Question de M. CALMÉJANE Robert (Seine-Saint-Denis - RPR) publiée le 10/04/1998

Question posée en séance publique le 09/04/1998

M. le président. La parole est à M. Calmejane.
M. Robert Calmejane. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la situation qui perdure depuis
un mois dans les établissements scolaires de Seine-Saint-Denis (Exclamations sur les travées socialistes) est
inacceptable. Des jeunes, déjà défavorisés, sont ainsi privés d'enseignement, livrés aux débordements de la rue, tandis
que, semaine après semaine, le ras-le-bol des enseignants et des parents s'accroît.
Des moyens significatifs ont été annoncés pour la prochaine rentrée et un plan pluriannuel a été esquissé. Mais rien n'y fait
: le malaise demeure et les rancoeurs s'amplifient.
Sur le terrain, le recteur et l'inspecteur d'académie galèrent avec courage face à des interlocuteurs qui attendent autre
chose que des chiffres. La table ronde qui a eu lieu mardi dernier, sur l'initiative de M. le préfet, et qui a réuni les élus du
département a montré que chacun, désormais, attend un signal politique fort, un engagement de votre part pour que soit
élaboré, en liaison avec les élus et les personnels enseignants, une nouvelle donne permettant de sortir de l'ornière. Je
parle non seulement de l'aspect quantitatif, mais aussi de l'aspect qualitatif, dans la formation et les conditions d'accès aux
postes les plus difficiles, dans l'organisation du temps, ainsi que dans le suivi et le soutien éducatif des enfants en péril.
C'est en concertation avec le ministère délégué à la ville et les collectivités locales que le service public de l'éducation dans
notre département doit être repensé, en tenant compte de ses spécificités.
La dégradation est ancienne. D'ailleurs, tous les gouvernements qui se sont succédé depuis dix-sept ans, qui ont souvent
été interpellés en vain par les élus de base, portent leur part de responsabilité. Désormais, le problème est posé
publiquement et son ampleur a été évaluée dans le rapport Fortier. Il reste à agir, à moins que certains ne veuillent, pour
se faire peur ou pour retrouver les sensations de leur jeunesse, en ce trentième anniversaire, ressusciter les démons de mai
68. (Exclamations sur les travées socialistes ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
Monsieur le ministre, allez-vous laisser pourrir le mouvement, en prenant le risque de dangereux glissements et d'une
désespérance funeste, ou, au contraire, marquer solennellement votre détermination à tracer le chemin, à oeuvrer pour
changer en profondeur les raisons de ce mal-être ?
M. René-Pierre Signé. La question !
M. le président. Posez votre question, mon cher collègue !
M. Robert Calmejane. Elle est posée, monsieur le président !
Monsieur le ministre, ne vous contentez pas de la réponse que vous avez faite à mon ami M. Pandraud à l'Assemblée
nationale et selon laquelle nous avons gouverné pendant cinq ans. Faut-il vous rappeler que vos amis et vous-même avez
gouverné pendant onze ans sans rien résoudre ? (Applaudissements sur les travées du RPR.)
M. René-Pierre Signé. C'est un donneur de leçon !

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 10/04/1998

Réponse apportée en séance publique le 09/04/1998

M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Monsieur le sénateur,
attendez-vous de moi que je vous réponde que le problème a été résolu pendant les cinq ans auxquels vous avez fait
référence ?
M. Roland Courteau. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Je fais non pas un
procès, mais une constatation. Le problème est grave. Il ne sera pas résolu d'un coup de baguette magique. Nous avons
décidé de nous y atteler et de le résoudre patiemment, sans bruit, en y consacrant des moyens et en nous attaquant,
comme vous l'avez souligné, aux aspects qualitatifs.
Je ne crois pas que les problèmes dont souffrent de nombreux quartiers de nos villes soient seulement quantitatifs : se
posent aussi des problèmes qualitatifs. Cependant, tout en déplorant pour les élèves les heures non assurées, il est, je
crois, du devoir d'un ministre de la République d'écouter les messages qui lui parviennent, même lorsqu'ils viennent de la
rue.
M. Claude Estier. Très bien !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. J'écoute ces messages,
j'essaie de les comprendre et d'y répondre.
Je peux vous assurer qu'un plan pluriannuel sera mis en place. Il comportera un nombre de fonctionnaires titulaires, et non
pas des heures supplémentaires et des remplacements qui viendraient s'additionner à d'autres heures supplémentaires et à
d'autres remplacements, comme ce fut longtemps le cas et comme on nous le propose encore aujourd'hui.
M. René-Pierre Signé. Eh oui !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Si je créais 1 000
postes aujourd'hui, il s'agirait de 1 000 postes de suppléant. En effet, on ne peut pas recruter, « fabriquer » soudainement
des enseignants titulaires.
Je ne veux pas d'une solution qui soit partielle. Elle sera à la fois quantitative, progressive et qualitative, parce qu'il faut
innover dans les zones concernées. Le jour où nous aurons résolu ce problème, qui est le plus noir de France - les
statistiques sont formelles sur ce point - nous pourrons étendre la solution à d'autres endroits qui connaissent, eux aussi,
des situations très difficiles.
Croyez-le bien, la détermination du Gouvernement est totale.
M. René-Pierre Signé. Bravo !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Naturellement, il ne
s'agit pas seulement de l'école, car elle n'est pas la seule en cause.
Mme Hélène Luc. Effectivement !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Si les lycées ne sont pas
entretenus - je sais que la région est prête à s'y investir - si les collèges n'ont pas été suffisamment entretenus - les
départements sont prêts à en discuter - la faute n'en incombe pas à l'éducation nationale. (Protestations sur les travées
du RPR.)
M. Roland Courteau. M. le ministre a raison !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Si l'aménagement du
territoire n'a pas été suffisant au cours des temps, le problème ne sera pas résolu d'un coup.
M. Jean Chérioux. Vous allez le faire !
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Des problèmes difficiles
se posent. S'agissant de sujets comme les banlieues sensibles et la lutte contre la violence et la délinquance, nous avons
besoin, au-delà de nos sensibilités politiques, de l'unité nationale. Voilà ce que je vous demande, mesdames, messieurs les
sénateurs. Je sais que je peux compter sur votre soutien dans cette oeuvre de rénovation. (Applaudissements sur les
travées socialistes. - MM. Bonnet et Fourcade applaudissent également.)
M. Henri de Raincourt. Très bien !
Mme Hélène Luc. Il faut aussi des crédits pour les autres départements !

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