Question de M. DELEVOYE Jean-Paul (Pas-de-Calais - RPR) publiée le 02/10/1998

M. Jean-Paul Delevoye appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur les dispositions de la loi nº 94-1134 du 27 décembre 1994, afin de permettre, à titre expérimental, et pour une durée de trois ans à compter de décembre 1994, l'annualisation de la durée du service, lorsque celui-ci est à temps non complet, à la demande de l'agent, ou en cas de nécessité certaine du service. Tel pourrait être le cas, en particulier dans les petites communes, en ce qui concerne les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles (ATSEM). Pour que ces dispositions deviennent applicables, il est nécessaire que soit publié un décret d'application, après consultation des parties intéressées. Or, ce décret n'a jamais été rédigé, non en raison de la complexité du problème, même si celle-ci est indéniable, mais bien, et de façon avouée, parce que l'administration est hostile au principe même de l'annualisation du temps de travail dans la fonction publique territoriale. Cette situation incacceptable, emblématique des dérives de l'état de droit trop souvent observées dans notre pays, pose en premier lieu la question du rôle du Parlement. Est-il bien utile qu'il légifère si la volonté du peuple, dont il est l'expression et le garant, peut être tenue en échec par une sorte de droit de véto administratif ? La seconde question est celle de l'avenir qui doit être réservé à ces dispositions qui ont été adoptées par la représentation nationale et qui ne peuvent plus être mises en oeuvre, le délai prévu par la loi étant forclos. Il souhaite donc connaître très précisément les intentions du ministre en matière d'annualisation expérimentale du temps de service dans la fonction publique territoriale.

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Transmise au ministère : Fonction publique


Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 28/10/1998

Réponse apportée en séance publique le 27/10/1998

M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre, de nombreux adhérents ont interpellé l'Association des maires de
France sur le problème de la rémunération des agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles, plus
communément appelés les ATSEM.
On rencontre d'ailleurs aujourd'hui de plus en plus fréquemment, au-delà même de ce type d'emploi, des cas de
fonctionnaires employés à temps non complet et bénéficiant de vacances scolaires, cas qui montrent toute la difficulté
de concilier la théorie et la pratique.
En effet, en théorie - plusieurs réponses ont d'ailleurs été données en ce sens - le traitement correspondant à la durée
de travail effective durant l'année scolaire doit être intégralement versé à ces agents durant les douze mois de l'année,
et ce sans aucune retenue tenant compte des congés scolaires, les maires ayant alors la faculté d'employer ces
fonctionnaires à d'autres tâches.
Dans la pratique, et notamment dans les communes plus petites concernées en plus par les regroupements
pédagogiques qui imposent le recrutement des ATSEM, l'occupation de ce type de personnel se révèle particulièrement
difficile.
De ce fait, les élus ont tenté de procéder à une annualisation de la rémunération pour tenir compte des périodes non
travaillées, mais la jurisprudence, constante sur ce point, réaffirme régulièrement la règle selon laquelle ce type de
fonctionnaire doit être rémunéré toute l'année.
L'une des conséquences de cette situation - on commence à le percevoir - est qu'un texte très légitime en théorie se
retourne finalement contre l'intérêt même des fonctionnaires concernés, certains maires préférant désormais recruter
des agents contractuels pour une durée déterminée, ce qui va à l'encontre même du statut du personnel et de la
protection qui y est liée.
Une première approche pourrait être la polyvalence des missions. Mais - et c'est le coeur de ma question, monsieur le
ministre - une loi du 27 décembre 1994 avait apporté une solution à ces difficultés : dans sa nouvelle rédaction, l'article
105 de la loi du 26 janvier 1984 prévoit en effet qu'à titre expérimental, pour une durée de trois années, la durée
hebdomadaire de service peut être organisée sur une période d'un an, et ce sur la demande de l'agent ou si les
nécessités du service le justifient.
Un décret en Conseil d'Etat devait fixer les conditions d'application de cet article, mais, à ce jour, il n'est toujours pas
paru. J'attire votre attention sur ce point, car le défaut de texte réglementaire d'application affecte aussi d'autres
fonctionnaires. Le délai toujours assez long s'écoulant entre la promulgation de la loi et la publication des décrets - vous
le savez bien, monsieur le ministre, puisque vous venez de signer un décret concernant les services des conseils
généraux - oblige les exécutifs à faire face à la situation et à prendre des dispositions de bon sens qui, quelquefois,
sont ensuite remises en cause par les chambres régionales des comptes.
Le fait de laisser les exécutifs des collectivités territoriales dans un vide juridique, alors même que la loi affiche
clairement une position, me paraît tout à fait préjudiciable à l'efficacité.
Je vous serais donc très obligé, monsieur le ministre, de m'indiquer quand vous envisagez de donner aux maires les
instruments réglementaires leur permettant de mettre en oeuvre cette annualisation de la durée hebdomadaire de
service, et ce d'autant plus que l'approche des négociations éventuelles sur les 35 heures remettra, à l'évidence, ce
sujet à l'ordre du jour.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Monsieur le
sénateur, la loi du 27 décembre 1994 avait ouvert à titre expérimental, pour une durée de trois années, la possibilité
d'organiser la durée hebdomadaire de service sur une période d'une durée maximale d'une année, sur demande de
l'agent ou si les nécessités de service le justifiaient.
Si cette mesure n'a pas donné lieu à l'adoption des dispositions réglementaires correspondantes en ce qui concerne les
emplois à temps non complet - et je veux bien regretter avec vous le délai parfois trop long qui s'écoule entre la
promulgation de la loi et la publication des textes d'application - en revanche, les modalitésd'expérimentation de
l'annualisation du service à temps partiel dans la fonction publique territoriale ont fait l'objet d'un décret publié le 24 avril
1995.
En tout état de cause, la question de l'annualisation du travail à temps non complet dans la fonction publique territoriale
- c'est là, il est vrai, un sujet sensible - ne peut, en l'état actuel, être traitée indépendamment d'une réflexion plus
générale sur la durée et l'organisation du travail dans l'ensemble des trois fonctions publiques.
C'est pour mieux appréhender les réalités du fonctionnement des services et pour déterminer l'organisation du temps de
travail que le Gouvernement a confié à M. Jacques Roché le soin de dresser un état des lieux sur la réglementation
existante et sur les pratiques relatives au temps de travail et aux heures supplémentaires dans les fonctions publiques,
mission à l'issue de laquelle la concertation s'engagera sur les prolongements possibles de cette étude.
Vous avez évoqué, monsieur le sénateur, les difficultés de gestion du personnel rencontrées par les collectivités,
notamment en ce qui concerne les agents territoriaux spécialisés des écoles maternelles. Il convient ici de rappeler que
la durée de travail des agents à temps non complet est déterminée par un décret du 20 mars 1991 prévoyant que la
délibération créant un emploi à temps non complet fixe la durée hebdomadaire de service afférente à cet emploi en
fractions de temps complet exprimées en heures.
La jurisprudence administrative récente - elle date de 1995 - confirme qu'un fonctionnaire à temps non complet doit
accomplir un temps de travail identique à la durée hebdomadaire de travail fixée par la délibération ayant créé son
emploi. Sa rémunération doit correspondre à cette durée hebdomadaire et ne peut être ni minorée ni majorée.
Par ailleurs, le décret du 25 novembre 1985 relatif aux congés annuels des fonctionnaires territoriaux fixe la durée des
congés à cinq fois les obligations hebdomadaires des agents, cette durée étant appréciée en nombre de jours
effectivement ouvrés. En conséquence, rien ne s'oppose à ce que les collectivités locales affectent, pendant les
vacances scolaires, des agents spécialisés des écoles maternelles dans d'autres locaux que les écoles maternelles, à
condition qu'ils accueillent des enfants. Certes, la mise en pratique n'est pas toujours simple, mais je tenais à rappeler
ces données afin d'être complet.
Telle est la réponse que je peux apporter à votre question, monsieur le sénateur. En tout état de cause, l'essentiel du
travail restera à faire lorsque nous serons saisis des conclusions du rapport de M. Jacques Roché.
M. le président. Les chambres régionales, elles,n'attendent pas pour saisir !
M. Jean-Paul Delevoye. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delevoye.
M. Jean-Paul Delevoye. Monsieur le ministre, je suis obligé de reconnaître le bien-fondé de votre réponse, qui était
conventionnelle ; toutefois, si elle respecte la lettre des textes, elle n'en respecte pas l'esprit.
Membres du Gouvernement ou parlementaires, nous devons réfléchir, lorsque nous élaborons un texte, à l'obligation de
résultat : les décrets d'application doivent être publiés dans un délai donné. En effet, faute de ces décrets, la loi ne sert
à rien et le pouvoir législatif est remis en cause.
Par ailleurs, à l'évidence, en l'absence de textes législatifs, c'est la jurisprudence, soit celle des chambres régionales
des comptes soit celle des tribunaux administratifs, qui fait la loi.
Au moment où le Sénat va être saisi d'un texte relatif à la modernisation de la vie politique, nous devons nous poser la
question de notre efficacité : si les parlementaires que nous sommes votent une loi et que les décrets d'application ne
sortent pas, à quoi bon ?
Ne pourrait-on pas, dans ces conditions, envisager d'associer à la promulgation de la loi l'obligation de publier les
décrets d'application ? Nous éviterions ainsi les débats médiatiques que nous connaissons sur la critique de la vie
politique de notre pays, la sanction juridique l'emportant, actuellement, sur la force de la loi.
M. Emile Zuccarelli, ministre de la fonction publique, de la réforme de l'Etat et de la décentralisation. Je suis
entièrement d'accord !
M. le président. Nous avons compris, monsieur le ministre, que vous approuviez le point de vue de M. Deneux, qui est
largement partagé par la Haute Assemblée.

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