Question de M. LASSOURD Patrick (Ille-et-Vilaine - RPR) publiée le 23/11/2000

M. Patrick Lassourd attire l'attention de M. le ministre délégué aux affaires européennes sur les modalités de versement des concours européens du Fonds européen de développement économique régional (FEDER). L'attribution des subventions est en effet subordonnée à la présentation de pièces justificatives de factures acquittées. Or, cette exigence, bien que portée sur toutes les conventions établies depuis le lancement du programme Leader II, n'a jamais été mise en application, alors même que de nombreux paiements ont pourtant été réalisés sans aucune difficulté, et ce sur la base de bilans financiers certifiés par le porteur du projet, et accompagnés d'une copie des factures afférentes. Il s'interroge donc sur le récent rejet de deux dossiers du programme Leader II du pays des Portes de Bretagne, pour non-présentation de factures acquittées. Cette pratique nouvelle et inquiétante renforce les lourdeurs administratives, et invalide gravement des projets importants pour le développement économique de nos régions. Une bureaucratie excessive ne peut en effet que retarder, voire annuler les programmes, alors même que la France se distingue par une mauvaise consommation des crédits européens, à cause de la complexité imposée par la délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale (DATAR). Eu égard à la quantité de pièces administratives à fournir, il paraît impossible d'exiger la présentation de factures acquittées pour chaque dossier... Soucieux toutefois de la nécessité de contrôler la destination des deniers publics, il lui demande s'il peut être envisageable d'établir le contrôle sur la bonne foi des porteurs de projets, avec production de tableaux récapitulatifs dûment certifiés portant les mentions " date, numéro et montant des factures, dénomination du fournisseur, etc... ", accompagnés de copie des factures afférentes.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 20/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 19/12/2000

M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, je souhaite attirer l'attention du
Gouvernement sur les difficultés auxquelles nous sommes confrontés pour gérer les fonds
européens, en raison, notamment, de procédures excessivement bureaucratiques, en
particulier s'agissant des concours du Fonds européen de développement régional, le
FEDER, et, plus spécifiquement, des programmes LEADER.
Pour illustrer mon propos, je prendrai l'exemple d'un GAL de trois cantons, comptant 35 000
habitants en Ile-et-Vilaine. Sur un programme LEADER II comportant soixante dossiers, pour
un montant total de dépenses de 16 087 133 francs - quand je dis de dépenses, il s'agit de
programmes, d'actions - j'extrairai un seul dossier, qui concerne la réalisation d'une maison
de pays dans un chef-lieu de canton destinée à être un lieu d'animation, une permanence, ce
qui est très important, surtout en milieu rural. Cette réalisation a donné lieu à la production de
567 factures acquittées, que la préfecture d'Ille-et-Vilaine me réclame ; mais elle n'est pas la
seule à le faire. En effet, il faut que je fournisse neuf exemplaires de ce dossier : pour l'Etat,
la région, le département, les archives, quelquefois pour le GAL... soit au total 5 103 factures
acquittées certifiées conformes.
Monsieur le secrétaire d'Etat, c'est Kafka !
Je m'en suis ouvert au préfet de l'Ille-et-Vilaine, avec qui j'entretiens les meilleures relations. Il
m'a bien évidemment indiqué qu'il ne faisait qu'appliquer la réglementation. Je souhaite attirer
l'attention du Gouvernement sur la bureaucratie excessive que requiert ce système. Une ou
deux personnes sont affectées à la gestion de cette paperasserie, au lieu de rechercher, de
définir ou porter des projets ?
Par ailleurs, la France se caractérise par une sous-consommation des crédits européens.
Celle-ci est en très grande partie liée à la complexité des procédures, imposées par la
délégation à l'aménagement du territoire et à l'action régionale, la DATAR, et propres à la
gestion de ces dossiers.
Ne serait-il pas plus simple de travailler sur des factures acquittées certifiées par le porteur de
projet ? Rien n'empêche par la suite les services de la préfecture d'effectuer des contrôles sur
pièces et sur place.
Ne serait-il pas également possible, de définir, dans chaque département, un pilote unique,
afin qu'une seule collectivité puisse instruire avec le GAL les dossiers et collecter tous les
documents qui lui sont nécessaires ?
Je souhaiterais que ces procédures soient supprimées. Nous entrons dans une nouvelle
vague de fonds européens, notamment au titre du programme LEADER, avec le programme
LEADER Plus. Le programme LEADER est très important, très intéressant pour des secteurs
défavorisés, des secteurs ruraux. C'est là que nous mettons en place des services aux
personnes. L'initiative locale se trouve transformée et fortement aidée. C'est très important. Il
faut mettre fin à cette complexité administrative, car elle est tout à fait déplorable !
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Monsieur le sénateur, la
description que vous faites de ce monde kafkaïen m'inspire quelques remarques.
Tout d'abord, le choix de la Commission européenne a été, pour un ensemble de 300 millions
d'habitants, de n'avoir qu'une petite administration, comptant 16 000 personnes, soit l'effectif
administratif d'un département français moyen.
La contrepartie de la délégation des responsabilités aux territoires nationaux, régions, Länder
ou autres, c'est une réglementation stricte pour s'assurer du bon usage des fonds européens
et éviter tout dérapage. La France n'était pas concernée, mais l'expertise des concours du
FEDER en Italie, il y a maintenant longtemps, a révélé des usages de ces fonds tout à fait
surprenants. On comprend donc le souci de la Commission européenne.
S'agissant de la France, la sous-consommation des crédits européens est un fait avéré.
Chacun peut le constater en lisant les statistiques portant sur les cinq ou six dernières
années, à l'heure des bilans des périodes de contractualisations pluriannuelles. Cela résulte
sans doute autant de la complexité des procédures et de l'instruction des dossiers que,
peut-être, du caractère un peu concentré de nos dispositifs comparativement à ceux de
quelques pays voisins qui savent sans doute faire descendre la décision plus près des
acteurs et du terrain.
Mais c'est un sujet que, j'imagine, vous aurez à coeur, avec d'autres, d'aborder à l'occasion
du débat qui va s'ouvrir sur la deuxième phase de la décentralisation puisque c'est, je crois,
un des éléments qui sont pointés dans le rapport que M. Pierre Mauroy a remis au Premier
ministre voilà maintenant quelques semaines. Ce sera l'occasion de tenter de rapprocher au
plus près du terrain les décisions en matière de fonds européens.
Vous décrivez aussi le processus dans lequel il y a à la fois la règle - et je crois qu'il est sain
qu'il y en ait une et qu'elle soit claire - et le souci, notamment pour la période qui s'ouvre de
2000 à 2006, de redéfinir des éléments de procédure très clairs, qui puissent permettre aux
acteurs de mieux s'y retrouver.
D'ailleurs, s'agissant précisément de l'Ille-et-Vilaine, un travail a été fait avec les services
administratifs pour étudier comment, tout en respectant la réglementation, on pouvait alléger
la procédure de réalisation. C'est une affaire autant de règlements que de psychologie de
ceux qui ont à les appliquer : rigueur dans la gestion des fonds publics et peut-être un peu
plus de souplesse dans l'application des textes afin de rendre plus facile et plus fluide la
capacité à mener à bien des projets en lien avec les acteurs locaux.
Les consignes qui ont été données devraient, je crois, de ce point de vue, répondre à votre
souci et, je l'espère, permettre à d'autres, demain, de ne pas connaître autant d'affres et de
difficultés pour satisfaire aux obligations administratives.
M. Patrick Lassourd. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Lassourd.
M. Patrick Lassourd. Monsieur le secrétaire d'Etat, loin de moi, évidemment, l'idée qu'il
puisse n'y avoir aucun contrôle sur l'utilisation des fonds européens. Il faut qu'il y ait un
contrôle, cela me paraît évident, de façon à ne pas connaître des dérapages, des dérives, qui
seraient tout à fait condamnables.
Je pense que le problème porte davantage sur les modalités du contrôle que sur le principe
du contrôle lui-même, que je ne remets pas en cause. Je dois vous dire, à cet égard, que
j'entretiens les meilleures relations avec la préfecture d'Ille-et-Vilaine, à laquelle je me suis
ouvert de ces difficultés. Elle n'en peut mais, obligée qu'elle est d'appliquer la réglementation
en vigueur.
Vous avez évoqué la décentralisation. Certes, monsieur le secrétaire d'Etat. Encore faut-il que
la haute administration ne mette pas des bâtons dans les roues pour empêcher une
décentralisation voulue par les politiques. Or c'est une tendance que j'ai souvent observée.
Néanmoins, je veux être optimiste. J'ai noté votre souhait que des procédures nouvelles
soient désormais appliquées pour l'attribution des fonds européens, notamment dans le
prochain programme 2002-2006. J'espère qu'elles correspondront aux souhaits que j'ai
moi-même exprimés et gommeront les difficultés que j'ai évoquées.

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