Question de Mme BORVO COHEN-SEAT Nicole (Paris - CRC) publiée le 23/11/2000

Mme Nicole Borvo attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés que connaît l'aide juridictionnelle (AJ). Issue de la loi nº 91-647 du 10 juillet 1991, l'AJ actuelle a pour objet de permettre aux personnes les plus démunies d'avoir accès au droit et à la justice grâce à une aide de l'Etat, versée aux avocats sous forme d'indemnisation forfaitaire. Force est de constater que le plafond de ressources pour obtenir l'AJ pleine est inférieur de 11 % au SMIC net (4 965 francs). Ce chiffre est à mettre en parallèle avec celui de 1972 où même ceux qui gagnaient 35 % de plus que le SMIC net y avaient accès. La revalorisation de 4,2 % du plafond dans le budget 2001 est positif mais complètement insuffisant au regard des besoins. De plus, il paraît difficile de concilier l'établissement d'une justice égale pour tous, objectif auquel l'AJ veut contribuer, et de ne pas simplifier une procédure extrêmement complexe qui impose à des populations de milieu très modeste de remplir un dossier de quinze pages. Il est également à noter que l'Etat français y consacre beaucoup moins d'argent que certains de ses voisins européens (en 1997 : 19,91 francs par habitant en France, 271,95 en Grande-Bretagne). L'indemnité, calculée sur la base d'une unité de valeur, qui vaut selon les barreaux entre 136 et 154 francs, n'a pas connu de réévaluation conséquente depuis sa création et se révèle aujourd'hui plus que dérisoire, entraînant par là même des difficultés économiques majeures pour nombre d'avocats. C'est pourquoi de très nombreux barreaux ont entamé une grève du zèle. Ils souhaitent que s'ouvrent des négociations avec les ministères concernés afin de remettre à plat le système de l'aide juridictionnelle existant en vue d'une rémunération équitable. On ne peut que regretter que l'actuel budget de la justice ne prévoie en ce qui concerne l'AJ aucune revalorisation à la hauteur des besoins, pas plus qu'il ne prévoit le financement des mesures, contenues dans la loi nº 2000-516 du 15 juin 2000, qui étendent le champ d'intervention des avocats. D'aucuns veulent remplacer l'AJ actuelle par un système contrôlé et financé par les assurances. Cette logique libérale de " privatisation " de l'AJ, qui en d'autres lieux a montré ses effets dévastateurs, est incompatible avec les objectifs que s'est fixé le Gouvernement et la majorité de gauche plurielle qui le soutient qui supposent un véritable service public de la justice et plus largement de l'accès au droit. Elle prend acte de l'engagement du ministre de repenser le système de l'aide juridictionnelle pour l'horizon 2003. Mais dans l'immédiat elle lui demande que des moyens urgents soient débloqués pour remédier à cette situation critique et qui ne peut se résumer à un rééquilibrage de la dotation générale des barreaux. Elle lui demande également de lui faire connaître l'état de la réflexion du Gouvernement pour améliorer, simplifier et élargir l'accès à l'AJ.

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Réponse du ministère : Justice publiée le 05/04/2001

Réponse. - La garde des sceaux, ministre de la justice a l'honneur de faire connaître à l'honorable parlementaire que, consciente de la nécessité de satisfaire le besoin d'accès au droit et d'accès à la justice, elle a procédé le 13 décembre 2000 à l'installation d'une commission présidée par M. Paul Bouchet, conseiller d'Etat honoraire, président d'ATD Quart-Monde, regroupant des personnalités de divers horizons en la chargeant de la mission de remettre à plat l'ensemble du dispositif de l'aide juridique. Les travaux de cette instance, qui sont conduits dans un esprit de large concertation et qui s'achèveront d'ici le 30 avril prochain, devront déboucher sur des propositions concrètes de telle sorte qu'un projet de loi puisse être finalisé à l'été 2001. Ces travaux intègreront la question de l'assistance du détenu faisant l'objet d'une procédure disciplinaire. Dans l'intervalle, sont appliquées les mesures prévues dans le protocole d'accord qu'elle a conclu le 18 décembre 2000 avec les organisations professionnelles représentant les avocats et traduites dans le décret nº 2001-52 en date du 17 janvier 2001 publié au Journal officiel du 19 janvier. Ce décret procède aux revalorisations rendues nécessaires par l'évolution et la complexification de sept contentieux principaux (divorces et autres instances devant le juge aux affaires familiales, assistance éducative, procédures devant le juge de l'exécution, contentieux prud'homaux, baux d'habitation, procédures correctionnelles, procédures prévues par l'ordonnance du 2 novembre 1945 relative aux conditions d'entrée et de séjour des étrangers en France). De même, il relève le montant de la contribution de l'Etat à la rétribution de l'avocat intervenant au cours de la garde à vue pour tenir compte de l'entrée en vigueur, depuis le 1er janvier 2001, des dispositions de la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes. Enfin, il créé en matière d'application des peines, une indemnisation de l'avocat assistant le condamné dans les conditions fixées par l'alinéa 6 de l'article 722 du code de procédure pénale, pour la période du 1er janvier au 16 juin 2001. La circulaire d'application de ce décret a été diffusée aux juridictions et aux barreaux le 26 janvier 2001. Les projets de décret portant application des dispositions de la loi du 18 décembre 1998 relative à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits ayant un impact en matière d'aide juridictionnelle, sont rédigés ; ils sont soumis depuis novembre 2000 à la consultation des professionnels du droit concernés. Ils pourront être publiés dès que les organisations professionnelles saisies pour avis auront fait connaître leurs observations.

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Erratum : JO du 17/05/2001 p.1708

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