Question de M. DEMUYNCK Christian (Seine-Saint-Denis - RPR) publiée le 03/10/2000

M. Christian Demuynck attire l'attention de Mme le secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat et à la consommation sur la drastique entrée en application de l'arrêté du 9 mai 1999. A compter du 16 mai 2000, ce dernier impose, en vertu d'une directive européenne, de nouvelles règles d'hygiène concernant les " aliments remis directement aux consommateurs ". Ces mesures touchent les marchés de plein air, les producteurs à la ferme et les fermes-auberges. Un tel dispositif juridique risque de mettre en cause l'existence de ces exploitations. Il y a ici une disproportion entre des normes tout autant applicables aux grands groupes industriels et aux petits exploitants incapables d'investir dans le matériel requis. Dans leur immense majorité, les petits producteurs ou artisans vendent des produits d'une excellente fraîcheur, car la marchandise n'est que peu de temps conservée. L'arrêté en cause ne va pas dans le sens d'une protection des marchés, au sein desquels certains exploitants contestent le bien-fondé d'une conservation à basse température, notamment s'agissant des fromages. Il met au contraire en péril la pérennité de ces lieux de rencontre. Il entend savoir si une telle sévérité du texte français, accentuée par rapport à la norme européenne, sera maintenue.

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Réponse du ministère : Commerce extérieur publiée le 31/01/2001

Réponse apportée en séance publique le 30/01/2001

M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, le droit communautaire est à l'origine
de l'instauration d'une réglementation française particulièrement coercitive et surtout néfaste à
l'économie locale. Depuis près de neuf mois, les marchés de plein vent, comme les petits
producteurs et fermiers, doivent respecter des règles d'hygiène par trop contraignantes et
donc, par bien des aspects, irréalistes.
Habitués à un circuit de distribution court, les marchés traditionnels ne peuvent voir dans cet
arsenal juridique qu'un système bien souvent inadapté à leur fonctionnement. Ces animations
sont pourtant vitales pour les petites communes rurales et incontournables dans les plus
grandes villes. Il est en tout état de cause déplorable de voir des petits artisans déposer leur
bilan et stopper leur exploitation, faute de pouvoir acquérir un matériel trop coûteux.
Quant au contenu de l'arrêté lui-même, il semble receler des aberrations comme la
conservation du fromage à basse température. Sous couvert de sécurité alimentaire n'en
vient-on pas à nier la spécificité de produits qui font la réputation gastronomique de notre
pays ? Ne confond-on pas ici principe de précaution et aseptisation alimentaire ?
Au-delà des différents cas particuliers, c'est la logique du commerce de proximité qui est
remise en cause, comme l'illustre la fermeture depuis le mois de mai de petits marchés faute
de moyens financiers pour leur mise aux normes.
Face à cette atteinte au principe de la liberté d'entreprendre, ne serait-il pas souhaitable de
trouver des aménagements afin d'atténuer la sévérité du texte français, ou tout au moins de
demander à vos services de faire montre de plus de souplesse dans l'application d'une
réglementation excessive ?
Cette indulgence dictée par le bon sens serait des plus fondées et en tout état de cause
légitime au regard du laxisme dont peuvent à l'occasion faire preuve les instances
européennes, qui trouvent parfois à ces problèmes des issues étonnament permissives.
Ainsi, pour le chocolat, on tolère bien l'emploi de matières grasses végétales en
remplacement du beurre de cacao. Or, monsieur le secrétaire d'Etat, pourquoi y aurait-il deux
poids, deux mesures ?
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. François Huwart, secrétaire d'Etat au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, l'arrêté
du 9 mai 1995 sur l'hygiène des aliments remis directement aux consommateurs,
transposant la directive 93/43 sur l'hygiène des aliments, remplace des dispositions
équivalentes existant depuis des années dans les règlements sanitaires départementaux.
Les risques étant du même ordre entre les différents circuits de distribution, le texte soumet
ceux-ci à des dispositions similaires. Chaque maillons des filières alimentaires, quelles que
soient ses spécificités par ailleurs, doit mettre en oeuvre les moyens nécessaires pour
maîtriser l'hygiène des produits. Il en est ainsi des marchés. Certes, le respect de ces
dispositions peut nécessiter une mise à niveau des équipements des commerçants,
notamment pour la conservation des denrées à des températures réfrigérées si leurs
caractéristiques le nécessitent. C'est d'ailleurs pourquoi le texte avait prévu une période
dérogatoire transitoire de cinq ans qui s'est achevée le 16 mai 2000.
Ces dispositions soulignent surtout les objectifs que les professionnels doivent atteindre ; le
choix des moyens à utiliser est généralement laissé aux professionnels eux-mêmes, aidés
par des guides de bonnes pratiques d'hygiène élaborés par leurs organisations. Elles ont
cependant soulevé des inquiétudes quant à la nécessité de soumettre les marchés à ces
contraintes. En réponse à ces inquiétudes, la présidente du Parlement européen a fait
connaître sa volonté de profiter de la révision du droit communautaire des aliments pour que
cette réglementation soit aménagée pour les marchés.
La récente proposition de réglementation de la Commission des Communautés européennes
et les travaux au Conseil réalisés sous présidence française ont conduit à envisager une
possibilité de disposition spécifique qui pourrait induire une évolution du texte français. Mais
les dispositions applicables aux marchés précisent toujours que des installations appropriées
doivent être prévues pour assurer un niveau d'hygiène personnelle adéquat et pour maintenir
les denrées alimentaires dans des conditions de température adéquates.
Les Etats membres devant maintenir les dispositions assurant le respect des objectifs
d'hygiène alimentaire, les obligations générales que je viens d'énoncer devraient donc rester
en vigueur, y compris sur les marchés, pour les denrées les plus sensibles au développement
bactérien.
En tout état de cause, il est laissé un très large choix au professionnel, qui peut donc
s'adapter à l'environnement des marchés qu'il fréquente. Le maintien au froid des denrées qui
le nécessitent pour éviter le développement des micro-organismes dangereux pour la santé
des consommateurs peut ainsi se faire dans une voiture boutique produisant son propre froid,
dans un meuble alimenté par l'électricité, dans des dispositifs refroidis grâce à des matériels
eutectiques d'accumulation du froid, etc.
La multiplicité des solutions envisageables doit donc permettre à tous les professionnels
d'atteindre les objectifs de sécurité sans remettre en cause l'existence des marchés,
notamment de plein vent, qui constituent effectivement un des élements importants de la vie
et de l'animation des communes françaises.
Tels sont, monsieur le sénateur, les éléments de réponse que M. Patriat, retenu par ailleurs,
m'a chargé de vous transmettre.
M. Christian Demuynck. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Demuynck.
M. Christian Demuynck. Monsieur le secrétaire d'Etat, vous me répondez que les instances
européennes « envisagent » d'aménager les dispositions existantes. Je tiens à vous dire,
monsieur le secrétaire d'Etat, qu'il ne sufit pas d'« envisager », il faut prendre, et rapidement,
des dispositions !
Ainsi, dans le département de la Seine-Saint-Denis dont je suis originaire, deux des 90
marchés ont déjà été obligés de fermer et 62 ne sont pas aux normes. Que se passera-t-il
dans les semaines qui viennent ? Vous dites que vous laissez le choix aux professionnels.
Certes ! Mais une vitrine réfrigérée représente 150 000 francs, un camion comme celui que
vous avez évoqué 500 000 francs. Il est évident que la plupart des commerçants ne peuvent
dépenser de telles sommes sans mettre en péril l'équilibre budgétaire de leur entreprise !
Il est donc urgent, monsieur le secrétaire d'Etat, que le Parlement européen et la
Commission européenne se penchent sur ce problème, faute de quoi un grand nombre de
commerces disparaîtront dans les semaines qui viennent.

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