Question de Mme BEAUDEAU Marie-Claude (Val-d'Oise - CRC) publiée le 16/11/2000

Mme Marie-Claude Beaudeau attire l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur un certain nombre de faits détournant bien des pays du monde d'une évolution vers un désarmement général et contrôlé. En avril 2000, la Russie a adopté une nouvelle doctrine militaire s'appuyant sur un éventuel recours à l'arme nucléaire, " au cas où tous les autres moyens pour régler la situation seraient épuisés ou se seraient révélés inefficaces ". Le Sénat américain refuse toujours de signer le traité d'interdiction des essais nucléaires. La France a décidé, en juillet dernier, de construire un nouveau et 4e sous-marin qui devrait être mis en service en 2008 et devrait compter 16 missiles M 51, 96 têtes nucléaires. Le coût des quatre sous-marins français (hors armement) s'élève à 87 milliards de francs. Elle lui fait remarquer que ces faits nous éloignent d'une politique de désarmement contrôlé. Les diplomates et experts s'interrogent de plus en plus ouvertement sur l'efficacité de la conférence de l'ONU à Genève, qui depuis deux ans n'a pas encore avancé sur aucun point concernant le désarmement. Elle lui demande de lui faire connaître les initiatives que pourrait prendre notre pays pour relancer une volonté de désarmement et décider des mesures concrètes. Elle lui demande s'il n'estime pas souhaitable et possible de relancer les négociations sur le traité d'élimination et d'arrêt de fabrication de matières fissiles actuellement au point mort. Elle lui demande, enfin de lui faire connaître, après l'échec de l'an 2000, les mesures qu'il envisage pour que l'an 2000 fasse du désarmement une réalité et non une chimère.

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Réponse du ministère : Affaires étrangères publiée le 28/12/2000

Réponse. - La France est profondément attachée au désarmement qu'elle poursuit, en tant que puissance et Etat doté de l'arme nucléaire, de façon responsable et déterminée. Au cours de l'année 2000, le ministère des affaires étrangères a réaffirmé avec netteté la volonté de la France de poursuivre son action en faveur du désarmement, tant dans le domaine des armes conventionnelles que dans celui des armes de destruction massive et de leurs vecteurs, dans la continuité de ses engagements. Etat partie au traité de non-prolifération nucléaire (TNP), la France adhère pleinement à l'objectif ultime d'élimination complète des armes nucléaires et de conclusion d'un traité sur le désarmement général et complet sous un contrôle international strict et efficace. La France n'a d'ailleurs jamais participé à la course aux armements nucléaires, fondant sa politique de dissuasion sur un principe de " suffisance ". Depuis la fin de la guerre froide, elle a consacré d'importants efforts pour adapter le format de son arsenal au nouveau contexte stratégique, et a réduit de près de 60 % la part du budget de la défense nationale consacrée au nucléaire. Le bilan de la France en matière de désarmement nucléaire est aujourd'hui particulièrement positif : retrait des missiles Pluton et Hadès, réduction de l'arsenal nucléaire à deux composantes avec l'élimination des missiles sol-sol du plateau d'Albion, réduction de la posture d'alerte, démantèlement du centre d'expérimentations nucléaires et de celui des installations de production de matières fissiles à des fins militaires - la France est la seule puissance nucléaire à avoir accompli un tel geste, signature et ratification du traité d'interdiction complète des essais nucléaires... Cette année encore, la France n'a pas ménagé ses efforts pour poursuivre le désarmement nucléaire d'une manière qui renforce la stabilité internationale et qui garantisse le principe de sécurité non diminuée pour tous. Elle a uvré pour faire de la conférence d'examen du TNP en avril-mai 2000 un succès. La conférence s'est conclue par l'adoption, par consensus, d'un document final qui réitère l'importance que les Etats parties accordent à l'universalité du TNP, au strict respect des engagements pris en vertu du traité et au renforcement des accords de garanties de l'Agence internationale pour l'énergie atomique. La conférence a notamment convenu d'une liste de mesures concrètes qui précisent les " principes et objectifs concernant la non-prolifération et le désarmement nucléaire " énoncés lors de la conférence d'examen et de prorogation du TNP de 1995. L'ouverture de la négociation sur un traité de la production de matières fissiles destinées à la production d'armes nucléaires constitue l'une des mesures concrètes dont la France souhaite la mise en uvre immédiate. Elle demeure en effet une priorité pour la France, qui a, pour sa part, interrompu, dès 1992, toute production de plutonium destinée à des besoins de défense et a pris une mesure similairequatre ans plus tard pour ce qui concerne l'uranium très enrichi. La France a clairement réaffirmé son attachement à l'ouverture de cette négociation en coparrainant une résolution s'y rapportant, cet automne, à l'assemblée générale des Nations unies. En outre, dès la prochaine session de la conférence du désarmement, en janvier 2001, la France demandera que la création d'un groupe spécial soit réinscrite à l'ordre du jour à cet effet. Le démarrage des négociations reste toutefois suspendu à l'obtention, entre tous les Etats membres de la conférence du désarmement, d'un accord plus large sur un programme de travail, incluant notamment la prévention de la course aux armements dans l'espace extra-atmosphérique. Aussi la réflexion se poursuit-elle sur les modalités d'une réforme du mode de fonctionnement de la conférence du désarmement qui permettrait d'en relancer les activités. Les progrès en la matière dépendent, toutefois, du bon vouloir de tous les Etats membres. Dépositaire du protocole de Genève de 1925 et Etat partie aux conventions d'interdiction des armes chimiques et biologiques, la France a, de façon constante, cherché à promouvoir la mise en uvre universelle et effective de ces instruments. Assurant la présidence de l'Union européenne au second semestre 2000, la France a poursuivi avec détermination la négociation d'un protocole sur la vérification, additionnel à la convention de 1972 sur l'interdiction des armes biologiques. Elle attache une grande importance à son aboutissement en 2001, selon le calendrier établi. Déterminée à lutter contre la prolifération balistique, qui représente une menace pour la sécurité et la paix dans le monde, la France a joué un rôle clé dans l'adoption, à Helsinki en octobre dernier, d'un projet de code de conduite dont l'application devrait permettre une plus grande efficacité et universalité du régime de contrôle des technologies de missiles. En tant que point de contact du régime et à travers ses propres initiatives, la France poursuivra son action en 2001 en vue d'obtenir l'adhésion la plus large possible à ce code de conduite. La recherche d'un désarmement général et complet, conformément à l'article VI du TNP, suppose que des dispositions nouvelles en matière de désarmement et de maîtrise des armements conventionnels soient envisagées par la communauté internationale. A cet égard, la France travaille, en concertation avec ses partenaires européens, à l'élaboration de propositions susceptibles de guider les travaux de la conférence qui se tiendra en 2001, sous les auspices des Nations unies, sur le trafic illicite des armes légères et de petit calibre sous tous ses aspects. Elle accorde une attention particulière au respect des obligations fixées par la convention d'Ottawa sur l'interdiction des mines antipersonnel et prépare en concertation avec le Canada une initiative de sensibilisation auprès des pays africains. Tout comme ses partenaires européens, elle fait de l'universalisation de la norme d'interdiction établie à Ottawa un des critères fondamentaux de son action contre les mines.

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