Question de M. LE CAM Gérard (Côtes-d'Armor - CRC) publiée le 14/06/2001

M. Gérard Le Cam attire l'attention de M. le ministre de l'agriculture et de la pêche sur le projet de taxation des semences fermières. Il se demande si cette redevance a priori destinée à financer la recherche ne permet pas de manière détournée de renforcer le pouvoir des groupes semenciers mondiaux et souligne le manque de transparence sur le type de recherche qui sera effectué et qui pourrait s'inscrire en continuité avec le modèle productiviste européen (course aux rendements). Il s'inquiète en second lieu des pressions qu'exercent aujourd'hui ces derniers sur les agriculteurs qui produisent des semences fermières pour leur propre expoitation. Face au dévelopement des biotechnologies et des pratiques de sélection de nouvelles variétés, il paraît évident que les semenciers cherchent à obtenir le monopole de la reproduction des graines. Par divers moyens, ces derniers tentent depuis une dizaine d'années de soumettre les agriculteurs à une obligation d'achat de leurs semences : à travers, par exemple, des contrats de qualité qui permettent aux agriculteurs d'écouler leur production moyennant l'achat des semences : à travers le développement de la " brevetabilité " qui permet l'appropriation privative de la semence ou encore parce que les semences hybrides ou à base d'OGM (organismes génétiquement modifiés) ne peuvent être reproduites par les agriculteurs eux-mêmes. Ce projet de taxation constitue une étape supplémentaire aboutissant à la disparition des semences de ferme, au demeurant moins coûteuses que les semences hybrides tout en étant de qualité comparable. Seraient en effet taxés par les obtenteurs les agriculteurs qui continueraient à utiliser leur propre semence. Il sait que le ministre s'est inquiété de la domination exercée par les semenciers mondiaux comme il s'est inquiété que l'on puisse découvrir des taux de présence des semences génétiques de 5 à 6 % dans certains pays européens. Au vu des réactions qu'un tel projet suscite dans le monde agricole, en France et dans les autres pays européens (4 500 procès en cours en Allemagne), au vu des incertitudes qui demeurent du point de vue de la santé publique quant aux conséquences de l'utilisation des OGM et hybrides divers, il lui demande quelles mesures il entend prendre pour permettre aux producteurs de semences fermières de pouvoir poursuivre leur activité.

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Réponse du ministère : Agriculture publiée le 23/08/2001

La convention internationale pour la protection des obtentions végétales, à laquelle la France est partie prenante, et le règlement du Conseil n° 2100/94 instituant un régime de protection communautaire des obtentions végétales, confèrent aux obtenteurs la possibilité de soumettre l'utilisation de leurs variétés végétales protégées à leur autorisation. En contrepartie, ils perçoivent une rémunération pour la production sous licence de matériels de multiplication de ces variétés. Par dérogation à ce principe, le règlement 2100/94 définit (article 14), pour les variétés faisant l'objet d'une protection communautaire de certaines espèces, la possibilité pour les agriculteurs d'utiliser une partie de leur récolte à des fins de multiplication dans leur propre exploitation sous réserve d'une rémunération équitable de l'obtenteur. La question de la rémunération des obtenteurs a généré un conflit de droit privé entre les obtenteurs et les utilisateurs de semences, pour lequel le Gouvernement a proposé une médiation, confiée à M. André Grammont. Après étude du rapport de médiation, les organisations professionnelles ayant demandé la médiation ont conclu, le 26 juin 2001, un accord interprofessionnel pour le renforcement de l'obtention végétale dans le domaine du blé tendre. Le dispositif proposé établit, pour une durée limitée, une rémunération des obtenteurs par un prélèvement sur les quantités collectées (0,5 EUR/tonne) auprès des producteurs, à l'exception de l'autoconsommation et des petits agriculteurs, c'est-à-dire, dans le cas des espèces visées au règlement 2100/94 (article 14 paragraphe 2) ceux qui ne cultivent pas d'espèces végétales sur une surface supérieure à celle qui serait nécessaire pour produire 92 tonnes de céréales. Cette cotisation interprofessionnelle, prélevée à la collecte sur les utilisateurs de semences, est créée avec deux objectifs : 1. restituer aux obtenteurs des crédits correspondant à une partie des droits d'obtention pour toutes les semences utilisées ; 2. alimenter un fonds de soutien des obtentions végétales, géré par les représentants des organisations professionnelles spécialisées du secteur des semences, et permettant d'orienter et de financer une recherche performante en sélection végétale. L'ensemble de ce dispositif ne prévoit donc pas de taxation à l'utilisation des semences fermières en tant que telles. Par ailleurs, les petites exploitations et les éleveurs sont exonérés de tout effort. Par arrêté du 13 juillet 2001, ces dispositions ont été étendues pour la campagne de commercialisation 2001-2002.

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