Question de M. PEYRAT Jacques (Alpes-Maritimes - RPR) publiée le 16/12/1999

M. Jacques Peyrat appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les conséquences de la loi nº 75-617 du 11 juillet 1975 sur le divorce et la prestation compensatoire. Dès l'entrée en vigueur de cette loi, les interprétations se sont multipliées tant au sujet du montant et de la forme de cette prestation qu'au sujet de son application équitable à l'ensemble des citoyens, l'absence de grille de référence nationale rendant le juge aux affaires familiales irrémédiablement tout-puissant. De plus, étant indexée sur l'évolution du coût de la vie, cette prestation augmente sans cesse même si les revenus du débirentier baissent lors de sa retraite, en cas de perte d'emploi. Aussi, lorsque le débirentier est dans l'incapacité d'honorer ses engagements, il sollicite une révision de cette prestation, le plus souvent en vain. Dans les faits, ni le chômage ni la maladie, ni les accidents et handicaps majeurs ne sont considérés comme étant d'une " exceptionnelle gravité " au sens de l'article 273. Ainsi, depuis l'application de cette loi, les divorcés paient pour la plupart une rente à vie. Enfin, cette prestation est transmissible, ce qui veut dire que lors du décès du débirentier, sa nouvelle épouse ou ses enfants doivent continuer à verser la prestation à l'ex-conjoint de leur parent défunt. C'est une situation unique dans le droit français. Il est donc indispensable de procéder à une réforme de cette loi sans attendre une éventuelle réforme d'ensemble du droit de la famille. Aussi, il lui demande à quelle date le Gouvernement envisage de déposer un projet de loi au Parlement, qui pourrait reprendre d'ailleurs la plupart des dispositions de nombreuses propositions de lois déposées par plusieurs sénateurs, afin de mettre rapidement un terme aux injustices bien connues qui sont générées par la loi de 1975.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 09/03/2000

Réponse. - Le garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'un certain assouplissement des conditions de mise en uvre de la prestation compensatoire et notamment de sa révision, actuellement posées par la loi, paraît en effet s'imposer eu égard au contexte socio-économique, sans qu'il y ait lieu, cependant, de revenir à un régime comparable à celui des pensions alimentaires préexistant à la réforme de 1975, dont les inconvénients ont été unanimement dénoncés. Lors de la discussion au Sénat, le 25 février 1998, des propositions de loi de messieurs About et Pages relatives à la prestation compensatoire, le Gouvernement a déposé différents amendements tendant, d'une part, à élargir les possibilités de révision de la prestation et, d'autre part, à pallier les difficultés entraînées par la transmissibilité de la charge de la rente aux héritiers du débiteur. Ces amendements n'ont toutefois pas été adoptés par la Haute Assemblée. Les réflexions se sont poursuivies à ce sujet, au sein du groupe de travail présidé par Mme le professeur Dekeuwer-Defossez et chargé de présenter des propositions de réforme du droit de la famille au garde des sceaux. Le rapport du groupe a été remis le 14 septembre 1999. Il propose tout d'abord de privilégier le versement en capital de la prestation compensatoire et préconise à cet égard de créer un lien entre celle-ci et la liquidation du régime matrimonial. Dans le cas où le débiteur serait dans l'impossibilité de constituer un capital assurant les besoins vitaux de son ex-conjoint et où la prestation compensatoire ne pourrait être envisagée que sous la forme d'une rente, le rapport propose un certain nombre de mesures de nature à pallier les difficultés que cette modalité d'attribution peut entraîner. Il préconise notamment une possibilité de révision à la baisse du montant de la rente en cas de modification notable dans la situation respective des parties. En ce qui concerne la transmissibilité de la rente aux héritiers du débiteur, le rapport souligne qu'il semble difficile d'en modifier le principe alors que le créancier est le plus souvent une femme qui s'est consacrée, pendant de longues années, à l'éducation des enfants et qui, au moment de la séparation, peut ne pas être en mesure de trouver une activité professionnelle et d'assurer son autonomie financière. Il propose en revanche de limiter le montant de la contribution aux forces de la succession sans qu'il puisse être prélevé sur le patrimoine personnel des héritiers. Le groupe propose par ailleurs que l'éventuelle pension de réversion versée du chef de conjoint décédé soit soustraite de plein droit du montant de la rente. La question de l'incidence du mariage ou du concubinage du bénéficiaire de la rente a été également étudiée par le groupe de travail. Les grandes orientations de la réforme du droit de la famille seront arrêtées à la fin du premier semestre de l'an 2000. L'acuité des problèmes soulevés par le régime de la prestation compensatoire conduit à dissocier cette réforme de celle concernant l'ensemble du droit de la famille, dont le Parlement sera saisi, au début de l'année 2001, et à procéder à un examen spécifique et anticipé de la question. Le Gouvernement entend donc reprendre l'examen de la proposition de loi adoptée au Sénat le 25 février 1998 à la lumière de ces orientations. Le texte viendra en discussion à l'Assemblée nationale le 23 février prochain.

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