Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 02/02/2000

M. Gérard Delfau attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur sur le refus de plusieurs communes de son département déjà membres d'une communauté de communes d'intégrer une communauté d'agglomération. Il lui demande quelles conséquences cette décision peut entraîner dans le cadre de la loi sur l'intercommunalité.

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Réponse du ministère : Intérieur publiée le 23/02/2000

Réponse apportée en séance publique le 22/02/2000

M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, je voudrais attirer votre attention sur la situation préoccupante des communes
incluses contre leur gré dans le périmètre préfectoral d'une communauté d'agglomération.
Parmi elles, je distinguerai les communes jusque-là isolées que la démarche du préfet conduit à insérer dans la future
communauté d'agglomération. Dans ce cas, la proposition du représentant de l'Etat me semble conforme à la volonté
du Parlement qui, depuis 1982, notamment en 1992 et en 1999, n'a cessé d'inciter les collectivités locales à la
coopération intercommunale.
Plus litigieux, en revanche, me semble être le cas des communes appartenant à un établissement public de
coopération intercommunale ancien, doté de compétences étendues et que le découpage préfectoral, dans sa première
version, tente d'inclure dans le périmètre de la communauté d'agglomération contre la volonté clairement exprimée des
conseils municipaux, voire de la population consultée, par le biais d'un référendum d'initiative locale.
N'y a-t-il pas là une entorse grave à l'esprit des lois Defferre selon lesquelles la coopération intercommunale ne peut
être contrainte ? Le volontariat est la règle en ce domaine.
Plus précisément, l'article 41 de la loi du 12 juillet 1999 prévoit qu'un établissement à fiscalité propre en voie
d'extension, en l'occurrence la future communauté d'agglomération, ne peut inclure « sans leur accord, les communes
membres d'une communauté de communes dont l'égibilité à la DGF bonifiée a été constatée dans les conditions fixées
par le code des communes ».
Que penser, dès lors, du cas dans lequel le représentant de l'Etat ne tiendrait pas compte de cette volonté expresse du
conseil syndical d'une communauté de communes antérieure à la loi du 12 juillet 1999 et refuserait son agrément à leur
demande de se doter de la TPU à partir d'un dossier pourtant complet et valide ?
Monsieur le ministre, je me permets de vous poser deux questions. A quoi sert dans ce cas l'article 41 précité de la loi
du 12 juillet 1999 ? Si, par hypothèse, l'autorité préfectorale passait outre, ne pourrait-on y voir une violation de l'esprit
de la loi du 12 juillet 1999, tout particulièrement de son article 41 ?
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Jean-Pierre Chevènement, ministre de l'intérieur. Monsieur le sénateur, je suis sensible aux problèmes qui sont
posés pour la constitution d'une communauté d'agglomération montpelliéraine.
La loi du 12 juillet 1999 a connu à ce jour un très grand succès. J'en veux pour preuve le fait que 51 communautés
d'agglomération se sont constituées, que deux communautés urbaines ont choisi le régime de la taxe professionnelle
unique et qu'au 1er janvier de cette année 136 communautés de communes à taxe professionnelle unique s'étaient
également constituées.
On peut donc dire que le succès de cette loi a ratifié la conception à laquelle le Sénat a pris toute sa part. Je rappelle
que c'est en effet après une commission mixte paritaire que cette loi a été adoptée.
Le problème est naturellement qu'il faut définir des périmètres pertinents. Pour cela, la loi a prévu une double initiative :
celle des élus et celle des préfets. En l'occurrence, un élu, le maire de Montpellier, a fait une proposition. Le préfet doit
maintenant consulter la commission départementale de la coopération intercommunale. Je rappelle enfin que, en
dernier ressort, ce sont les élus qui ont le dernier mot, selon des règles de majorité qualifiée qui remontent à plus de
trente ans : ce n'est pas moi qui les ai inventées !
La loi prévoit des mécanismes qui interdisent d'intégrer contre leur gré des communes déjà impliquées dans des
organismes de coopération intercommunale qui ont d'ores et déjà choisi la taxe professionnelle unique. Néanmoins, le
simple bon sens conduit à ne pas oeuvrer contre les élus du suffrage universel lorsque ceux-ci ont des arguments
légitimes à produire.
En définitive, nous sommes là au niveau de la définition de l'intérêt général, dont le préfet se doit d'être le garant. Il doit
conduire l'analyse, en concertation avec les élus locaux, en veillant au respect de la volonté du législateur et à la mise
en place de structures intercommunales pertinentes au regard des nécessités économiques et sociales ainsi que des
perspectives de l'agglomération montpelliéraine.
Comme vous le savez, il s'agit de préparer celle-ci à recevoir une population croissante. Je crois en effet savoir que
Montpellier est la ville qui, en France, se développe le plus vite. Cette population sera amenée à résider à l'extérieur de
Montpellier, qui continuera à offrir les services d'une grande ville centre.
Si l'on veut éviter la constitution d'une grande conurbation à l'américaine, dévoreuse d'espace et propice à la constitution
de ghettos voisinant avec des espaces largement privatisés et protégés, il faut que les élus aient la volonté de bâtir en
commun un projet d'intérêt général, à la hauteur des enjeux.
Je crois savoir que le préfet a arrêté un périmètre, qui est actuellement soumis à l'avis des élus et de la commission
départementale de coopération intercommunale. Les communes qui sont réticentes pourront faire valoir leur point de
vue au sein de cette commission, avant que les majorités qualifiées prévues par la loi puissent se dégager.
Je fais appel au bon sens de l'ensemble des élus pour dépasser les intérêts particuliers et pour s'entendre sur un projet
d'intérêt commun, ce qui ne doit pas être impossible. Il faut évidemment respecter toutes sortes de considérations, dont
certaines sont plus valables que d'autres.
Il appartient aux élus de trouver le bon chemin et au préfet d'y veiller en tant que gardien de l'intérêt général. Le
problème est rendu difficile par des paramètres qui échappent à la géographie territoriale, qui tiennent à une histoire
complexe qu'il vous appartient de faire progresser néanmoins en trouvant en vous-mêmes les ressources d'aller au
devant de cet intérêt général qui doit s'imposer, à Montpellier comme ailleurs.
M. Gérard Delfau. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Delfau.
M. Gérard Delfau. Monsieur le ministre, j'ai beaucoup admiré l'équilibre de votre réponse. Dans le même temps, j'ai
constaté, ce qui ne m'a pas surpris, votre parfaite connaissance des conséquences au plan local d'un texte de loi
général.
Au fond, vous dites qu'il faut à la fois respecter le voeu des élus et aboutir à la meilleure formule possible pour l'intérêt
général. A partir de là, vous lancez une sorte d'appel pour que le bon sens prévale. C'est parfois difficile - vous l'avez
vous même sous-entendu - quand les contextes locaux ne s'y prêtent pas.
Sur un point très précis, vous dites - et je sais que c'est l'un des arguments majeurs non seulement pour le sud de la
France, mais en général - qu'il faut éviter la mise en place de conurbations à l'américaine. Je remarque que c'est très
exactement ce qu'est en train de mettre délibérément en place le maire de Montpellier avec un projet comme
l'Odysseum. Par essaimage, morceau après morceau, la ville s'étend sans lui conserver l'unité et la cohérence
nécessaires. C'est évidemment une opinion personnelle, mais elle est largement partagée.
Mais revenons au sujet général qui a justifié le dépôt de ma question. Au fond, si litige il devait y avoir, il reposerait sur
le calendrier fixé unilatéralement par le préfet entre la réception d'une demande de transformation d'une communauté de
communes soucieuse de se doter d'une taxe professionnelle unique en communauté d'agglomération et la fixation par
ce même préfet du patrimoine de la future communauté d'agglomération.
Dans un certain nombre de cas, monsieur le ministre, permettez-moi de le dire en utilisant une formule familière, le
sentiment prévaut que le représentant de l'Etat « joue la montre » et tend ainsi à contraindre des communes à intégrer
le nouvel établissement public de coopération intercommunale, en l'occurrence une communauté d'agglomération.
Sur le fond, indépendamment des considérations locales, je me demande si cela est conforme à l'esprit de la loi du 12
juillet 1999, notamment à son article 41 et si vous y avez d'ailleurs largement fait allusion, c'est la meilleure façon
d'assurer la qualité de fonctionnement de la structure intercommunale en voie de création.

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