Question de M. HAUT Claude (Vaucluse - SOC) publiée le 05/04/2001

M. Claude Haut attire l'attention de Mme le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881, relative à l'offense commise envers les chefs d'Etat étrangers. La jurisprudence semble avoir retenu comme principe que la preuve de la véracité des faits était interdite dans le cadre de cette procédure, ce qui ouvre la voie à des condamnations systématiques de journalistes ou d'écrivains français, prenant position ouvertement contre un régime ou dénonçant des pratiques contestables dans des pays étrangers. Cette règle est désuète, et peut limiter considérablement la liberté d'expression de la presse. En conséquence, est-il envisageable de supprimer purement et simplement cette disposition qui paraît obsolète ?

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Réponse du ministère : Justice publiée le 28/06/2001

La garde des sceaux, ministre de la justice, fait connaître à l'honorable parlementaire qu'il n'est pas actuellement envisagé d'abroger les dispositions de l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse réprimant l'offense envers les chefs d'Etat étrangers. Cette disposition a été récemment modifiée par la loi du 15 juin 2000 renforçant la protection de la présomption d'innocence et les droits des victimes, qui a supprimé la peine d'un an d'emprisonnement auparavant encourue. Par ailleurs, si une jurisprudence ancienne a considéré que les personnes poursuivies du chef de ce délit ne pouvaient juridiquement, comme en matière de diffamation, invoquer l'exceptio veritalis à titre de moyens de défense, il demeure que les tribunaux jugent l'infraction non constituée si les propos contestés ne constituent pas un abus de droit de libre expression. Ce délit de presse doit en effet être interprété au regard des dispositions constitutionnelles et conventionnelles qui garantissent la liberté d'expression dans une société démocratique. Dans ces conditions, pour reprendre les exemples cités par l'honorable parlementaire, il n'apparaît pas que le fait de rappeler qu'un dirigeant ou un ex-dirigeant d'un Etat étranger se serait rendu coupable de comportements que condamne la communauté internationale, et qui peuvent d'ailleurs faire l'objet de procédures judiciaires, puisse constituer le délit prévu par l'article 36 de la loi du 29 juillet 1881. Il convient enfin d'indiquer, d'une part, que la 17e chambre correctionnelle du tribunal de grande instance de Paris, par un jugement du 25 avril 2001 frappé d'appel, a estimé que les dispositions de l'article 36 de la loi précitée étaient incompatibles avec les principes d'égalité des armes et de liberté d'expression tels qu'énoncés par les articles 6 et 10 de la Convention européenne des droits de l'homme et, d'autre part, que la Cour européenne des droits de l'homme, saisie d'une requête contestant l'article 36 précité, ne s'est pas encore prononcée à ce jour.

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