Question de Mme LUC Hélène (Val-de-Marne - CRC) publiée le 02/10/1999

Mme Hélène Luc attire l'attention de M. le ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie sur l'application des mesures d'urgences prévues en octobre 1998 à l'issue du mouvement lycéen. En effet, un an après l'annonce des mesures exceptionnelles pour les lycées, elle souhaiterait connaître l'état d'avancement de ces mesures en matière de réduction des effectifs des classes, d'aménagement des emplois du temps, d'ouverture de postes au concours pour le personnel d'enseignement et d'encadrement.

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Réponse du ministère : Éducation publiée le 13/10/1999

Réponse apportée en séance publique le 12/10/1999

Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, les sénateurs du groupe communiste républicain et citoyen expriment de
longue date et avec constance un soutien et une détermination affirmée envers notre service public de l'éducation
nationale pour que la qualité de celui-ci préside en tout lieu à la réussite optimale de chaque élève.
Dans le droit-fil de cette démarche, ma question, monsieur le ministre, porte sur la mise en oeuvre de mesures
nouvelles et des engagements obtenus par les lycéens l'an passé, au terme d'une mobilisation puissante et
remarquable.
Notre pays dispose d'un atout formidable : celui d'une jeunesse qui veut réussir, qui s'investit pour son avenir, pour son
insertion future, pour préparer toute sa place dans une société où coexistent à la fois des inquiétudes majeures face au
chômage et à la précarité et des potentiels d'innovation considérables.
C'est dire si l'exigence des jeunes, en termes de respect des engagements, de dialogue véritable, de conditions
d'études dignes de notre époque, est forte et légitime.
Ne les admonestez pas inutilement, monsieur le ministre, au risque de les déresponsabiliser. Ce qui est primordial,
c'est de remédier en toute urgence aux sureffectifs dans les classes, aux postes non pourvus, aux emplois du temps
inadaptés, aux graves carences qui frappent singulièrement l'enseignement professionnel, alors que celui-ci devrait être
une voie d'égale dignité et d'égale réussite pour les lycéens. Je sais que vous partagez ce souci. Mais cet objectif est
encore loin d'être atteint. Les problèmes étant posés depuis peu de temps, bien qu'on en ait beaucoup parlé, il reste
beaucoup à faire.
Monsieur le ministre, le sentiment dominant et récurrent, plusieurs semaines après la rentrée, est celui qui découle des
effets d'une gestion à flux trop tendus, sans moyens ni réserves suffisants pour faire face aux inévitables imprévus et
ajustements. J'attends que vous m'indiquiez quels sont vos intentions et vos actes pour régler définitivement ce
problème et quels enseignements vous en tirez pour votre budget pour 2000.
Il est temps, je pense, d'aller plus loin et plus haut. A la faveur de la baisse significative du nombre d'élèves qui
s'annonce et de marges budgétaires nouvelles dégagées par la reprise de la croissance, il m'apparaît réaliste et
possible d'atteindre, par une programmation progressive et précise, l'objectif de 30, voire 25 élèves maximum par
classe, suivant les niveaux, ainsi que d'assurer les recrutements et la formation nécessaires des personnels dans
toutes les fonctions éducatives.
Un tel engagement de la nation, avec sa traduction budgétaire, qui, en l'état, même si le budget est en augmentation,
ne me paraît pas suffisante, constituerait, j'en suis convaincue, un élément permettant d'optimiser la confiance sur
laquelle doivent pouvoir s'appuyer tous les acteurs de l'école, de débattre, de réfléchir sereinement aux évolutions
indispensables, d'innover, de transformer, de créer les dynamiques et les pratiques nouvelles liées aux mutations
incessantes qui marquent la société.
Cette proposition représente, de mon point de vue, un moyen essentiel pour la gauche plurielle de réussir les nouvelles
avancées nécessaires dans le domaine de l'éducation. C'est pourquoi je souhaite que vous nous fassiez part de vos
intentions à cet égard, monsieur le ministre.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Claude Allègre, ministre de l'éducation nationale, de la recherche et de la technologie. Madame la sénatrice, je
tiens d'abord à dire que toutes les mesures prévues pour les lycées en octobre 1998 ont été mises en oeuvre au cours
de l'année scolaire 1998-1999 et à la rentrée 1999, notamment pour améliorer la démocratie lycéenne et le
fonctionnement des instances représentatives lycéennes ainsi que le renforcement de la présence des adultes dans les
établissements scolaires.
Ainsi, il a été décidé : la mise à la disposition des représentants des lycées d'instruments de travail et de moyens de
communication : adresse e-mail, site Internet ; la création d'un conseil de la vie lycéenne dans les établissements à
titre expérimental ; le doublement des crédits du fonds de la vie lycéenne : à la rentrée 1999-2000, le montant de ce
fonds est passé de 25 millions de francs à 50 millions de francs ; le recrutement de trois mille maîtres d'internat,
surveillants d'externat, en mars 1999 ; la notification de dix mille emplois-jeunes, en janvier 1999 ; la mise à disposition
de mille appelés du contingent - 140 sont actuellement affectés dans les établissements - et, enfin, la création d'un
fonds exceptionnel d'aménagement des lycées d'un montant de 4 milliards de francs de prêts à taux zéro pour
l'aménagement de lieux de vie et d'espaces culturels dans les lycées.
En outre, avec le budget de cette année, ont été recrutés cinq mille enseignants alors que les effectifs d'élèves ont
baissé de près de cinquante mille.
S'agissant de la réduction des effectifs par classe, je tiens à vous dire avec fermeté, madame la sénatrice, que ce n'est
pas la panacée. Actuellement, en Seine-Saint-Denis, des établissements comptent moins de vingt élèves par classe.
Or, aux dires de certaines personnes, cela n'a pas résolu tous les problèmes. Il ne faut pas se focaliser uniquement sur
le quantitatif, comme on l'a trop fait, mais également prendre en compte le qualitatif.
Cela dit, il a été demandé aux recteurs de procéder aux réajustements nécessaires pour satisfaire cet objectif de
réduction des effectifs et faire en sorte que les classes de terminales ne comportent pas plus de trente-cinq élèves : 1
100 classes étaient concernées lorsque je suis arrivé au ministère, il n'y en a plus que quelques-unes aujourd'hui,
c'est-à-dire zéro sur le plan statistique.
S'agissant de l'aménagement des emplois du temps, vous savez bien que celui-ci relève de la responsabilité des
établissements, qui disposent d'une autonomie en matière d'organisation du temps scolaire. Il serait ridicule de
centraliser les emplois du temps.
S'agissant des recrutements, nous comptons actuellement, il faut le savoir, près de cinq mille enseignants en trop dans
l'enseignement secondaire. Mais ils sont mal répartis : dans certaines disciplines, il y des excédents, dans d'autres il y
a des déficits considérables. Cette situation résulte du fait que, depuis des années, il n'y avait pas de gestion
prévisionnelle des emplois. Nous l'avons mise en place.
Par ailleurs, un rééquilibrage entre académies a été entrepris depuis que nous sommes au Gouvernement. Vous le
savez, il y a eu un plan spécial pour la Seine-Saint-Denis et un plan spécial pour les DOM-TOM. Aujourd'hui, nous
procédons à des réajustements au sein et hors de ces départements, par exemple en Seine-et-Oise et dans d'autres
départements de la banlieue parisienne, où nous nous efforçons d'établir une véritable égalité des chances.
La démocratie lycéenne est maintenant une réalité. Des instances qui n'existaient pas ont été mises en place pour faire
valoir les droits de chacun et pour résoudre les problèmes. Je dis simplement mais fermement que le lycée est un lieu
d'études. Les moyens sont là, mais je ne peux pas fabriquer du jour au lendemain des professeurs d'espagnol parce
qu'il en manque, ou des professeurs d'enseignement professionnel dans certaines spécialités, qui manquent aussi
parce que la reprise économique fait qu'ils partent travailler dans le secteur privé.
Des problèmes d'ordre qualitatif se posent donc, et je ne crois pas que c'est en réclamant systématiquement et
uniquement des mesures quantitatives que l'on résoudra ces problèmes, je le dis fermement.
Je dis tout aussi fermement que le lycée est un lieu d'études et qu'il ne faut pas que ces études soient gâchées par des
revendications qui iraient au-delà de ce qu'est la réalité des choses.
Il faut que vous sachiez, madame la sénatrice, qu'aucun poste n'était vacant dans les établissements lors de la rentrée
de cette année. Aucun ! C'est probablement la première fois qu'il en est ainsi. Ce qui s'est passé, c'est qu'un certain
nombre d'enseignants n'ont pas pris leur poste, certains d'entre eux ayant averti à la dernière minute de leur absence.
Il a fallu que les recteurs, les responsables académiques et les chefs d'établissement pourvoient ces postes dans
l'urgence, et ils l'ont fait avec énormément de dévouement. Tous les services académiques et toute l'administration se
sont mobilisés dans cette affaire, et je dois dire qu'aujourd'hui il n'existe pratiquement plus de postes vacants, sauf cas
de manque qualitatif. En effet, quand il faut remplacer un professeur de chaudronnerie dans une petite ville de province,
cela n'est pas toujours possible immédiatement.
Mme Hélène Luc. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à Mme Luc.
Mme Hélène Luc. Monsieur le ministre, je veux que les choses soient claires.
Je sais bien que vous avez voulu mettre en oeuvre des mesures nouvelles ; mais il faut bien reconnaître que tous les
élèves ne se trouvaient pas devant un professeur lors de la rentrée scolaire. Nous ne pouvons manquer, avec l'esprit de
responsabilité qui nous anime - tout comme vous - de nous interroger sur les raisons de cette situation.
Certes, je comprends bien vos arguments selon lesquels la baisse des effectifs ne résout pas tous les problèmes ;
mais je crois quand même qu'elle constitue un élément important.
Pourquoi certains professeurs d'enseignement professionnel optent-ils pour le secteur privé plutôt que de continuer à
enseigner dans les lycées publics ? Cette question mérite examen.
Nous reviendrons sur ce point mercredi prochain lors de votre audition devant la commission des affaires culturelles,
monsieur le ministre. Si on laisse les choses aller ainsi, nous risquons d'être confrontés, l'année prochaine, à une
pénurie beaucoup plus importante de professeurs dans certaines matières.
Monsieur le ministre, je prends bonne note des réponses que vous venez de m'apporter. Pour autant, force est de
constater que subsiste encore un déficit important pour pourvoir les 14 000 emplois supplémentaires promis pour 1999
et que l'emploi contractuel et le recours aux heures supplémentaires restent encore en vigueur.
Le plan pluriannuel de diminution du nombre d'élèves en seconde et en première de lycée n'est pas initié. Il faudra faire
preuve de plus d'audace et de persévérance.
La plate-forme élaborée par les lycéens en vue de leur prochaine manifestation est composée d'un ensemble de
questions auxquelles il faut s'atteler, monsieur le ministre, et je souhaite pour ma part que le contenu du projet de
budget pour l'an 2000 en prenne compte pleinement.
L'impatience d'avenir des jeunes, loin d'être pénalisante, est une chance pour notre pays. Vous-même, dans une
interview récente, citant Georges Bernanos, l'appréhendez comme telle. Avec eux, avec l'ensemble des partenaires,
faisons alors de notre système éducatif ce qu'il a souvent été : une référence et un exemple réputé bien au-delà de nos
frontières.

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