Question de M. GRUILLOT Georges (Doubs - RPR) publiée le 20/08/1998

M. Georges Gruillot appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les enjeux juridiques liés à Internet, particulièrement mis en lumière par la mission interministérielle présidée par Mme Falque-Pierrotin et une jurisprudence nouvelle. Il le remercie de lui préciser les suites qu'il entend donner aux propositions du rapport cité et plus particulièrement si une réflexion d'ensemble est engagée sur les questions posées par Internet sur le plan juridique.

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Réponse du ministère : Premier ministre publiée le 18/02/1999

Réponse. - L'honorable parlementaire attire l'attention de monsieur le Premier ministre sur la question des enjeux juridiques liés au développement d'Internet. Conformément à ce qu'avait annoncé le Premier ministre à Hourtin, le 25 août 1997, le Conseil d'Etat a été chargé d'une réflexion sur les enjeux juridiques du développement d'Internet. Ce rapport sur Internet et le droit a été rendu public le 8 septembre dernier. Le comité interministériel pour la société de l'information, qui s'est tenu le 19 janvier 1999 sous la présidence du Premier ministre, a pris une série de décisions importantes qui prennent notamment en compte les propositions du Conseil d'Etat. Ces décisions concernent : 1º La libéralisation complète de l'usage de la cryptologie. Face au développement des moyens d'espionnage électronique, la possibilité de crypter les communications apparaît comme une réponse efficace pour protéger la confidentialité des échanges et la vie privée. Le Gouvernement s'est donné le temps de la réflexion. Après avoir consulté les acteurs, les experts et ses partenaires internationaux, il a acquis la conviction que les dispositions issues de la loi de 1996 ne sont plus adaptées. Elles restreignent fortement l'usage de la cryptologie dans notre pays, sans pour autant permettre aux pouvoirs publics de lutter efficacement contre des agissements criminels dont le chiffrement pourrait faciliter la dissimulation. Elles font en outre apparaître un risque d'isolement de la France par rapport à ses principaux partenaires. Le Gouvernement a donc décidé un changement fondamental d'orientation, qui vise à rendre complètement libre l'usage de la cryptologie en France, tout en adaptant les moyens des pouvoirs publics pour garantir les libertés publiques dans ce nouvel environnement et pour lutter contre l'utilisation des moyens de chiffrement à des fins délictueuses. Le projet de réforme législative qui sera présenté au Parlement s'articulera autour des orientations suivantes : offrir une liberté complète dans l'utilisation des produits de cryptologie, sous la seule réserve du maintien des contrôles à l'exportation découlant des engagements internationaux de la France (moyens de chiffrements faisant appel à des clés d'une longueur supérieure à 56 bits) ; supprimer le caractère obligatoire du recours aux tierces parties de confiance pour le dépôt des clés de chiffrement. Le rôle de tiers de confiance ne sera pas limité à la gestion des clés mais pourra s'étendre à d'autres missions, comme la certification de signatures électroniques. Le recours à ces organes et aux mécanismes d'auto-séquestre sera encouragé. Les tiers de confiance pourront notamment solliciter l'attribution d'un label auprès des pouvoirs publics ; permettre aux pouvoirs publics de lutter efficacement contre l'usage des pocédés de chiffrement à des fins délictueuses. A cet effet, le dispositif juridique actuel sera complété par l'instauration d'obligations, assorties de sanctions pénales, concernant la remise aux autorités judiciaires, lorsque celles-ci la demandent, de la transcription en clair des documents chiffrés. De même, les capacités techniques des pouvoirs publics seront significativement renforcées. Une modification de la loi est donc nécessaire, ce qui prendra plusieurs mois. Mais le Gouvernement a voulu que les entraves qui pèsent sur les citoyens soucieux de protéger la confidentialité de leurs échanges et sur le développement du commerce électronique soient levées sans attendre. Ainsi, dans l'attente des modifications législatives annoncées, le Gouvernement a décidé de relever le seuil de la cryptologie, dont l'utilisation est libre, de 40 bits à 128 bits, niveau considéré par les experts comme assurant durablement une très grande sécurité. 2º La mise en place d'un haut niveau de protection des données personnelles. La transposition de la directive européenne de 1995 relative à la protection des données à caractère personnel doit permettre d'adapter le cadre juridique interne à la généralisation du traitement informatique des données et à l'essor d'Internet. Elle doit garantir la préservation des droits aussi fondamentaux que la liberté individuelle et le respect dû à la vie privée. La transposition de la directive, loin d'affaiblir les garanties légales aujourd'hui offertes aux citoyens, aura pour objet d'assurer à ceux-ci un haut niveau de protection. Dans cette optique, les orientations que le Gouvernement proposera viseront notamment au renforcement des moyens de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL), de pouvoir de contrôle de la CNIL. En particulier, la CNIL devra être en mesure de mieux exercer son pouvoir de contrôle a posteriori dans le domaine, en expansion rapide, du traitement des données à des fins commerciales. 3º La levée des obstacles juridiques concernant les documents numériques et la signature électronique. Les transactions dématérialisées prennent une importance croissante, que ce soit en matière commerciale ou dans les procédures administratives. Certains obstacles juridiques rendent nécessaire une modification du code civil pour permettre l'adaptation de notre droit de la preuve aux nouvelles technologies et à la signature électronique. Cette modification répondra à une double préoccupation : la conformité avec les orientations retenues au sein de l'Union européenne ; la prise en compte, avec toutes les garanties nécessaires, de la valeur probante du document sous forme numérique et des signatures électroniques.

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