Question de M. HOEFFEL Daniel (Bas-Rhin - UC) publiée le 25/01/2001

M. Daniel Hoeffel appelle l'attention de M. le ministre des affaires étrangères sur les rumeurs persistantes concernant la fermeture de plus de la moitié des instituts et centres culturels français en Allemagne. D'après le ministère des affaires étrangères, la suppression devrait être compensée par la création de plusieurs postes " d'attachés culturels " qui auraient une double mission à remplir. Primo mettre en oeuvre des projets bilatéraux, et, parfois, multilatéraux et secundo permettre la relation directe des professionnels de la culture de nos deux pays, notamment dans le domaine artistique, ce qui aurait pour conséquence de créer un intermédiaire là où il y a pour l'instant une relation directe. Il se pose la question de l'opportunité économique de la fermeture des instituts, puisque seul le directeur était inscrit sur les lignes budgétaires de la France. Les fonctionnaires, chargés de mission, à la tête d'antennes ne représenteraient-ils pas une dépense budgétaire ? Appartient-il aux collectivités territoriales françaises et allemandes de reprendre le flambeau de l'Etat démissionnaire de ces fonctions pour sauver les instituts ? La coopération franco-allemande n'est pas une coopération qui se réduit à des contraintes budgétaires. Ce choix s'impose en raison des enjeux historiques, culturels, éducatifs, économiques et bien évidemment politiques. L'Europe a besoin d'une relation franco-allemande consolidée et renforcée : cela n'est possible que si la société civile entretient des relations à des niveaux différents. Le maintien et la garantie d'un bon fonctionnement de ces instituts ont donc une signification toute particulière, des éventuelles réformes devraient être examinées dans la plus grande transparence et en concertation étroite avec les villes et les Länder allemands concernés.

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Réponse du ministère : Fonction publique publiée le 28/03/2001

Réponse apportée en séance publique le 27/03/2001

M. Daniel Hoeffel. Dans le contexte de la construction de l'Union européenne, les relations et
la coopération franco-allemandes doivent aujourd'hui garder un caractère prioritaire, et elles ne
sauraient se réduire aux aspects politiques et économiques.
La coopération franco-allemande sur les plans linguistique, culturel, scientifique et universitaire
revêt en effet une importance accrue dans la mesure où ces domaines constituent les
fondements de relations solides entre nos deux pays.
Or des rumeurs persistantes font état de projets de fermeture de centres et d'instituts culturels
français en Allemagne, au moment même, d'ailleurs, où certains projets évoquent la fermeture
des instituts Goethe en France, ce qui serait évidemment préjudiciable à la consolidation des
relations culturelles.
Je comprends que des réorganisations des réseaux culturels soient nécessaires pour que
ceux-ci puissent s'adapter aux besoins d'aujourd'hui. Cependant, la présence culturelle
française en Allemagne et la présence allemande en France ainsi que leur renforcement sont
de plus en plus essentiels si nous voulons donner au dialogue franco-allemand un contenu
concret, vivant, stimulant.
Voilà pourquoi, monsieur le ministre, nous serions heureux que vous puissiez dissiper nos
appréhensions et nous dire que la relation culturelle franco-allemande reste un élément majeur
de la politique conduite par la France. Il faut que cette politique tienne compte du caractère
fédéral de l'Allemagne et que la présence culturelle se manifeste dans chacun des Lander :
chacun d'eux ayant sa spécificité, notre présence doit se manifester de manière adaptée à
chacun d'eux.
Je voudrais, pour terminer, évoquer une autre préoccupation. La politique culturelle de la France
à l'étranger est une compétence de l'Etat. Il ne faut pas que, sur ce plan comme sur d'autres,
l'Etat se décharge de certaines de ses compétences naturelles sur les collectivités territoriales
en leur demandant d'assumer tout ou partie d'une responsabilité qui continue de lui incomber.
M. le président. La parole est à M. le ministre.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. Monsieur le
sénateur, je vous prie tout d'abord de bien vouloir excuser l'absence de M. Védrine, qui se
trouve actuellement aux Etats-Unis pour rencontrer les membres du nouveau gouvernement
américain.
En concertation avec les autorités allemandes, le Gouvernement a décidé de procéder à une
reconfiguration du réseau culturel français en Allemagne.
La France entretient en Allemagne un réseau culturel qui représente, à lui seul, plus de 12 %
du nombre des établissements culturels à autonomie financière placés sous la tutelle directe
du ministère des affaires étrangères.
Il était composé, au 1er janvier 2000, de dix-neuf établissements - instituts français ou centres
culturels français -, de trois antennes du service culturel et de deux établissements
franco-allemands ayant le statut d'association de droit local.
Il est normal, dans un souci d'efficacité et de meilleure utilisation des compétences humaines
comme des fonds publics, que ce réseau soit constamment modernisé et adapté à la nouvelle
situation allemande ainsi qu'aux évolutions de la relation franco-allemande. La coopération entre
nos deux pays demeure en effet une des priorités de la diplomatie culturelle de la France.

Au cours des dernières années, la France et l'Allemagne ont déjà engagé une première
modernisation en profondeur de cette relation culturelle en se dotant de nouveaux instruments,
auxquels elles consacrent des moyens importants. Il s'agit du centre Marc-Bloch à Berlin -
centre de recherche en sciences sociales -, de la chaîne franco-allemande Arte, de l'université
franco-allemande, de l'Académie franco-allemande du cinéma ou encore du Forum
franco-allemand pour l'emploi.
Les crédits d'intervention alloués à notre poste en Allemagne ont par ailleurs été augmentés,
alors que, vous le savez, le contexte budgétaire pour ce type d'actions est très contraint. La
contribution française à l'Office franco-allemand pour la jeunesse est passé de 64 millions de
francs à 70 millions de francs en trois ans, celle qui est consacrée à l'université
franco-allemande, créée le 1er janvier 2000, se monte à 23,5 millions de francs et devrait
atteindre, à terme, 25 millions de francs.
Dans ce nouvel environnement, les instituts français et centres culturels ne sont plus les seuls
vecteurs de l'influence de la France en Allemagne : ils doivent s'intégrer dans un dispositif
restructuré de coopération, de grande envergure, encore plus innovant et performant.
Je rappelle que les autorités britanniques ou allemandes se sont, elles aussi, engagées dans
un programme de révision substantielle de leur dispositif culturel à l'étranger. S'agissant de la
présence allemande en France, cela concerne, notamment, les instituts Goethe de Marseille,
Toulouse et Lille, où l'implication des collectivités territoriales françaises et des milieux
économiques est recherchée.
Pour ce qui est de la réforme de notre dispositif, elle aboutira, en 2002, à l'installation sur tout
le territoire allemand d'une représentation française dans chaque Land, grâce, en particulier, à
la création d'un nouveau type d'agents, à savoir des attachés de coopération culturelle ou de
coopération universitaire, dotés d'un budget d'intervention, affectés auprès de chancelleries, de
municipalités ou d'institutions universitaires. Ils seront chargés de monter en partenariat, dans
un cadre à la fois bilatéral et multilatéral, des projets d'envergure dépassant le strict
environnement local.
Nous développerons ainsi la capacité d'impulsion et d'action de nos agents, qui seront moins
accaparés par les tâches de gestion et d'administration. Cette réforme ne conduira donc
aucunement à réduire notre présence en Allemagne ou à en diminuer le coût. Elle vise en
revanche à la rendre plus moderne, plus efficace, plus visible et mieux intégrée aux institutions
allemandes.
Le dispositif sera notamment renforcé dans la partie orientale de l'Allemagne, là où la France ne
disposait jusqu'à présent d'aucun relais. A cet effet, il est prévu de créer des postes d'attaché,
notamment dans trois capitales de région : à Magdeburg, à Schwerin et à Postdam.
Les établissements culturels proprement dits seront au nombre de douze, demeurant localisés
à Berlin, Brême, Cologne, Dresde, Düsseldorf, Francfort, Hambourg, Leipzig, Mayence,
Munich, Sarrebruck et Stuttgart. Leurs moyens seront renforcés. Les établissements
franco-allemands à Aix-la-Chapelle, Essen et Tübingen seront maintenus, à statut inchangé.
Le dispositif sera complété par des antennes culturelles du service culturel avec un poste
d'attaché, localisées à Bonn, Erfurt, Hanovre, Heidelberg, Kiel et Rostock.
Au terme de la réforme, le dispositif comprendra donc vingt-sept sites travaillant en réseau, au
lieu de vingt-quatre actuellement.
Vous le voyez, monsieur le sénateur, la reconfiguration du réseau culturel français en
Allemagne ne saurait en aucun cas être interprétée comme une volonté de la France de réduire
sa présence dans ce pays qui demeure son premier partenaire en Europe. L'objectif est au
contraire de renforcer l'efficacité de ce réseau en l'adaptant aux nouvelles formes d'échanges
culturels et artistiques qui prévalent aujourd'hui entre les pays membres de l'Union européenne
et en l'articulant mieux avec le dispositif institutionnel rénové de la coopération
franco-allemande.
M. Daniel Hoeffel. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Hoeffel.
M. Daniel Hoeffel. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse très complète et
précise. Permettez-moi simplement, en conclusion, d'exprimer le souhait que la reconfiguration
que vous évoquiez, que la diversification de la présence culturelle française en Allemagne ne
signifie en aucun cas ni désengagement ni allégement de notre présence, mais qu'elle se
traduise par la recherche d'une meilleure efficacité et par l'expression d'une volonté forte
consistant à faire de la culture un vecteur essentiel de notre présence en Allemagne. Je
souhaite également que l'Allemagne assure, dans le même esprit, sa présence culturelle en
France.
M. Michel Sapin, ministre de la fonction publique et de la réforme de l'Etat. C'est bien le cas !

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