Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 16/09/1999

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le ministre de l'aménagement du territoire et de l'environnement sur l'article paru à la page 10 du quotidien Le Figaro du 31 juillet 1999 dans lequel les organisations syndicales de bergers annoncent que face aux attaques répétées du loup sur les troupeaux des Hautes-Alpes " des actions fortes (vont être réalisées) pour faire prendre conscience aux pouvoirs publics que c'est tout un pan de l'agriculture de montagne qui est menacé ". Il lui demande quelle est sa réaction face à ces propos. Quelle réponse peut-elle apporter aux bergers pour apaiser leurs légitimes inquiétudes. Il aimerait savoir si elle envisage, comme le souhaitent les bergers, de venir " sur le terrain pour constater (leurs) problèmes ".

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Réponse du ministère : Aménagement du territoire publiée le 18/05/2000

Réponse. - En matière de protection des troupeaux contre le loup, la combinaison d'aides bergers, la présence de chiens de protection et le rassemblement des animaux en parc la nuit a montré qu'elle était de nature à diminuer fortement le nombre de victimes. Dans le département des Hautes-Alpes, divers moyens de prévention ont été mis en place en 1999 dont certains avant l'entrée en application du second programme LIFE, compte tenu de l'urgence de ces mesures : construction de dix cabanes pastorales (une est achevée, trois sont en cours de construction et les travaux ont débuté pour deux autres) ; distribution de 125 filets dans 19 alpages pour délimiter des parcs de rassemblement (un stock de 43 filets est disponible) ; attribution de 10 aides bergers pour une durée de deux mois chacun et de 10 chiens de protection ; embauche pendant 6 mois par le parc naturel du Queyras d'un technicien spécialisé " chien patou " afin de conseiller les éleveurs dans le dressage de ces chiens ; achat de 38 postes radios, par ce même parc, et mise à disposition des bergers. Au 15 octobre 1999, 263 000 F ont été versés aux éleveurs au titre des indemnisations des attaques imputées au loup. Afin de prévenir les conséquences sur le pastoralisme de la présence du loup, un premier plan d'action a été mis en place dans le parc du Mercantour, de 1993 à 1996. Il a permis d'établir un recueil de données sur l'espèce, d'expertiser les proies sauvages ou domestiques susceptibles d'avoir été tuées par le loup, d'élaborer une cartographie permanente des observations effectuées, d'adapter à la présence du loup des techniques employées pour garder les troupeaux, de mettre en place un dispositif d'indemnisation et d'aide au pastoralisme pour réduire la prédation subie par les troupeaux de moutons. Ce dispositif d'indemnisation et d'aide au pastoralisme a été repris et amplifié dans le cadre d'un programme communautaire (financement LIFE pour 3 ans de 1997 à 1999 pour un montant de 8 millions de francs HT dont 50 % financés par le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement). Conçu à l'origine pour les Alpes-Maritimes, il a été rapidement étendu aux départements des Alpes de Haute-Provence et des Hautes-Alpes. Les objectifs de ce programme étaient d'accompagner le retour du loup dans les Alpes du sud en améliorant la connaissance sur l'espèce, sa répartition, son évolution, son impact sur la faune sauvage et domestique, et de mettre en place des mesures d'accompagnement en faveur du pastoralisme : compensation des dommages, mise en place de chiens de protection, de parcs de contention nocturne, mise à disposition de bergers auxiliaires pour améliorer la garde des troupeaux. Ces mesures ont prouvé leur efficacité comme en témoignent les données sur les attaques de loups dans les Alpes-Maritimes qui, pour la première fois en 1998, ont vu une baisse du nombre d'animaux indemnisés (691 contre 789 en 1997), alors que la population de loups s'y stabilise (20 en janvier 1998 contre 19 un an auparavant). Un deuxième programme communautaire LIFE d'un montant total de 18,6 MF HT pour les années 1999 à 2003 vient d'être agréé par l'Union européenne. Ce programme qui concerne l'ensemble de l'arc alpin vise : à suivre l'expansion du loup grâce à un réseau de correspondants qui recueillent des indices de présence (traces, poils, fèces) dont certains font l'objet d'analyses génétiques. Ces indices permettent de connaître la répartition et la composition des meutes et l'exploitation par les loups des ressources alimentaires disponibles ; à développer des actions de prévention des dégâts sur les troupeaux dans les zones exposées au loup : fourniture de 250 chiens de protection, équipement de 100 exploitations en parcs de regroupement nocturne, recrutement de 20 aides bergers pendant la saison d'estive et de quatre techniciens apportant des conseils aux éleveurs. Les sites bénéficiant de ces mesures seront déterminés par des comités de pilotage régionaux ; à poursuivre la compensation des dommages causés par le loup ; à développer des actions de communication pour mieux faire connaître le loup et apporter des informations aux populations concernées. Pour renforcer l'efficacité et l'ampleur de ce programme communautaire, le Gouvernement a décidé de l'intégrer dans un plan pour la préservation du pastoralisme et du loup qui se développera sur les années 2000 à 2002. Le projet, élaboré conjointement par le ministère de l'agriculture et de la pêche et le ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement, est actuellement et jusqu'au 30 avril soumis à consultation département par département, auprès des élus et des acteurs socio-professionnels et associatifs, avant d'être arrêté courant mai prochain. Il fera ensuite l'objet d'adaptations périodiques. Ce plan vise à renforcer la coordination des opérations de suivi, de prévention et d'indemnisation, à développer l'arsenal des moyens de prévention et d'intervention, et les dispositifs d'appui financier et le conseil technique en faveur des éleveurs et des bergers, et à organiser une gestion, largement concertée et préservant la pérennité de l'élevage ovin, de l'installation d'une population de loups écologiquement viable dans les Alpes. Il comporte aussi des mesures complémentaires concernant la formation, le marquage des loups captifs, l'identification des loups sauvages, le contrôle des chiens errants, etc. que la consultation en cours enrichit. Il repose sur des principes de différenciation territoriale ouvrant la possibilité de proposer, de façon limitée, des zones où la présence du loup ne pourrait être admise. Dans toutes les situations, la gestion du loup sera conforme aux engagements internationaux et communautaires de la France. En effet, l'espèce Canis lupus est protégée en droit international et droit communautaire par la Convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l'Europe et par la Directive du Conseil 92/43/CEE concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages. La Convention de Berne et la directive Habitat-Faune-Flore permettent d'autoriser la capture ou la destruction de loups pour prévenir des dommages importants aux cultures ou au bétail, à condition qu'il n'existe pas d'autres solutions satisfaisantes et que cela ne nuise pas au maintien dans un état de conservation favorable de la population concernée. Cette disposition a été intégralement reprise à l'article 3 ter de l'arrêté du 17 avril 1981 fixant les listes des mammifères protégés sur l'ensemble du territoire, dans sa rédaction issue de l'arrêté du 10 octobre 1996, qui permet par décision interministérielle prise après avis du Conseil national de la protection de la nature d'autoriser de telles interventions. Il n'est pas actuellement envisagé de recourir à cette possibilité sur une large échelle en raison des faibles effectifs, des meutes qui constituent la population de loups en France et comptent au total, en 1999, environ trente individus. Une hypothétique révision de la Convention de Berne, dans un domaine qui relève de la compétence communautaire, nécessiterait une proposition dans ce sens de la Commission européenne, une majorité qualifiée au sein du Conseil des ministres, un vote favorable du Parlement européen ainsi qu'une majorité des trois quarts des voix exprimées des Parties contractantes, au sein du comité permanent de la Convention de Berne. Réunir l'ensemble de ces conditions ne paraît pas réaliste et la volonté du Gouvernement est d'assurer la compatibilité, à l'échelle de l'arc alpin, entre le développement du pastoralisme et la conservation d'une population viable de loups.

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