Question de M. CHÉRIOUX Jean (Paris - RPR) publiée le 28/10/1999

M. Jean Chérioux se propose d'interroger M. le ministre des affaires étrangères sur la situation au Timor oriental. Il souhaite, en particulier, connaître l'aide qu'apporte la France à ce pays et les conséquences juridiques qu'elle a tirées de l'accession de ce nouvel Etat à l'indépendance.

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Réponse du ministère : Coopération publiée le 22/12/1999

Réponse apportée en séance publique le 21/12/1999

M. Jean Chérioux. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, depuis le 20 août dernier, le
Timor-Oriental n'est plus la vingt-septième province de l'Indonésie. Les habitants de l'ancienne colonie portugaise ont, à
une immense majorité, choisi l'indépendance et l'Assemblée consultative du peuple d'Indonésie a ratifié ce choix.
Chacun, dans notre assemblée, s'en réjouit.
La situation des Timorais demeure cependant critique et incertaine. Que sont devenus les habitants qui « manquent à
l'appel » ? Quel est le bilan exact des massacres perpétrés depuis le début de cette année par les milices ? Je lisais
encore ce matin qu'un charnier a été découvert dans l'enclave du Timor-Oriental qui se trouve à l'intérieur de la province
occidentale. Les milices ont-elles réellement tué 7 000 personnes, comme les informations les plus pessimistes le
donnent à penser ? Quelles mesures seront prises pour châtier les auteurs des exactions perpétrées contre des civils ?
Créera-t-on un tribunal international, comme le recommande le prix Nobel de la paix, Mgr Bello ?
Le 22 novembre dernier, un accord était signé pour faciliter le rapatriement des 200 000 réfugiés qui étaient établis dans
des camps situés dans la partie ouest de l'île. Aujourd'hui, 140 000 d'entre eux ne sont toujours pas revenus chez eux.
Combien de personnes ont réellement été déplacées dans les montagnes et dans la partie occidentale, qui reste sous
contrôle indonésien ?
Face à cette situation préoccupante, que fait la France, monsieur le ministre, pour soutenir l'action de l'ONU, dont le
Conseil de sécurité a décidé, par une résolution n° 1246 du 11 juin 1999, l'envoi d'une mission chargée d'organiser les
élections ?
Quelles conditions notre pays mettra-t-il pour reconnaître officiellement le nouvel Etat en gestation ? Quelle aide lui
apportons-nous pour favoriser sa reconstruction puisque, comme vous le savez, la capitale, Dili, a été brûlée aux neuf
dixièmes par les milices pro-indonésiennes ?
Je rappelle que le Japon a prévu de fournir une aide de 100 millions de dollars sur trois ans au Timor-Oriental. Au
lendemain de la conférence des pays donateurs, réunie la semaine passée à Kyoto, quelle nouvelle initiative notre pays
envisage-t-il de prendre en faveur de ces populations qui, après avoir subi l'oppression pendant plus de vingt ans,
connaissent aujourd'hui une telle précarité ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Charles Josselin, ministre délégué à la coopération et à la francophonie. Monsieur le sénateur, l'avenir du
Timor-Oriental et le rôle que la France peut jouer dans sa reconstruction et dans l'avènement de son indépendance
préoccupent, bien sûr, le Gouvernement.
Vous le savez, l'autorité au Timor-Oriental a été transférée, en octobre dernier, aux Nations unies. Une administration
transitoire, l'ATNUTO, a été autorisée par la résolution 1272 du Conseil de sécurité du 25 octobre 1999.
J'ai eu l'occasion de me rendre moi-même au Timor-Oriental le 12 octobre dernier. Pour y avoir passé la moitié de la
journée, j'ai pu constater que Dili était détruite à 90 %. L'après-midi, à Kumpang, j'ai eu l'occasion de rencontrer bon
nombre de réfugiés réunis dans des camps, qui, vous l'avez dit à l'instant, sont loin d'être vides.
Alors qu'il occupait d'importantes responsabilités auprès de M. Kofi Annan il y a encore quelques semaines,
l'administrateur provisoire que les Nations unies ont désigné effectue un peu le travail que M. Kouchner conduit, de son
côté, au Kosovo, à la nuance près - elle est d'importance - que la perspective de l'indépendance est clairement affichée
pour le Timor-Oriental, ce qui n'est pas officiellement le cas, bien entendu, pour le Kosovo.
J'ajoute qu'il vaut mieux avoir à coopérer avec les autorités indonésiennes - surtout depuis que la nouvelle équipe a été
désignée - qu'avec Belgrade. Chacun comprendra la différence de situation !
Dès le début du conflit, la France a mis en place une équipe militaire, chargée, notamment, d'installer un hôpital de
campagne - j'ai eu l'occasion de le visiter et de vérifier l'excellent travail qu'on y accomplit.
Nous avons également envoyé un groupe de transport opérationnel, à savoir trois avions C 130, mis à la disposition de
l'INTERFET.
Nous avons, en outre, apporté une contribution exceptionnelle à la fois au Haut-Commissariat des Nations unies pour
les réfugiés, à la Croix-Rouge et à l'UNICEF.
Récemment, à Tokyo - à l'occasion de la visite du Premier ministre -, j'ai pu participer à la réunion des bailleurs de
fonds pour Timor. La participation japonaise a, en effet, été confirmée, mais la participation européenne l'a été aussi. Je
rappelle que l'Union européenne a déjà accordé 38,5 millions d'euros. Or, qui dit aide européenne, dit, bien entendu,
participation de la France.
En ce qui concerne les réfugiés, j'avais eu l'occasion, lors de mon passage à Jakarta, de rencontrer à la fois le
président Habibie et le général Wiranto, qui était un interlocuteur directement intéressé et intéressant, puisque l'armée
indonésienne avait en charge d'assurer la sécurité des réfugiés et, surtout, leur retour.
D'après les informations que m'a communiquées avant-hier, à Macao, à l'occasion du transfert de l'autorité de ce
territoire du Portugal à la Chine, M. Xanana Gusmao, qui est certainement appelé à occuper de très hautes
responsabilités à Timor, l'armée indonésienne ferait preuve de bonne volonté. Malheureusement, elle n'arrive pas
toujours à empêcher les milices de sévir et de retarder le retour des réfugiés. Actuellement, 120 000 à 140 000 réfugiés
seraient encore au Timor-Occidental, dans l'attente d'un retour, le HCR organisant l'accueil dans des conditions,
m'a-t-on dit, satisfaisantes.
En ce qui concerne les victimes, le général australien que j'avais rencontré m'avait dit que les charniers qu'il découvrait
étaient moins importants que ce qui était annoncé. Mais, prudemment, il précisait, évidemment, qu'il n'avait pas encore
inventorié la totalité des charniers possibles. Il faut donc attendre.
A cet égard, un travail de justice et de mémoire doit évidemment être mené à bien. Une commission d'enquête
internationale sur les violations des droits de l'homme s'est rendue à Timor du 25 novembre au 8 décembre. Elle devrait
rendre son rapport au Secrétaire général des Nations unies d'ici au 31 décembre. Ce rapport devrait être l'occasion de
faire une première évaluation du nombre des victimes, mais surtout de faire des suggestions sur la manière de mener à
bien ce travail de justice.
Nous souhaitons, bien sûr, que les autorités indonésiennes coopèrent pleinement avec cette commission. C'est, en
tout cas, le message que nous leur avons d'ores et déjà fait passer.
M. Jean Chérioux. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Chérioux.
M. Jean Chérioux. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. En vous rendant vous-même sur les lieux,
vous avez montré l'intérêt que notre pays portait au Timor-Oriental.
Le fait que 140 000 réfugiés ne soient toujours pas rentrés chez eux et que l'armée indonésienne ait des difficultés à
contenir les milices est tout de même assez préoccupant.
Concernant l'effort de reconstruction, j'ai noté que l'Europe avait déjà accordé 38 millions d'euros et que la France y
prenait donc sa part. C'est tout de même faible par rapport à ce que fait le Japon, surtout qu'il s'agit de l'Europe dans
son ensemble !
J'attends de la France qu'elle joue un rôle moteur dans l'action de solidarité que l'Europe est amenée à jouer auprès du
Timor-Oriental.
Enfin, ce qui me laisse insatisfait c'est l'avenir du Timor-Oriental en tant qu'Etat indépendant. Vous avez bien voulu faire
une comparaison avec le Kosovo, monsieur le ministre, en soulignant d'ailleurs les différences. Il n'en demeure pas
moins qu'il est étonnant qu'une province qui a plébiscité son indépendance et qui devrait être reconnue par tous en soit
encore au stade d'une administration provisoire sous l'autorité de l'ONU.
J'espère que le Gouvernement français fera le nécessaire et qu'il s'honorera même à être l'un des premiers à reconnaître
l'Etat indépendant du Timor-Oriental.

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