Question de M. NOGRIX Philippe (Ille-et-Vilaine - UC) publiée le 26/11/1999

Question posée en séance publique le 25/11/1999

M. le président. La parole est à M. Nogrix.
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, un préfet de la République
assassiné, son successeur et son directeur de cabinet mis en examen et incarcérés plusieurs jours pour le
rocambolesque incendie d'une paillote illégale ; le colonel commandant de légion de gendarmerie et quelques-uns de
ses officiers lourdement compromis. Jamais, dans l'histoire récente de la République, on n'a porté de telles atteintes à
l'autorité et à l'image de l'Etat. (Exclamations sur les travées socialistes.)
M. Henri Weber. Vous avez la mémoire courte !
M. Philippe Nogrix. Et que dire des deux attentats qui viennent de se produire ?
Le Sénat a exercé son rôle de contrôle en créant une commission d'enquête chargée de faire la lumière sur la conduite
de la politique de sécurité menée par l'Etat en Corse.
M. Alain Gournac. Eh oui !
M. Philippe Nogrix. Monsieur le ministre, les résultats sont accablants ; les dysfonctionnements mis au jour au sein
des services chargés de la sécurité en Corse sont très graves et sans précédent.
M. Jacques Mahéas. Ce n'est pas d'aujourd'hui !
M. Philippe Nogrix. Vos réactions critiques et votre agacement nous choquent. Je tiens à signaler que mes collègues
sénateurs, conformément à la déontologie requise en ces graves circonstances, ont reçu sous serment les
témoignages et les auditions, donnant ainsi toute leur force aux écrits publiés.
Monsieur le ministre, nous vous demandons quelles conclusions vous avez tirées et quelles mesures vous comptez
prendre à la suite du constat établi par ce rapport, constat qui ne peut rester lettre morte, au risque de porter atteinte à
l'honneur du Sénat et d'affaiblir gravement la République. (Très bien ! et vifs applaudissements sur les travées de
l'Union centriste, du RPR et des Républicains et Indépendants, ainsi que sur certaines travées du RDSE)
M. le président. Monsieur le ministre, j'ai, comme vous, pris connaissance des lâches attentats qui ont été perpétrés
aujourd'hui même en Corse. M'associant aux propos de notre collègue et à ceux que vous ne manquerez pas de tenir
dans un instant, je veux assurer de toute ma compassion les victimes et leurs familles.
Tous les sénateurs seront d'accord avec moi pour former de tout coeur le voeu que cet attentat, qui a visé des locaux
administratifs, ne marque pas le début d'un nouveau cycle infernal de la violence dans ce département qui nous est
cher.
A un moment où nous tentons, les uns et les autres, de proposer des solutions...
M. Raymond Courrière. Ah oui ?

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 26/11/1999

Réponse apportée en séance publique le 25/11/1999

M. le président. ... pour rétablir l'ordre et, bien sûr, la paix dans cette île que nous aimons, je demande avec force à
chacun de bien vouloir faire un effort de compréhension, d'aller à la rencontre de l'autre. Si cette volonté est partagée,
nous trouverons le chemin du succès pour ramener la paix et la fraternité dans l'île. (Applaudissements sur les travées
du RPR, de l'Union centriste et des Républicains et Indépendants ainsi que sur certaines travées du RDSE.)
La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Mesdames, messieurs les sénateurs, je m'associe pleinement
aux propos de M. le président du Sénat.
La situation difficile dont nous avons hérité en Corse et qui ne date, hélas ! pas d'hier ne pourra être surmontée que si
tous les républicains, quelle que soit leur famille d'opinion, de droite ou de gauche, unissent leurs efforts et condamnent
fermement la violence et l'action clandestine auxquelles, vous le savez bien, un certain nombre de petits groupes,
d'ailleurs concurrents, antagonistes, refusent de mettre un terme.
La politique du Gouvernement est claire, comme elle l'a toujours été.
Depuis que je me suis rendu en Corse, au mois de juillet 1997, le souci du Gouvernement est, comme je l'ai alors
affirmé, l'application ferme et sereine de la loi, et rien d'autre.
Monsieur le sénateur, vous avez évoqué l'assassinat du préfet Erignac ainsi que d'autres circonstances douloureuses.
Mais vous n'avez pas mis en valeur - je le regrette - les succès remportés, en particulier l'élucidation des conditions de
cet assassinat seize mois après. Par comparaison, il a fallu attendre six ans pour les crimes d'Action directe. J'ajoute
que six des sept membres du commando ont été interpellés et arrêtés. La fuite d'un seul, qui n'avait pas besoin d'être
prévenu par la police, croyez-moi, ne peut entacher le succès global de cette enquête. J'ajoute que plusieurs attentats
ont été élucidés cette année.
Si nous regardons les choses de plus haut, nous constatons, à partir des chiffres que je vous ai communiqués, que la
criminalité en Corse a baissé de trente points de 1993 à 1998 et que le taux d'élucidation des affaires y est supérieur de
plus de dix points par rapport à ce qu'il est dans l'ensemble du pays. Tout cela est dû, bien évidemment, à une forte
densité policière, mais il me semble qu'il faut porter des jugements équilibrés sur ce genre d'affaire.
La tâche des policiers, des gendarmes et des magistrats est rude. Naturellement, toute institution comporte ses
tensions internes. Laquelle résisterait à un exercice de scanner généralisé ? Peut-être pas même le Sénat ! (Sourires.)
C'est d'autant plus vrai pour la police, au sein de laquelle tout est confidentialité, secret, cloisonnement, pour des
raisons tenant à la nature de l'activité exercée.
Il appartiendra au Sénat de déterminer les conditions dans lesquelles sont élaborés et publiés les rapports de ses
commissions d'enquête. Bien évidemment, je considère que c'est en effet le rôle du Sénat. J'ai lu avec attention le
rapport de celui-ci, dont certaines conclusions seront d'ailleurs mises en oeuvre. Ainsi, tout ce qui touche à la mobilité
des personnels, des policiers et des gendarmes, à la sécurisation des bâtiments publics, aux moyens techniques à
mettre en action et aux opérations conjointes de contrôle de véhicules mérite réflexion.
D'une manière générale, monsieur le sénateur, je voudrais lancer un appel à la raison et au sens de l'intérêt public.
Nous ne gagnerons que si tous les moyens de l'Etat sont réunis, que si l'Etat n'est pas divisé contre lui-même. Il n'est
donc pas utile de jeter de l'huile sur le feu. C'est naturellement une affaire difficile, mais des résultats importants ont été
obtenus. Sachez que la résolution du Gouvernement ne faiblira pas ! (Très bien ! et applaudissements sur les travées
socialistes, ainsi que sur celles du groupe communiste républicain et citoyen.)

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