Question de M. LASSOURD Patrick (Ille-et-Vilaine - RPR) publiée le 18/11/1998

M. Patrick Lassourd alerte M. le secrétaire d'Etat au logement sur les effets pervers provoqués par la " bureaucratisation " du système de perception du supplément de loyer de solidarité (SLS). Le principe très légitime du SLS visait à l'origine à faire contribuer ceux des locataires du parc social dont les ressources avaient sensiblement augmenté depuis leur entrée dans le parc HLM. Toutefois, les coûts des enquêtes annuelles, l'adaptation permanente des outils de gestion des organismes, la complexité et l'encadrement toujours plus importants du dispositif, ont progressivement affecté le sens du SLS. Vidé de sa substance, le système ne remplit plus son rôle initial d'équité sociale. Le relèvement récent des plafonds de ressources, qui a limité encore le nombre d'assujettis, ainsi que le décret d'application de la loi d'orientation nº 98-657 du 29 juillet 1998 relative à la loi contre les exclusions, prévoyant le plafonnement du coefficient de dépassement du plafond de ressources, alourdissent encore davantage le dispositif. Il lui demande donc si on ne pourrait pas laisser aux conseils d'administration des organismes HLM le soin de déterminer le montant plafond de ce SLS au regard des services rendus et des loyers du parc privé sur le même territoire géographique ?

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Réponse du ministère : Logement publiée le 20/01/1999

Réponse apportée en séance publique le 19/01/1999

M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, le problème que je soulève aujourd'hui revêt, à mes yeux, une
importance majeure pour l'aménagement du territoire. Premier facteur d'insertion, le logement contribue en effet très
largement à l'équilibre social, économique et démographique de nos départements.
L'excellent principe du « surloyer », dont le dispositif a été réaménagé par la loi Périssol en 1996, répondait au double
objectif d'équité et de mixité sociales. Il visait à rendre obligatoire un supplément de loyer auprès des locataires d'HLM
dont les revenus dépassent de 40 % le plafond de ressources autorisées, laissant aux organismes d'HLM des marges
d'appréciation locale, puisque la perception du surloyer est facultative lorsque les ressources dépassent de 10 à 40 %
le plafond.
Le Gouvernement d'alors témoignait ainsi son souci de maintenir, avec une relative souplesse, une population mixte
dans les HLM, afin de répondre au mieux aux besoins et réalités du terrain.
Cette appréciation des situations locales laissée aux organismes d'HLM constituait la condition de réussite du
système. Mon expérience de président de l'OPAC - Office public d'aménagement et de construction - d'Ille-et-Vilaine
me le confirme tous les jours.
Les problèmes de logement, qui touchent une matière éminemment sociale et humaine, doivent en effet être
appréhendés de la manière la plus réaliste possible. Seule une démarche souple et de proximité peut donc être
efficace.
Or, le Gouvernement auquel vous appartenez, monsieur le secrétaire d'Etat, a considérablement altéré le dispositif, en
le rendant de plus en plus complexe et détaché des réalités du terrain.
Je veux d'abord parler de la taxe-contribution que doivent régler à l'Etat tous les organismes d'HLM, fondée non pas sur
la recette réelle des surloyers, mais sur des critères définis arbitrairement.
Ensuite, je regrette les dernières modalités de calcul des surloyers, qui aboutissent à les minorer, alors même que la
contribution à l'Etat est maintenue à un niveau identique.
Cette bureaucratisation a finalement détourné le surloyer de son objectif de solidarité et d'équité. Les organismes d'HLM
doivent désormais faire face à des frais d'enquête de plus en plus lourds - pour l'OPAC d'Ille-et-Vilaine, le coût des 12
000 enquêtes est de l'ordre de 100 000 francs - qui, conjugués au paiement de la taxe, ne favorisent pas leur équilibre
budgétaire. Cela ne peut être que dommageable pour les candidats comme pour les occupants des HLM.
C'est pourquoi, monsieur le secrétaire d'Etat, je propose que la capacité d'appliquer le surloyer, tant dans son principe
que dans ses modalités, soit laissée à l'appréciation des conseils d'administration des HLM. Il faut croire en leur
sagesse et en leur connaissance des données locales.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Louis Besson, secrétaire d'Etat au logement. Monsieur le sénateur, je réponds d'autant plus volontiers à votre
question que votre qualité de président d'organisme d'HLM ne peut que faciliter notre compréhension mutuelle.
Tout ce qui concerne la taxe, l'assiette et les enquêtes de ressources dépend de décisions antérieures à ma prise de
fonction.
Le supplément de loyer de solidarité a toujours trouvé sa justification au croisement de deux préoccupations, d'une part,
la mixité sociale, par le maintien dans le parc d'HLM des ménages dont les revenus ont augmenté, la légitimité de ce
maintien étant l'acquittement d'un supplément de loyer de solidarité ; d'autre part, l'équité sociale, selon laquelle les
locataires dont les ressources dépassent sensiblement les plafonds acquittent des loyers très élevés ou, plus
exactement, soit un peu moins aidés par l'Etat qu'ils ne l'étaient lorsque leurs ressources étaient moindres.
Il a semblé au Gouvernement - et j'en appelle à votre réflexion, monsieur le sénateur - que ces deux objectifs avaient été
partiellement perdus de vue. Des ménages dont les ressources étaient légèrement supérieures au plafond pouvaient
très bien avoir à supporter un supplément de loyer de solidarité au taux fort, car il n'y avait aucun encadrement, et
quelques organismes n'avaient pas fait dans la nuance ! De trop fortes différences dans les barèmes appliqués créaient
sur le territoire national une grande disparité de traitement que rien ne justifiait et qui contredisait bien souvent l'ojectif
de mixité sociale. Certains barèmes trop dissuasifs ne pouvaient, en effet, que pousser brutalement des ménages des
classes « moyennes basses » à quitter le parc social.
Enfin, le produit du supplément de loyer de solidarité servait à financer le FSL, le Fonds de solidarité pour le logement :
la solidarité face aux difficultés d'accès ou de maintien dans le logement, notamment en matière d'impayés de loyers,
que ce soit dans le parc social ou le parc privé, revenait à demander un effort à une fraction des locataires du seul parc
social.
Le Gouvernement et le Parlement ont pris, dès 1998, trois types de mesures pour mettre fin à ces défauts et à ces
dérives du système.
Premièrement, le retour à un financement du FSL reposant sur une vraie solidarité nationale a été décidé. Depuis la loi
de finances pour 1998, le FSL, dont les moyens ont été fortement augmentés, est financé par le budget général et non
plus par le SLS.
Deuxièmement, les plafonds pour les petits ménages ont été relevés par l'arrêté du 28 juin 1998. Le relèvement
concerne les ménages sans enfant à charge ou avec un seul enfant à charge, qui étaient très pénalisés par le système
précédent.
De même a été supprimée la distinction opérée entre les ménages en fonction de l'exercice ou non d'une activité par le
conjoint, distinction qui entraînait un SLS élevé pour de nombreux couples comportant un inactif, en particulier un
retraité, et qui était à l'origine de changements de situation assez brutaux quand l'un des deux membres du ménage
devenait inactif. Grâce à ces décisions, 61 % des ménages sont actuellement éligibles au parc HLM en fonction de
leurs ressources, contre 55 % auparavant.
Troisièmement, l'encadrement - et non pas l'uniformisation - des barèmes a été réalisé par la loi du 29 juillet 1998
relative à la lutte contre les exclusions et le décret du 15 novembre 1998. Le seuil de déclenchement du SLS pour
dépassement des plafonds a été relevé de 10 % à 20 %, pour éviter les problèmes de cette taxation au moindre
dépassement, et les valeurs des éléments servant au calcul du SLS ont été plafonnées afin d'assurer aux locataires un
traitement équitable, quel que soit le bailleur.
Le relèvement des plafonds et du seuil de déclenchement du SLS ont fait passer de 550 000 à environ 300 000 le
nombre de ménages susceptibles d'être concernés par le SLS, qui est ainsi mieux ciblé sur les ménages du parc
social ayant les revenus les plus élevés.
L'application des nouvelles dispositions a représenté, j'en conviens, un certain travail pour les organismes d'HLM ; mais
celui-ci a été très utile. En effet, en fixant des règles socialement justes, harmonisées et stables, les décisions qui ont
été prises ne « vident pas le SLS de sa substance ». Elles renforcent, au contraire, son rôle comme élément d'une
politique favorisant la mixité dans le parc social, mixité dont la nécessité n'est plus à démontrer.
Telles sont les précisions que je souhaitais vous apporter sur l'esprit de la démarche suivie, monsieur le sénateur.
J'espère que vous pourrez convenir que cette dernière n'a pas détourné de son objet le dispositif mais que, en le rendant
plus juste, elle va sûrement aider à le rendre plus acceptable et plus efficace dans ses effets.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le ministre, je vous donne acte des modifications que vous avez apportées en matière
de logement social et qui, comme le relèvement des plafonds notamment, constituent à mon avis des progrès. Ainsi,
désormais, 61 % des ménages, au lieu de 55 % auparavant, sont éligibles aux organismes d'HLM. Je vous rappelle
cependant qu'en 1980 80 % des ménages en France étaient éligibles à un logement HLM et que la situation s'était
donc considérablement dégradée dans les années ultérieures.
Il n'était pas normal - j'en suis moi aussi convaincu - de financer le FSL par le supplément de loyer de solidarité. Cette
mesure, bien que prise par un gouvernement que je soutenais, ne me paraissait pas judicieuse.
Cela dit, monsieur le secrétaire d'Etat, vos propos ne m'ont pas complètement convaincu. En effet, les principes
d'équité et de mixité sociale doivent être respectés de façon très forte. Or, d'une certaine manière, le supplément de
loyer de solidarité y contribuait. Il apparaissait en particulier comme la contrepartie acquittée par tout locataire afin de
pouvoir rester dans son logement, quelle que soit l'évolution de ses revenus.
Actuellement, certains locataires disposant de peu de ressources sont choqués de constater que d'autres locataires
percevant quelquefois des revenus importants bénéficient toujours d'un logement HLM parce qu'ils occupent ce dernier
depuis longtemps. Ainsi, je peux vous citer le cas de personnes qui habitent depuis vingt ans un logement HLM à
Rennes et qui possèdent une résidence secondaire en pleine propriété à Saint-Malo.
Il faudrait donc, à mon avis, que les conseils d'administration fixent le montant du surloyer de solidarité, dans une
fourchette bien entendu définie et dans un cadre déterminé par l'Etat, de façon que la compétence et la responsabilité
de ce dernier soient affirmées sans ambiguïté. Ces surloyers pourraient être fixés, par exemple, en fonction du niveau
des loyers du secteur privé, qui sont très différents selon le lieu d'implantation des logements - en secteur rural, urbain
ou suburbain - selon la date de construction de l'immeuble, la date d'entrée du locataire dans les lieux, selon que
l'immeuble a ou non été réhabilité, et aussi selon les services rendus - présence d'un gardien, d'espaces verts - et le
lieu géographique dans la ville. Tous ces éléments pourraient inspirer les conseils d'administration pour les modalités
d'application d'un surloyer.
Nous pourrions même refuser toute application du supplément de loyer de solidarité pour éviter, par exemple, des
phénomènes de ghettoïsation.
Monsieur le secrétaire d'Etat, je prends acte de votre réponse. Mais je crois sincèrement que les nouvelles modalités
de calcul ne permettront pas d'atteindre les objectifs de mixité et d'équité qui sont les vôtres.

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