Question de M. HAMEL Emmanuel (Rhône - RPR) publiée le 25/11/1999

M. Emmanuel Hamel attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'article paru à la page 16 du quotidien Le Figaro du 9 novembre 1999 dans lequel son auteur, avocat honoraire au barreau de Paris, ancien membre de la commission de révision du code pénal (1974-1981) estime qu'" il paraît opportun de modifier sur un plan général le droit pénal, relativement aux fautes involontaires ". Il souhaiterait connaître son avis sur cette recommandation et savoir si le Gouvernement compte en favoriser la mise en oeuvre.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 28/06/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire qu'il est apparu nécessaire de revoir le droit des infractions involontaires afin d'éviter une pénalisation excessive de la vie publique sans pour autant aboutir à la déresponsabilisation des acteurs sociaux. La loi n° 2000-647 du 10 juillet 2000 tendant à préciser la définition des délits non intentionnels a ainsi profondément modifié le régime de ces infractions. Elle est en effet revenue partiellement sur le principe d'identité des fautes civiles et pénales et sur celui de l'équivalence des conditions qui fondaient auparavant le droit de la responsabilité pénale en matière d'infractions non intentionnelles. L'article 121-3 du code pénal, modifié par la loi, limite désormais la responsabilité pénale des personnes physiques en matière d'infractions non intentionnelles lorsque leur comportement n'est pas la cause directe du dommage. Dans ce cas, leur responsabilité pénale ne peut être engagéee qu'en cas de violation manifestement délibérée d'une obligation particulière de sécurité ou de prudence prévue par la loi ou le règlement, ou de faute caractérisée exposant autrui à un danger d'une particulière gravité que la personne ne pouvait ignorer. Les fautes les plus graves demeurent ainsi punissables mais le nouveau dispositif permet d'éviter qu'en cas d'accident, des personnes soient condamnées alors même qu'elles n'avaient pas eu connaissance de l'existence d'une situation potentiellement dangereuse. Bien que cette réforme présente un caractère général et s'applique à l'ensemble des justiciables, elle aura un effet particulièrement sensible pour les décideurs, notamment publics, dont la responsabilité est le plus souvent indirecte. Si les nouvelles dispositions tendent à éviter certaines poursuites et condamnations ayant pu paraître inéquitables, elles ne doivent cependant pas aboutir à un défaut de répression dans le cas où celle-ci est justifiée. Aussi, la circulaire d'application du 11 octobre 2000 est venue préciser en ce sens les orientations de politique pénale qui devront présider à la mise en oeuvre de ces dispositions. Les parquets doivent notamment veiller à rechercher l'intégralité des responsabilités, mêmes indirectes, à l'origine d'un dommage, au besoin par l'ouverture d'une information judiciaire, afin de permettre d'établir à l'issue de l'enquête ou de l'instruction, les responsabilités pénales qui peuvent être retenues. Il leur est en outre demandé, dans les affaires où cela est possible, de privilégier les poursuites contre les personnes morales. En effet, la loi du 10 juillet 2000 n'applique pas à celles-ci les distinctions liées au caractère direct ou indirect du lien de causalité qui ne concerne que les personnes physiques : elle a ainsi entendu favoriser la condamnation des personnes morales dans des affaires où aucune responsabilité pénale ne pourrait être établie à l'encontre d'une personne physique. Ce choix de poursuite s'avère particulièrement pertinent dans le contentieux des accidents du travail et en matière d'atteinte à l'environnement. Les fortes amendes ou le placement sous surveillance judiciaire de l'entreprise qui peuvent être requis sont en effet de nature à conduire les entreprises concernées à prendre les mesures nécessaires à la prévention de tels faits. Ces orientations de politique pénale doivent ainsi permettre de respecter l'équilibre voulu par le législateur dans la loi du 10 juillet 2000 entre, d'une part, une dépénalisation limitée concernant les personnes physiques et, d'autre part, la nécessité de permettre à la société en général et aux victimes en particulier de connaître, par la voie de l'enquête pénale, l'enchaînement des responsabilités ayant abouti au dommage afin, le cas échéant, de permettre le prononcé de sanctions pénales.

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