Question de M. BOYER Jean (Isère - RI) publiée le 05/06/1998

M. Jean Boyer attire l'attention de Mme le ministre de la culture et de la communication sur les conditions d'organisation de spectacles vivants faisant appel à des artistes étrangers en tournée en France. Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays aux structures artistiques, sociales ou culturelles très différentes, sont souvent dans l'impossibilité de fournir toutes les pièces exigées en France au titre d'employeur. L'inspection du travail, l'ASSEDIC et les caisses de retraite se retournent alors vers l'organisateur du spectacle en France, association ou commune, qui est présumé emloyeur de fait, en application de l'article L. 762-1 du code du travail. Dans ces conditions, l'organisateur français se trouve dans l'obligation, d'une part, d'effectuer les déclarations obligatoires liées à l'embauche et à l'emploi sous contrat à durée déterminée des artistes étrangers, sans souvent pouvoir obtenir les documents exigés, et, d'autre part, de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à la place du producteur étranger. Cette situation pénalise financièrement les organisateurs français et entretient la suspicion à leur égard. Il lui demande donc si, dans le cas des pays avec lesquels la France a signé des conventions particulières de sécurité sociale, elle ne pourrait pas envisager une simplification administrative qui éviterait que l'organisateur soit contraint de remplir les obligations qui relèvent du véritable employeur, c'est-à-dire du producteur étranger. Il lui demande également quelles seront les conséquences, sur la présomption de salariat, de l'adoption du projet de loi portant modification de l'ordonnance nº 45-2339 du 13 octobre 1945 relative aux spectacles qui précise notamment que les producteurs de spectacles ont la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau technique.

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Réponse du ministère : Culture publiée le 28/10/1998

Réponse apportée en séance publique le 27/10/1998

M. Jean Boyer. Monsieur le président, madame le ministre, mes chers collègues, les organisateurs de festivals
culturels subissent aujourd'hui d'importantes contraintes administratives lorsqu'ils souhaitent accueillir des troupes ou
des orchestres étrangers en tournée en France.
Les producteurs établis hors de l'Union européenne, notamment dans des pays aux structures artistiques, sociales ou
culturelles très différentes des nôtres, sont souvent dans l'incapacité de fournir toutes les pièces exigées en France des
employeurs.
Dans ces conditions, l'inspection du travail, les ASSEDIC et les caisses de retraite se tournent vers l'organisateur du
festival en France, qu'elles considèrent comme employeur de fait.
L'organisateur se trouve alors dans l'obligation d'effectuer les déclarations liées à l'embauche et à l'emploi sous contrat
à durée déterminée des artistes étrangers et de verser l'ensemble des cotisations et contributions sociales à la place
du producteur étranger.
Madame le ministre, ces contraintes sont totalement inadaptées aux moyens des communes et des associations qui
font appel à des troupes ou à des orchestres étrangers pour une ou deux journées au maximum.
Je peux vous donner l'exemple du festival Berlioz, de la Côte-Saint-André, qui accueille régulièrement des orchestres
venus d'Europe et, souvent, d'Asie centrale. Le simple fait de faire venir un orchestre d'une centaine de musiciens pour
une journée nous oblige à consacrer plusieurs jours à l'établissement de contrats de travail et de fiches de paie
individualisés et à la recherche de justificatifs souvent impossibles à obtenir dans le pays d'origine.
Il y a là une vraie contrainte pour les organisateurs de festivals et un véritable frein aux échanges culturels entre la
France et certains pays qui frappent aujourd'hui aux portes de l'Europe.
Est-ce vraiment aux organisateurs français de festivals d'effectuer toutes les démarches exigées aujourd'hui ?
L'administration ne peut-elle trouver une solution pour régler elle-même le problème avec les pays concernés, surtout
lorsque la France a signé avec eux des conventions ?
Dans le cas où il ne serait pas possible de faire autrement, ne pourrait-on au moins simplifier les démarches
administratives ? Pourquoi ne pas envisager un formulaire unique en fonction du cachet versé à la troupe ou à
l'orchestre étranger ?
Je vous remercie, madame le ministre, de bien vouloir répondre à ces deux séries de questions, qui concernent non
seulement les neuf cents festivals organisés chaque année en France, mais aussi les nombreuses salles de
spectacles qui accueillent des artistes étrangers.
M. le président. La parole est à Mme le ministre.
Mme Catherine Trautmann, ministre de la culture et de la communication. Monsieur le sénateur, je suis parfaitement
consciente de la portée de vos questions. Aussi, je souhaite vous apporter les éléments de réponse suivants.
Les règles relatives à l'emploi en France des artistes et techniciens du spectacle qui restent salariés d'entrepreneurs de
spectacles vivants établis à l'étranger sont fixées par les dispositions du droit du travail et du droit de la sécurité
sociale.
Au regard du droit de travail, les obligations à respecter et les démarches à effectuer sont notamment fixées par les
dispositions de l'article L. 341-5 et les règlements pris pour son application. Ces obligations ont été précisées dans une
circulaire établie en 1996 par le ministère de l'emploi et de la solidarité.
Au regard de la sécurité sociale, les artistes et les techniciens affiliés dans un des trente-trois pays ayant signé avec la
France une convention internationale de sécurité sociale sont dispensés de l'affiliation au régime français de sécurité
sociale. Ils doivent bien entendu justifier du maintien de cette affiliation en produisant le formulaire spécifique à la
convention disponible dans leurs caisses d'affiliation d'origine.
Par ailleurs, faisant suite à la mission d'intermédiation confiée à M. Pierre Cabanes en mars 1997, l'Etat s'est engagé à
conduire certaines actions précises en vue de mieux encadrer le régime d'indemnisation des intermittents du spectacle.
Une de ces actions porte sur la création d'un « guichet unique » pour simplifier les obligations sociales des
entrepreneurs occasionnels de spectacles vivants. A cet égard, une disposition législative a été adoptée ; c'est l'article
6 de la loi portant diverses dispositions d'ordre économique et financier du 2 juillet 1998. C'est auprès d'un seul
organisme habilité que ces employeurs occasionnels procéderont désormais aux déclarations obligatoires liées à
l'embauche et à l'emploi de personnel sous contrats de travail à durée déterminée et au versement de l'ensemble des
cotisations et contributions sociales.
A partir de la mise en oeuvre de cette mesure totalement novatrice et de l'évaluation de son efficacité, les pouvoirs
publics pourront étendre éventuellement les procédures de simplification à l'ensemble des professionnels accueillant
des artistes étrangers, voire étudier la possibilité de proposer le règlement de leurs obligations sous forme de forfait
ainsi que vous le suggérez.
Pour sa part, le projet de loi portant réforme de l'ordonnance du 13 octobre 1945 qui a été adopté par l'Assemblée
nationale en deuxième lecture et qui doit revenir en débat prochainement devant la Haute Assemblée modernise une
réglementation désuète de la profession d'entrepreneur de spectacle vivant. Ce projet prend en compte l'évolution des
métiers et des pratiques contractuelles, mais il n'a ni pour objet ni pour effet de modifier la présomption de salariat
établie par l'article L. 762-1 du code du travail.
Croyez bien que je n'ignore pourtant pas les préoccupations des organisateurs de festivals culturels de bonne foi et, en
ce qui concerne mon secteur, je puis vous dire que j'ai donné des instructions à mes services pour qu'ils préparent avec
ceux de Mme Aubry, dès que le texte sera voté, une circulaire d'application précisant les droits et obligations de
chacun dans ce domaine, afin que toutes les parties prenantes - employeurs, diffuseurs, exploitants de lieux, salariés
et administrations chargées des contrôles - soient clairement informées du droit applicable et afin d'éviter des situations
d'iniquité manifeste.
Enfin, je souhaite vous rassurer sur un dernier point : dans le cadre de la réforme de l'ordonnance, chaque entrepreneur
de spectacles vivants, exploitant de lieux, producteur et entrepreneur de tournées, diffuseur de spectacles intervenant
dans la représentation publique du spectacle devra assumer ses responsabilités, notamment ses obligations salariales.
Le projet de loi attribue sans ambiguïté la responsabilité d'employeur à l'égard du plateau artistique au producteur. La
présomption de contrat de travail pèse en conséquence et en premier lieu sur cet entrepreneur, ce qui délimite
restrictivement, a contrario, le rôle de premier plan des organisateurs de festivals ; la situation sera ainsi beaucoup plus
claire.
A l'inverse, il est bien évident que la défaillance de l'entrepreneur peut entraîner la mise en cause des autres
intervenants s'ils n'ont pas satisfait à leurs obligations, conformément, cette fois, à une jurisprudence constante de la
Cour de cassation.
Voilà, monsieur le sénateur, le point où nous en sommes très exactement. La circulaire qui suivra le vote de la loi
permettra de clarifier la situation et évitera certaines des difficultés qui sont rencontrées par les organisateurs de
festivals.
M. Jean Boyer. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Jean Boyer.
M. Jean Boyer. Madame le ministre, je tiens à vous remercier de votre réponse très constructive concernant le guichet
unique.
S'agissant du projet de loi portant réforme de l'ordonnance de 1945, la disposition à laquelle vous avez fait
particulièrement allusion à la fin de votre intervention ne s'applique pas au festival Berlioz, par exemple, car nous n'en
sommes pas le producteur.
Dans ce cas précis, l'employeur est l'organisateur et supporte donc, par définition, tous les coûts, en raison de la
défaillance des producteurs étrangers.
Très sincèrement, je pense que cette question devra être approfondie, en tenant compte de la diversité des situations.
En tout cas, je vous sais gré d'avoir examiné ma question avec attention.

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