Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - RI) publiée le 27/07/2000

M. Serge Mathieu appelle l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur une récente décision d'un tribunal administratif (Besançon, 24 février 2000) s'opposant à une décision du conseil général du Jura qui avait refusé l'agrément préalable à l'adoption à une personne vivant en couple avec un partenaire de même sexe. Cette décision remet en cause le principe de la révolution de 1789, établissant que la souveraineté appartient au peuple qui l'exerce par l'intermédiaire de ses représentants. Par ailleurs, il lui rappelle que, lors des débats parlementaires sur le PACS (pacte civil de solidarité), elle avait clairement rejeté l'hypothèse d'une adoption de ce type, déclarant qu'" un enfant, en effet, a besoin d'un père et d'une mère pour construire son identité et structurer sa personnalité ". Afin de ne pas confondre le " droit de l'enfant " avec le " droit à l'enfant " et considérant que la famille est la cellule de base de la société, il lui demande de lui préciser la nature, les perspectives et les échéances de son action ministérielle tendant à mettre fin à de pareilles dérives, notamment par l'adoption d'une loi par le Parlement interdisant l'adoption d'un enfant par deux personnes de même sexe.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 21/12/2000

Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire que l'adoption n'est autorisée en droit français que dans deux situations précisément définies dans le code civil : soit l'adoption est demandée par deux époux voulant adopter ensemble un enfant ; l'enfant aura alors un lien de filiation adoptive à l'égard des deux requérants ; soit l'adoption est demandée par une seule personne, qu'elle soit célibataire, veuve ou mariée (le consentement de son conjoint sera alors requis) ; le code civil ne pose aucune autre condition sur ses choix de vie ; dans ce cas, l'enfant n'aura de filiation adoptive qu'avec cette personne. Ainsi, des concubins, qu'ils soient hétéro ou homosexuels, ne peuvent adopter ensemble un enfant. Le jugement du tribunal administratif de Besançon auquel l'auteur de la question fait référence ne concerne pas les conditions énoncées ci-dessus mais l'agrément administratif, phase préalable de la procédure judiciaire d'adoption. Cet agrément est destiné à s'assurer, dans l'intérêt de l'enfant, de la capacité éducative et d'accueil des candidats à l'adoption. Dans le jugement évoqué, le tribunal a estimé que cette appréciation concernant une candidate vivant avec une personne de même sexe était erronée en droit et en fait. Toutefois, dans deux espèces comparables (CE 9 octobre 1996, département de Paris C/M. Frette et CE 12 février 1997, Mme Parodi et M. Bettan), le Conseil d'Etat a adopté une position contraire et confirmé la légalité du refus d'agrément. En tout état de cause, l'agrément ne préjuge pas de la décision qui sera prise ultérieurement par le tribunal de grande instance et qui a pour seul critère l'intérêt de l'enfant qu'il appartient au juge d'apprécier souverainement. Il n'est donc pas possible d'en déduire des conséquences générales sur les conditions posées pour adopter un enfant. En outre, le pacte civil de solidarité n'a aucune incidence sur la filiation et l'état des personnes et n'a donc eu, en aucun cas, pour effet de modifier le droit régissant l'adoption. Il n'a pour objet que de fournir un cadre légal permettant à un couple d'organiser sa vie commune. La garde des sceaux a constamment réaffirmé lors des débats sur le pacte civil de solidarité que le Gouvernement ne proposera pas une modification de la législation pour permettre à deux personnes de même sexe d'adopter ensemble un enfant. Celui-ci a besoin, pour la construction de son identité psychique, sociale et relationnelle, d'avoir face à lui au cours de son enfance et de son adolescence, un père et une mère.

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