collectivité. Des moyens seront mobilisés en provenance des fonds européens conformément aux cofinancements communautaires prévus par la directive Habitats. De même, pour les propriétaires ou gestionnaires d'espaces agricoles ou forestiers ne relevant pas déjà de mesures d'aides européennes ou nationale, il est nécessaire de rémunérer les prestations prévues contractuellement, que ce soit au titre d'éventuelles sujétions ou de la réalisation de travaux de réhabilitation de milieux naturels particulièrement menacés. Le fonds de gestion des milieux naturels (FGMN), prévu par le projet de loi d'orientation pour l'aménagement et le développement durable du territoire, aura notamment cette fonction. Enfin, dans le cadre d'une fiscalité qui doit désormais tenir compte des préoccupations environnementales, une exonération de la taxe foncière sur les propriétés non bâties constituera un signal fort en direction des propriétaires qui intégreront la préservation de la diversité biologique dans leurs objectifs de gestion. Il est apparu nécessaire de donner un cadre législatif au dispositif contractuel que le Gouvernement français entend mettre en place pour la mise en uvre concrète du réseau Natura 2000. Dans cet esprit, un avant-projet de loi a été remis pour avis le 2 juin 1998 au Comité national de suivi et de concertation Natura 2000. Un projet de loi devrait être soumis au Parlement dans le courant de l'année 1999.

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