Question de M. FISCHER Guy (Rhône - CRC) publiée le 17/12/1998

M. Guy Fischer appelle l'attention de M. le Premier ministre sur les dispositions du projet de loi portant réforme des caisses d'épargne. Si l'article premier de ce projet les confirme dans leur vocation historique de réseau bancaire de l'économie sociale, réaffirmant leurs missions de proximité et leur non-lucrativité, l'ensemble du texte semble au contraire de nature à les orienter résolument vers le secteur concurrentiel. Il en est ainsi de la transformation de leur statut d'établissement de crédit à but non lucratif en un statut coopératif, alors que l'on sait que les grands réseaux à statut coopératif existants sont soumis exactement à la même logique de rentabilité que les banques ayant un statut de société anonyme. L'ouverture de leur capital et la rémunération des sociétaires qu'elle entraînerait paraît également inconciliable avec l'exercice d'une mission d'intérêt général au seul service des clients et de la satisfaction du financement des besoins collectifs. Quant au prélèvement qui serait effectué, pour un montant total de 23 milliards de francs, il ne manquerait pas d'avoir de graves conséquences pour le groupe, qui ne disposerait plus alors de ressources suffisantes pour asseoir sa pérennité et assurer son développement. Le risque existe ainsi de voir fragiliser considérablement certaines agences du réseau, impliquant le recours aux fusions et regroupements, et aux " économies d'échelle " sur les effectifs. Le contenu de l'article 5, qui limite strictement les sommes affectées au financement de missions d'intérêt général, illustre bien la priorité conférée dans ce projet à la rémunération du capital et des sociétaires, au détriment du service rendu et de l'emploi. Plus édifiant encore : les calculs effectués par les syndicats du personnel des caisses d'épargne Rhône-Alpes - Lyon font apparaître que la réforme coûterait 60 millions de francs (rémunération des sociétaires pour environ 50 millions de francs, diminution de la rémunération des liquidités de la caisse du fait de la baisse de son résultat net comptable, financement des oeuvres d'intérêt général) pour la seule caisse d'épargne Rhône-Alpes - Lyon, alors que le coût d'un passage aux trente-deux heures hebdomadaires assorti de 10 % d'embauches s'élèverait à 23 millions de francs sans aide, et 12 millions de francs après le bénéfice des aides prévues par la loi. Le projet de loi prévoit en outre une diminution de la représentativité des salariés au sein des conseils d'orientation et de surveillance, et leur exclusion de la Fédération nationale des caisses d'épargne. Il remet en cause le fonctionnement de la Commission paritaire nationale, en restreignant le rôle des organisations syndicales majoritaires par l'introduction de la règle de la majorité simple, avec le risque évident de remise en cause du statut du personnel. Partageant l'inquiétude des élus locaux et des salariés, il considère que ce projet de loi amorce un processus de liquidation des caisses d'épargne, sous prétexte de mieux préparer le groupe à affronter la concurrence au sein du grand marché bancaire européen, et vient contredire les objectifs ambitieux du Gouvernement en matière de politique de la ville et de lutte contre l'exclusion. Aussi, il lui demande solennellement de prendre en compte le formidable atout que constitue le réseau des caisses d'épargne pour améliorer encore sa capacité à rendre ses services accessibles à tous sans exclusion, à maintenir un réseau de proximité (en zones urbaines sensibles comme en zones rurales), à renforcer son partenariat avec les collectivités locales, les syndicats intercommunaux, au service du développement du logement social, de la protection de l'environnement et de l'aménagement du territoire.

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Transmise au ministère : Économie


Réponse du ministère : Économie publiée le 04/02/1999

Réponse. - Les caisses d'épargne occupent une place originale et précieuse dans le paysage bancaire français. Elles constituent un grand réseau de l'économie sociale, enraciné dans la nation et cher aux Français qui sont près de trente millions à être devenus leurs clients. Fortes de leur histoire, les caisses d'épargne ont su se développer et jouer un rôle essentiel dans la protection de l'épargne populaire et le financement du logement social, au service de l'intérêt général. Elles se trouvent aujourd'hui à un tournant de leur histoire. L'enjeu, c'est de leur permettre de jouer tout leur rôle dans un secteur bancaire en pleine évolution. Dans ce cadre, les caisses d'épargne possèdent d'ores et déjà de nombreux atouts (dynamisme commercial, capacité de distribution, densité du réseau, etc.). Pour tirer pleinement parti des évolutions à venir, elles doivent néanmoins s'adapter et clarifier leur statut. Les handicaps auxquels elles se trouvent confrontés, et notamment leur isolement statutaire, entravent en effet leur développement et les empêchent de remplir pleinement leur rôle d'intérêt général. C'est pourquoi le conseil des ministres a adopté le 2 décembre dernier un projet de loi de modernisation des caisses d'épargne. Ce projet a fait l'objet d'une très large concertation : mission de six mois menée par M. Raymond Douyère, député de la Sarthe, de novembre 1997 à avril 1998 (près de trois cents personnes de tous horizons rencontrés : salariés et dirigeants des caisses d'épargne, organisations syndicales, élus locaux, personnalités qualifiées, etc.) ; concertation avec l'ensemble des acteurs du réseau de mai à novembre 1998. Ce projet de loi reconnaît et définit, pour la première fois de leur histoire, les missions d'intérêt général des caisses d'épargne : le Gouvernement se refuse à toute banalisation du livret A ; une partie de leur résultat sera affectée à des dépenses d'intérêt local et social ; le produit de cession du capital social sera affecté au fonds de réserve pour les retraites qui, par la constitution d'une réserve financière, participe à l'équilibre à long terme et à la sauvegarde des régimes de retraite par répartition. Il dote les caisses d'épargne d'un statut coopératif, porteur des valeurs de solidarité et de participation, qui permet de concilier responsabilité individuelle et solidarité collective et qui leur permet de préserver leur spécificité. Il garantit leur solidité financière, qui restera très largement supérieure à celle des autres banques françaises : le ratio de solvabilité du groupe sera, à l'issue de la réforme, supérieur d'environ 50 % à celui de la moyenne des banques françaises. Il ne comporte enfin aucune disposition sur leur système de retraite, dont l'évolution relève de la négociation entre les partenaires sociaux. Le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie veillera toutefois à ce que la négociation en cours assure le respect des droits des salariés. Au total, ce projet de loi permet de donner aux caisses d'épargne une légitimité nouvelle fondée sur un vaste sociétariat, de réaffirmer leur vocation d'établissement de proximité et de trouver un nouvel élan au bénéfice de la solidarité.

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