Question de M. SIGNÉ René-Pierre (Nièvre - SOC) publiée le 06/11/1998

Question posée en séance publique le 05/11/1998

M. le président. Je vais faire plaisir à l'un de nos collègues en lui donnant enfin l'autorisation de s'exprimer !
La parole est à M. Signé, qui intervient en effet souvent, parfois même sans mon autorisation !
M. Claude Estier. Dites cela à M. Braye !
M. René-Pierre Signé. Je ne parle jamais qu'avec votre autorisation, monsieur le président !
Un sénateur du RPR. Ce n'est pas sûr !
M. René-Pierre Signé. Ma question s'adresse à M. Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé.
Monsieur le secrétaire d'Etat, vous avez engagé une réflexion avec les partenaires concernés sur la place du malade
dans le système de soins. Parmi les préoccupations qui sont les vôtres - et que je tiens à saluer ici chaleureusement -
figure la question de la douleur.
Les quatre axes du plan triennal que vous avez mis en oeuvre sur ce thème doivent être rappelés ici : il s'agit de la prise
en compte de la demande du patient, du développement de la lutte contre la douleur dans les structures de santé et les
réseaux de soins, du développement de la formation et de l'information des professionnels de santé sur l'évaluation et le
traitement de la douleur, enfin, de l'information du public, dernier objectif auquel je souscris tout particulièrement.
Il est inadmissible, en effet, que la douleur continue d'être négligée par un certain nombre de professionnels de santé. Il
s'agit plus, ici, de mentalités que de moyens.
Le public, les patients en l'occurrence, ne doivent absolument plus craindre ni d'évoquer leur souffrance physique ni
d'exiger que cette dernière soit traitée.
Au nom de quelle conception de la médecine pourrait-on reléguer la douleur au rang de donnée secondaire de l'état de
malade ? Si, comme signal d'alarme, la douleur peut être admise et si elle présente même un caractère utile, en
revanche, passé ce stade de révélation, elle devient inutile, nuisible et intolérable.
La science médicale reconnaît désormais pleinement le rôle du psychisme du malade dans l'efficacité du traitement qui
lui est appliqué. C'est assez dire l'importance de la question de la douleur. C'est la raison pour laquelle j'aimerais tout
particulièrement savoir quels sont les modalités et le calendrier que vous envisagez pour la mise en oeuvre de votre
plan. (Très bien ! et applaudissements sur les travées socialistes, ainsi que sur les travées du groupe communiste
républicain et citoyen.)
M. Dominique Braye. Merci, monsieur M. Neuwirth !

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Réponse du ministère : Santé publiée le 06/11/1998

Réponse apportée en séance publique le 05/11/1998

M. le président. Merci, monsieur Signé. Vous avez respecté votre temps de parole et j'y suis sensible !
La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat à la santé. Grâce à quelques-uns, je pense particulièrement à M. Lucien
Neuwirth... (Exclamations sur les travées du RPR.) dont l'action n'avait pas le caractère sectaire de vos remarques...
M. Dominique Braye. On prend exemple sur vous !
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. Non, justement, monsieur. C'est me calomnier que de dire cela ! Je ne suis
pas sectaire. Dans ce domaine de la douleur et des soins palliatifs, je crois, monsieur le sénateur, avoir fait beaucoup
plus que tous mes prédécesseurs !
M. Roland Courteau. Bravo !
Mme Hélène Luc. Très bien !
M. le président. Nous vous écoutons, monsieur le secrétaire d'Etat.
M. Bernard Kouchner, secrétaire d'Etat. La mise en oeuvre du plan triennal prendra bien évidemment du temps,
comme vous l'avez souligné vous-même. Mais sachez d'ores et déjà que, avant la fin de l'année, il sera remis à tous les
patients, à leur entrée à l'hôpital, un « carnet douleur » pour leur signifier ce que vous avez dit, à savoir que l'hôpital est,
par excellence, un endroit où le patient ne doit pas souffrir.
Il faut donc qu'il n'hésite pas à faire état de sa souffrance, qu'il ne craigne pas de se montrer « douillet », comme on
disait autrefois.
La douleur sera donc prise en charge.
D'abord, son niveau figurera, au même titre qu'un certain nombre de données telles que la tension artérielle, la
température et les médicaments prescrits, sur la pancarte accrochée au pied du lit desmalades. Ces derniers
disposeront de petites réglettes - un million de réglettes seront distribuées - à l'aide desquelles ils pourront tous les
jours marquer l'intensité de leur douleur.
A la sortie de l'hôpital, un carnet de satisfaction - ou d'insatisfaction - leur sera remis pour que l'on puisse juger de
l'attention qui aura été portée à ce symptôme.
Passons sur le fait que l'absence de prise en charge de la douleur est une conduite très française ; nous n'avons pas le
temps d'en parler.
Surtout, le carnet à souches sera supprimé avant la fin de l'année et remplacé par des ordonnances infalsifiables, à
l'hôpital comme en ville. Cela évitera les atermoiements habituels dans la prescription d'antalgiques majeurs. Où est
rangé le carnet à souches ?... Nous n'en avons plus !... Où est la clé de l'armoire à pharmacie ?...
Dans tous les services hospitaliers qui ont à traiter de la douleur, et ils sont nombreux, une affichette indiquera la
conduite à tenir en cas de douleur, au même titre qu'une affichette indique déjà la conduite à tenir en cas d'incendie.
Cela signifie que les médecins auront décidé par avance avec le personnel infirmier de ce qu'il faut faire en cas de
douleur non seulement pour l'ensemble des pathologies, mais aussi pour chaque malade en particulier. Il ne sera plus
nécessaire de recourir au médecin et de l'attendre, surtout l'après-midi ou la nuit, quand on ne le trouve pas dans
l'hôpital, pour fournir au malade des antalgiques majeurs au moment de la crise douloureuse. Les infirmiers et les
infirmières pourront le faire.
Il faut évidemment prendre en charge la formation initiale et, bien entendu, la formation continue. Il faut encore
demander aux laboratoires de mettre au point de nouveaux médicaments. A ce propos, je suis heureux d'annoncer
qu'un laboratoire, dont je ne peux citer le nom ici, a, le premier, mis sur le marché, sous l'appellation de Codenfan, des
gouttes pédiatriques qui associent de la codéine et du paracétamol. Il est tout de même invraisemblable qu'il ait fallu
attendre autant d'années pour que ce soit fait ! (Applaudissements sur les travées socialistes, sur les travées du groupe
communiste républicain et citoyen ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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