Question de M. BONNET Christian (Morbihan - RI) publiée le 15/10/1999

M. Christian Bonnet appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur l'augmentation du nombre d'interventions en mer pour porter secours à des personnes imprudentes et négligentes, avec pour corollaire des coûts très élevés supportés par la collectivité. Il lui demande si, sans remettre en question l'esprit de la loi nº 67-545 du 7 juillet 1967 qui pose le principe de la gratuité des secours en mer, on ne pourrait en adapter la lettre pour tenir compte du développement très important de la navigation de plaisance d'une part, de l'évolution des comportements individuels, parfois révoltants d'égoïsme et d'inconscience, d'autre part. Ainsi, de même qu'aux termes de la loi montagne nº 85-30 du 9 janvier 1985, les communes peuvent organiser le remboursement des opérations de secours pour le ski alpin et le ski de fond, il apparaîtrait logique que les intervenants mis à contribution dans le cas de sauvetage en mer aient la faculté de faire de même, au moins dans les cas où il apparaît de toute évidence que l'intervention aurait pu être évitée par l'observation de la réglementation en vigueur. Il le remercie donc de vouloir bien lui donner son opinion sur cette suggestion.

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Réponse du ministère : Anciens combattants publiée le 03/11/1999

Réponse apportée en séance publique le 02/11/1999

M. Christian Bonnet. Le samedi 2 janvier 1999, sept étudiants, à la suite d'une imprudence extravagante, ont mobilisé,
pour les secourir sur un rocher voisin du Mont-Saint-Michel, quarante hommes, deux hélicoptères, un canot de la
Société nationale de sauvetage en mer, la SNSM, et l'un des participants a seulement indiqué : « Nous avions
l'impression de participer à une superproduction. »
Cet été, deux jeunes inconscients - et, en l'occurrence, singulièrement coupables, nous allons le voir - louent un bateau
sur la presqu'île de Quiberon, avec lequel ils font une sortie en mer. Ils ne sont pas rentrés le soir. On met alors
immédiatement en alerte deux vedettes de la SNSM, une vedette de la gendarmerie, un hélicoptère de la protection
civile et une vedette des affaires maritimes, qui patrouillent toute la nuit. Or les gendarmes de Belle-Ile découvrent le
lendemain ces jeunes, qui étaient tout simplement restés coucher à Belle-Ile sans prévenir qui que ce soit alors qu'ils
devaient rentrer la veille au soir.
Je connais et respecte bien évidemment les lois internationales concernant les secours en mer, qu'elles soient écrites
ou non écrites, et tout autant la loi française de 1967, qui pose le principe de la gratuité de tels secours. Mais je
connais aussi la loi « montagne » de 1985. Certes, celle-ci est limitée au ski alpin et au ski de fond, mais notre
collègue M. Amoudry vient de déposer une proposition de loi tendant à étendre ce texte pour permettre aux communes
de bénéficier au moins d'une contribution de la part de ceux qui, à la suite d'imprudences ou de négligences
caractérisées, ont amené des secouristes à venir à leur secours, parfois au péril de leur vie.
Dans des cas semblables à celui de l'été dernier que je viens de citer - il n'est pas le seul et a représenté une somme
supérieure à 300 000 francs - qui exigent la mise en oeuvre de moyens considérables pour aller rechercher en mer des
personnes dont c'est peu de dire qu'elles ont fait preuve d'inconscience, il me paraît indispensable de frapper ces
personnes au moins au portefeuille, comme on dit vulgairement. C'est la raison pour laquelle j'ai posé cette question.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat à la défense chargé des anciens combattants. Monsieur le sénateur, je
vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Chevènement, qui est retenu par le conseil de sécurité intérieure.
M. Christian Bonnet. Je vous en prie.
M. Jean-Pierre Masseret, secrétaire d'Etat. Il aurait aimé, j'en suis persuadé, répondre à cette question que vous
connaissez fort bien car elle se pose fréquemment dans votre région. Elle correspond à des situations que l'opinion
publique suit souvent avec beaucoup d'attention.
Je rappellerai l'état du droit et de la législation.
Comme vous venez de l'indiquer, il en va différemment pour les secours en mer - qui sont gratuits - et pour les secours
en montagne.
La décision de mise en oeuvre des moyens de secours relève des autorités locales : maire, préfet ou, éventuellement,
préfet maritime, et une telle responsabilité doit être appréciée in situ. La mise en oeuvre de ces moyens intervient
conformément aux instructions du Premier ministre - la dernière en date est une circulaire du 30 juillet 1998 relative à la
coordination dans la zone côtière des moyens de sécurité, de recherche et de sauvetage des personnes en détresse en
mer.
A l'échelon national, l'article 17 de la loi du 7 juillet 1967, que vous connaissez bien, établit la gratuité des secours aux
personnes en mer et dans les eaux intérieures. Ce principe a été confirmé dans une instruction du Premier ministre en
date du 29 mai 1990.
Comme vous l'avez vous-même indiqué, la gratuité des secours aux personnes en mer constitue un principe
mondialement reconnu, appliqué par l'ensemble des Etats, et qui n'a jamais fait l'objet d'une remise en question auprès
de l'Organisation maritime internationale.
Sur le fond, il n'en reste pas moins que la responsabilité des usagers dans la pratique des loisirs tant en mer qu'en
montagne peut donner lieu à un vrai débat.
Dans le cas de la montagne, il faut rappeler que c'est la loi du 9 janvier 1985, dite « loi montagne », qui a créé pour les
communes la possibilité - mais non l'obligation - d'organiser le remboursement des opérations de secours, et ce
uniquement dans le cadre de deux activités sportives identifiées : le ski alpin et le ski de fond.
Il convient de rappeler ici que tout le dispositif pénal existant permet aux victimes ou à leurs ayants droit, ainsi qu'aux
autorités publiques concernées, d'engager des actions de recherche en responsabilité pénale contre les personnes qui
auraient un comportement manifestement et volontairement imprudent « pouvant exposer autrui à un risque de mort et
de blessures », aux termes de l'article 223-1 du code pénal.
Tels sont, monsieur le sénateur, les quelques éléments de réponse qu'aurait souhaité vous apporter lui-même M.
Jean-Pierre Chevènement.
M. Christian Bonnet. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Bonnet.
M. Christian Bonnet. Je remercie M. Masseret de la réponse qu'il m'a faite, réponse à laquelle, pour dire le vrai, je
m'attendais.
Mais, le hasard faisant bien les choses, M. le ministre de l'équipement est présent au banc du Gouvernement. Aussi
me permettrai-je de lui poser une question.
Ne serait-il pas envisageable, monsieur le ministre, de faire bénéficier la Société nationale de sauvetage en mer des
amendes qui pourraient être infligées aux personnes qui font preuve d'une inconscience totale et qui mettent en péril la
vie de certains sauveteurs ?
Ce serait d'autant plus justifié que, monsieur le ministre, à ma stupeur, j'ai vu, moi qui suis ces affaires - mais sans
doute cela vous a-t-il échappé, dans la masse des affaires dont vous êtes responsable - que la subvention d'équipement
à la Société nationale de sauvetage en mer, qui s'élevait à 9,7 millions de francs dans les budgets de 1997, de 1998 et
de 1999, vient d'être réduite de 1 million de francs et fixée à 8,7 millions de francs. Je suis persuadé qu'il m'aura suffi
d'appeler votre attention sur ce point pour que correction intervienne !

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