Question de M. MAHÉAS Jacques (Seine-Saint-Denis - SOC) publiée le 15/12/2000

Question posée en séance publique le 14/12/2000

M. Jacques Mahéas. Frédérick, 18 ans, Mickaël, 16 ans, Christopher, 12 ans, Romain, 17
ans, Djili, 19 ans, Romuald, 14 ans, Salim, 17 ans, Sofiane, 15 ans, Sami, 17 ans, voici une
liste de victimes d'intolérables meurtres entre adolescents !
Le ministre délégué à la ville répondra à ma question, mais celle-ci ne relève pas seulement de
son ministère, tant il est vrai que notre pays tout entier - le nord et le sud, les villes et les
villages - est confronté à ces drames. Nous sommes tous concernés.
Je ferai deux réflexions et une proposition.
Première réflexion : il est indéniable que les collectivités locales ont fait, pour la plupart, des
efforts considérables pour éradiquer cette violence.
Il est indéniable que l'éducation nationale a été dotée de moyens supplémentaires, même si l'on
doit encore mieux utiliser les aides-éducateurs.
Il est indéniable qu'il y a grâce aux contrats locaux de sécurité, est plus efficace et motivée,
même s'il faut adapter la présence policière aux plages horaires les plus sensibles dans nos
cités.
Il est indéniable qu'il y a un nouvel essor de la politique de la ville, même si les subventions aux
associations de terrain tardent parfois à leur parvenir.
Mais, et c'est ma seconde réflexion, ces efforts d'éducation, de prévention, de répression sont
contrecarrés par ce que j'appelle une « contre-éducation » qui influence fortement le
comportement des jeunes : la télévision, d'abord, où les films violents, qui multiplient les
scènes de bagarres, de meurtres, d'explosions...
M. Philippe François. Cela est vrai !
M. Josselin de Rohan. Très bien !
M. Jacques Mahéas. ... sont signalés par un pictogramme.
M. Josselin de Rohan. Absolument !
M. Jacques Mahéas. C'est nous qui l'avons institué !
M. le président. Mes chers collègues, le sujet est grave, je vous prie d'écouter l'orateur dans le
plus grand silence !
Veuillez poursuivre, monsieur Mahéas.
M. Jacques Mahéas. Ainsi, avec ces pictogrammes, aucun de ces « navets » ne peut
échapper aux jeunes abandonnés à leur sort !
Faute de temps, je citerai les cassettes vidéos du type Tueurs nés, par exemple, les jeux
vidéos où il faut éliminer l'adversaire, les rubriques de certains journaux avec leurs faits divers
les plus sordides, la rue, ses phénomènes de bandes et son commerce parallèle, le sport « fric
» - quel modèle ! - le milieu carcéral, etc.
Ce constat, loin de nous conduire à une dérive sécuritaire, nous invite à raison garder afin de
poursuivre les actions entamées et d'accélérer la consolidation du lien social.
Pour terminer, voici ma proposition ; ne pouvez-vous pas, monsieur le ministre, dans cette
droite ligne, développer une réflexion interministérielle, seule à même d'embrasser totalement
ces phénomènes « contre-éducatifs » grandement préjudiciables ? Je suis persuadé que tous
les sénateurs sont prêts à cette réflexion, qui doit être collective. (Applaudissements sur
l'ensemble des travées.)

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Réponse du ministère : Ville publiée le 15/12/2000

Réponse apportée en séance publique le 14/12/2000

M. Claude Bartolone, ministre délégué à la ville. Monsieur le sénateur, en tant qu'ancien élu
de Seine-Saint-Denis, je connais votre mobilisation pour éviter que de tels drames ne se
reproduisent et je sais l'émotion que vous partagez avec l'ensemble des familles et des tiers qui
sont frappés par le décès d'un enfant ou d'un ami.
Vous avez raison, nous devons tous nous mobiliser auprès de notre jeunesse pour éviter que de
telles situations ne continuent à rythmer notre actualité quotidienne.
Le Gouvernement entend s'en tenir à une politique de prévention, de répression lorsqu'elle est
nécessaire, et de réinsertion.
En matière de prévention, tout doit être tenté pour aider les parents à assurer pleinement leur
rôle primordial d'éducateur auprès de leurs enfants. A cette fin, nous venons de créer, selon les
souhaits du Premier ministre, 10 000 postes d'adultes-relais dont la mission prioritaire sera de
rétablir des liens entre les enfants et leur famille.
S'agissant de la répression, nous avons procédé à un redéploiement des postes de policiers et
de gendarmes, afin qu'ils soient présents sur le terrain, là où nous avons le plus besoin d'eux.
La justice aussi a été sensibilisée pour que chaque acte de délinquance reçoive la réponse
appropriée de la part du monde des adultes.
Par ailleurs, nous avons essayé de faire en sorte que les associations, les élus locaux et le
monde de l'éducation nationale travaillent, au-delà du devoir d'instruction à un véritable devoir
d'éducation, afin de prévenir de tels drames.
Monsieur le sénateur, la fascination pour de nouvelles réalités, qui rend flou le rapport entre le
réel et la fiction, est quelque chose qui existe, notamment chez les jeunes. Face à ce risque,
aucun plan de lutte contre la violence ne remplacera une réflexion sur l'ensemble de la société
que nous proposons aux jeunes. Le Gouvernement sera très attentif à la proposition que vous
avez formulée pour que l'ensemble de la représentation nationale puisse se mobiliser sur une
telle cause. (Applaudissements sur les travées socialistes, sur celles du groupe communiste
républicain et citoyen, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

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