Question de M. de RAINCOURT Henri (Yonne - RI) publiée le 20/05/1999

M. Henri de Raincourt attire l'attention de M. le Premier ministre sur l'expiration prochaine du délai pour l'application du jugement de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) condamnant l'embargo européen sur les viandes aux hormones américaines. Les normes sanitaires, très différentes d'un continent à l'autre, nous permettaient depuis 1989 de protéger notre marché des produits américains réputés dangereux pour le consommateur. Toutefois, ce jugement de l'OMC nous contraindrait désormais à accepter le b uf américain tel qu'il nous parvient, sauf à se voir infliger de sévères sanctions commerciales. En effet, les études commandées par la Commission européenne pour prouver le danger de ces aliments ne sont pas prêtes, malgré la publication d'un rapport, sur les 17 commandés, concluant à la nocivité potentielle des hormones de croissance utilisées aux Etats-Unis dans l'élevage du b uf. Pourtant, après la crise de la vache folle, les consommateurs sont encore plus sensibles à la qualité et à la sécurité de leur alimentation. Il lui demande donc quelles sont les mesures que le Gouvernement compte promouvoir, au sein de l'Union européenne, dans un contexte de guerre commerciale et normative.

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Transmise au ministère : Commerce extérieur


Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 27/09/2001

Les Etats-Unis et le Canada ont été autorisés le 29 juillet 1999 par l'organe de règlement des différends de l'OMC à appliquer des sanctions à l'encontre de l'Union européenne pour refus de mise en conformité de la législation communautaire avec la décision de condamnation du 13 février 1998. Cette dernière décision avait jugé l'interdiction d'importer en Europe de la viande traitée aux hormones anabolisantes non conforme aux règles de l'accord sur les mesures sanitaires et phytosanitaires (SPS), car non fondée scientifiquement. Les mesures de compensation américaines et canadiennes se traduisent par des droit de douane de 100 % portant sur 116,8 millions de dollars d'exportations communautaires pour les Etats-Unis et sur 7,7 millions de dollars pour le Canada. Les principaux produits français touchés sont la moutarde, le roquefort, les oignons, les colles et adhésifs, la chicorée torréfiée, le foie gras, les boyaux et vessies d'animaux, le chocolat et les truffes. La France subit à elle seule 24 % des sanctions américaines. Ces sanctions ne pourront être levées que si les mesures d'interdiction européennes sont meiux justifiées scientifiquement et/ou si un accord amiable est trouvé entre les parties sur les compensations commerciales. S'agissant de la mise en conformité avec les règles de l'OMC, le collège des commissaires a adopté le 24 mai 2000 une proposition de révision de la législation communautaire s'appuyant sur les articles 5-1 et 5-7 du SPS. Elle se fonde pour ce faire sur l'avis du comité scientifique des mesures vétérinaires en rapport avec la santé publique (CSVSP) du 3 mai 2000, qui a conclu qu'il n'y avait pas d'éléments suffisamment convaincants susceptibles de remettre en cause son avis du 30 avril 1999. La proposition de la commission prévoit : - l'interdiction définitive de toute utilisation de l'hormone 17 B oestradiol, alors qu'actuellement son utilisation à des fins zootechniques ou thérapeutiques est autorisée ; - le maintien de l'interdiction pour les cinq autres substances, mais en lui conférant un caractère temporaire dans l'attente de données scientifiques plus complètes. Contraitement au 17 B oestradiol, leur utilisation reste possible, sous certaines conditions, à des fins thérapeutiques ou zootechniques, y compris chez les animaux d'exploitation et d'aquaculture. Compte tenu de la base juridique retenue (art. 52, codécision), la commission envisageait une entrée en vigueur de ce texte au cours de l'année 2001. Parallèlement, l'Union européenne a étudié avec les Etats-Unis la possibilité d'une solution portant sur la " compensation du préjudice américain par l'octroi d'un contingent tarifaire de viande sans hormones suffisamment important pour susciter un intérêt commercial aux Etats-Unis et déclencher le développement d'une filière ". Les négociations entre la commission et les autorités américaines sur le contrôle de la filière dite " propre " aux Etats-Unis, c'est-à-dire sans hormones, ont progressé sous présidence française. Suite à des contrôles vétérinaires, l'Union avait décidé de suspendre l'autorisation d'accès au marché communautaire des viandes américaines issues de la filière " propre " et de renforcer les contrôles de ces importations américaines, ce qui a en pratique très fortement réduit ces importations. Un premier progrès avait été enregistré avec la décision de réduction des contrôles de 100 % à 20 % des lots par le comité vétérinaire permanent les 5 et 6 septembre 2000 en raison de l'absence de contrôles positifs depuis environ un an. Cette décision du CVP a permis de faire passer la question de la rotation des sanctions américaines au second plan. Depuis, les contacts entre les négociateurs américains et communautaires se sont intensifiés, sous l'impulsion de la National Cattlemen's Beef Association (NCBA). Le refus des éleveurs américains de se voir octroyer des compensations pour une durée limitée et le contexte créé par la chute des cours sur le marché communautaire, consécutive à la nouvelle crise de la vache folle, ont différé la conclusion d'un accord amiable. Les contacts entre la commission et l'administration américaine dans le but de régler ce différend se poursuivent cependant. Il est exclu pour le gouvernement français d'envisager une levée de l'embargo sur le boeuf traité aux hormones tant que subsistera un doute sur d'éventuels effets nocifs de ces substances pour la santé humaine. Les effets cancérigènes d'une hormone (le 17 bêta oestradiol) sont d'ores et déjà avérés. En l'état actuel des données scientifiques, la proposition adoptée par le collège des commissaires le 24 mai 2000 paraît aller dans le sens d'une mise en conformité de la législation communautaire avec les règles de l'OMC, tout en préservant la santé des consommateurs. La négociation de compensations, en remplacement des rétorsions, reste une piste à explorer.

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