Question de M. ALDUY Jean-Paul (Pyrénées-Orientales - UC) publiée le 31/10/2001

M. Jean-Paul Alduy attire l'attention de M. le ministre délégué à la ville sur l'application des dispositions relatives aux exonérations de cotisations sociales pour entreprises implantées dans les zones franches urbaines. Les lois n° 96-987 du 14 novembre 1996, relative à la mise en oeuvre du pacte de relance pour la ville, et n° 2000-1108 du 13 décembre 2000, sur la solidarité et le renouvellement urbains édictent, dans les mêmes termes, que l'exonération de cotisations sociales est applicable pendant une période de cinq ans à compter de la délimitation de la zone franche urbaine, de la date de l'implantation ou de la création d'entreprise dans la zone franche urbaine. Elles stipulent toutefois qu'en cas d'embauche, au cours de cette période, l'exonération est applicable, pour ces salariés, pendant une période de cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail. Le livret d'information sur l'intérêt de s'implanter en zone franche urbaine, réalisé en février 1997 par le ministère de l'aménagement du territoire, de la ville et de l'intégration et largement diffusé auprès des collectivités et des entreprises, reprend les termes de la loi sous forme de questions-réponses : " Pour les salariés embauchés durant la période de cinq ans pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche, l'exonération vaut pour cinq ans à compter de la date d'effet du contrat ". Or, se basant sur l'annexe d'une circulaire du 17 mars 1997, les services de l'URSSAF récemment interrogés à ce propos excluent pour les salariés embauchés après le 31 décembre 2001, même s'ils l'ont été durant la période pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche. Cette interprétation restrictive contredit l'esprit même de la loi en favorisant les entreprises qui bénéficient encore des autres exonérations du régime zone franche après le 31 décembre 2001 sans l'incitation à l'embauche que représente l'exonération sur les cotisations sociales. De surcroît, si les nouvelles embauches à compter du 1er janvier 2001 ne sont plus susceptibles d'exonérations sur les charges sociales, il n'y a plus lieu de les comptabiliser pour le respect de la clause d'embauche de 20 % de salariés issus de la zone franche, donc plus de nécessité, pour les entreprises bénéficiant encore du régime zone franche et dont la masse salariale augmente, d'embaucher des salariés issus de ces secteurs en crise. L'Etat (préfecture de Région), s'agissant du calcul du plafond d'aides de toute nature consenties à certaines entreprises, a lui-même comptabilisé les exonérations sur les cotisations sociales portant sur des embauches postérieures au 31 décembre 2001. Tout porte donc à croire que l'interprétation restrictive de la loi est erronée et, à l'heure où des modalités souples de sortie du régime des zones franches urbaines sont envisagées, il serait préjudiciable pour l'Etat, les collectivités locales, les entreprises, postérieurement à leur décision d'implantation fondée sur la prévision de ces exonérations, et les salariés concernés, de remettre en cause le régime initial prévu par la loi. Aussi, il lui demande de confirmer que pour les salariés embauchés durant la période de cinq ans pendant laquelle l'entreprise bénéficie du régime de la zone franche et ce, même après le 31 décembre 2001, l'exonération de cotisations sociales vaut pour cinq ans à compter de la date d'effet du contrat de travail et de tout mettre en oeuvre afin que la loi soit appliquée.

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Réponse du ministère : Économie solidaire publiée le 14/11/2001

Réponse apportée en séance publique le 13/11/2001

M. Jean-Paul Alduy. Tout d'abord, j'avoue avoir beaucoup de chance car je pose ma question lors d'une séance présidée par Jean-Claude Gaudin et que cette question concerne des lois qui lui sont particulièrement chères, celles qui traitent des zones franches urbaines.
Il s'agit de l'application de la disposition essentielle de ces lois, à savoir l'exonération des charges patronales pendant cinq ans au bénéfice des entreprises qui s'installent dans une zone franche urbaine, à la condition de recruter des chômeurs de ces quartiers, au moins pour un cinquième.
Ces lois sont de bonnes lois et elles ont bien fonctionné : sur Perpignan, on a créé près de 1 000 emplois, dont 35 % dans le quartier à population d'origine essentiellement gitane ou maghrébine.
Selon l'évaluation faite par les services de l'Etat, le coût de cette disposition s'élève à 60 000 francs par an et par emploi, contre 100 000 francs pour un emploi-jeune. Or les emplois dans les zones franches urbaines sont des contrats à durée indéterminée dans le secteur marchand alors que les emplois-jeunes sont des contrats à durée déterminée de cinq ans, qui seront d'ailleurs financés, in fine, par les impôts locaux.
Ces lois ont bien fonctionné, je le répète, parce qu'elles s'attaquaient à l'exclusion économique de ces quartiers, cause de leur exclusion sociale : ce n'est pas l'exclusion sociale qui crée l'exclusion économique ; c'est l'exclusion économique qui conduit à l'exclusion sociale.
Ce n'est pas simplement en développant les aides sociales, véritable tonneau des Danaïdes, et en démolissant ici ou là une barre ou une tour, que l'on réglera le problème. C'est d'abord en donnant un espoir à ces jeunes de trouver un emploi, c'est-à-dire d'accéder à une insertion économique, que l'on y parviendra. Je sais que le Gouvernement partage cette option ; elle figure d'ailleurs dans l'exposé des motifs du dernier comité interministériel pour la ville.
Or, il se trouve que l'URSSAF, l'Union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales, interprétant l'annexe d'une circulaire clandestine de 1997, se met à contredire la loi. Une entreprise créée dans cette zone franche en juin 2001, pour être très concret, a bâti son plan de développement sur trois, quatre ou cinq ans, et l'Etat a d'ailleurs calculé le plafond des aides qu'on peut lui accorder en intégrant dans ce calcul l'exonération pendant cinq ans de la totalité des emplois qu'elle a envisagé de créer. Et voilà donc que les URSSAF annoncent que l'exonération pendant cinq ans des charges patronales ne s'appliquera qu'aux emplois créés avant le 31 décembre 2001. Il y a urgence !
La parole de l'Etat est bafouée, et ces entreprises vont se retourner contre les collectivités locales pour mensonge ou contre l'Etat pour publicité mensongère, car des centaines et des centaines de milliers d'exemplaires de prospectus vantant les mérites de la zone franche ont été diffusés.
Monsieur le secrétaire d'Etat, doit-on faire sur cette question du juridisme ou doit-on faire de la politique ?
Veut-on, oui ou non, combattre le chômage gravissime qui frappe ces quartiers et qui est la cause première de la dégradation du cadre de vie, de la délinquance, voire du développement d'un intégrisme religieux dont on sait aujourd'hui vers quelles dérives il peut nous conduire ?
Veut-on réellement associer les entreprises à la politique d'intégration sociale par l'activité ? Quel signal donner aux maires, aux entreprises et aux chômeurs de ces quartiers ?
Veut-on l'application aveugle par l'URSSAF de l'annexe d'une circulaire d'application clandestine et erronée ou le message volontaire de l'exposé des motifs du dernier comité interministériel pour la ville ? Il y a urgence, car le 31 décembre, c'est dans quelques semaines.
Veut-on, je le répète, contredire le pan essentiel de la politique de la ville, à savoir l'insertion par l'économique ? Telle est la question, monsieur le secrétaire d'Etat ! J'attends des réponses non pas juridiques, mais politiques.
M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.
M. Guy Hascoët, secrétaire d'Etat à l'économie solidaire. Avant de vous transmettre, monsieur le sénateur, une réponse politique du ministre de la ville, je formulerai un commentaire, car, à l'époque, j'ai suivi ce texte avec beaucoup d'intérêt.
Il est vrai que l'on peut tirer un certain nombre d'enseignements fort utiles à la fois sur ses effets positifs et, parfois, sur des effets d'aubaine dont certains, comme d'habitude, ont essayé de profiter sans rien inventer de nouveau.
Quoi qu'il en soit, chacun s'accorde à reconnaître une certaine dynamique. Je suis moi-même l'élu d'une ville qui en a largement bénéficié.
La réponse politique est très simple : M. le ministre de la ville considère effectivement que l'interprétation actuelle est trop restrictive et ne correspond pas, politiquement, à ce qu'il souhaitait. Il me demande donc de vous indiquer que des instructions seront données très rapidement aux services concernés pour que l'interprétation soit celle que vous avez mentionnée.
M. Jean-Paul Alduy. Je demande la parole.
M. le président. La parole est à M. Alduy.
M. Jean-Paul Alduy. Monsieur le secrétaire d'Etat, je vous remercie très sincèrement, car, pour être franc avec vous, j'avais reçu hier matin une réponse du préfet des Pyrénées-Orientales qui ne faisait évidemment que reprendre le juridisme de certains services et qui m'avait beaucoup peiné. Votre réponse me met du baume au coeur.
M. le président. Je peux en dire autant, monsieur Alduy ! En effet, le hasard veut que la presse marseillaise, ce matin, titre : « Zones franches : l'exception marseillaise » et indique que 900 entreprises ont créé 5 300 emplois. Vous venez de dire qu'à Perpignan c'était une réussite, et M. le secrétaire d'Etat nous confirme qu'il en est de même dans sa commune.
Pourtant, des rapports de fonctionnaires continuent d'affirmer que le dispositif des zones franches n'a pas eu d'effets positifs. Il faudra qu'un jour on nous explique cette contradiction ou que l'on reconnaisse que certaines informations ont été rédigées de manière tendancieuse.

Même si ce n'est pas l'usage, je voudrais dire, moi aussi, que je suis très heureux de la réponse de M. le secrétaire d'Etat.

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