Question de M. DÉSIRÉ Rodolphe (Martinique - RDSE-R) publiée le 17/10/2002

M. Rodolphe Désiré attire l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la multiplication des infractions de tous ordres et le sentiment d'insécurité qui se développe à la Martinique. Les statistiques sont d'ailleurs éloquentes. Alors que l'année 2001 avait été tristement placée sous le signe d'une hausse de la criminalité, les données fournies par la section départementale de la sécurité publique de la Martinique pour 2002 sont tout aussi alarmantes. Ainsi, lors du premier semestre, on a observé une explosion des vols à main armée (+ 55,6 %), des vols à la tire (+ 53,4 %) et des homicides (+ 57,5 %). Or il apparaît évident que la consommation et le trafic des stupéfiants se trouvent à l'origine de la plupart des infractions, ce qui distingue les Antilles de la métropole. La Martinique et la Guadeloupe se trouvent en effet dans une zone extrêmement sensible, celle des Petites Antilles, qui représente manifestement une des plaques tournantes du trafic de la drogue vers les Etats-Unis et vers l'Europe. Pour preuve, les infractions qui en découlent ont augmenté de 36,1 % en six mois. Compte tenu de la situation, on peut déplorer qu'aucun accord de coopération avec les Etats voisins (Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent, Antigua), très vulnérables, n'ait été signé. Il signale depuis plus de dix ans la nécessité pour la France d'établir un traité de police, de sécurité et de coopération économique avec ces pays de façon à pouvoir élargir notre périmètre de protection. Il s'agirait de conclure un accord comparable à celui qui vient d'être signé avec la Roumanie. Cela permettrait à la France d'être en cohérence avec le positionnement géographique caribéen des départements d'outre-mer et d'éviter que ne se développe dans ces territoires un sentiment extrêmement dangereux de xénophobie vis-à-vis des ressortissants des îles les plus proches, notamment Sainte-Lucie ou la Dominique. C'est pourquoi il lui demande de bien vouloir l'informer des réponses qu'il entend apporter au problème suscité par l'aggravation du climat d'insécurité en Martinique. Ceci d'autant plus que ces problèmes sont inhérents à l'ensemble des départements français d'Amérique, dont les voisins sont tristement réputés pour leur haut niveau de criminalité.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 04/03/2004

Dans la zone Caraïbe, la police nationale française entretient des relations de coopération technique et opérationnelle avec de nombreux pays. Ce rôle est assuré par des délégués du service de coopération internationale de police (SCTIP), nommés en qualité d'attachés de sécurité intérieure - ASI - auprès de plusieurs ambassades de France et par des officiers de liaison chargés des affaires opérationnelles en matière de lutte contre le trafic international des stupéfiants et la criminalité organisée. La présence policière dans cette zone géographique contribue à la sécurité intérieure de notre pays et, par voie de conséquence, des départements des Antilles et de Guyane. A cet effet, les actions de coopération sont axées sur trois thèmes principaux : la lutte contre le trafic de stupéfiants (et deux de ses corollaires, le blanchiment d'argent et le trafic de précurseurs chimiques), le contrôle des flux migratoires et la lutte contre la criminalité organisée et les grands trafics (prostitution, tourisme sexuel, biens culturels...). Dans l'arc caribéen, ce réseau est implanté à Cuba (depuis 1999), en Jamaïque (réouverture d'une antenne en 2001 après une première période d'implantation de 1990 à 1993), en Haïti (depuis 1996), en République dominicaine (depuis 2000). Ce dispositif policier dans la zone est complété par la présence de deux officiers de liaison en poste à Porto Rico et à Miami et appartenant à l'Office central de répression du trafic illicite de stupéfiants (OCRTIS) de la direction centrale de la police judiciaire. Aucun accord bilatéral intergouvernemental en matière de coopération policière n'a été établi ni signé entre la France et l'un de ces pays. Sur le proche continent américain, le SCTIP dispose de plusieurs délégations et antennes implantées dans les pays riverains de la mer des Antilles, ce qui complète le maillage de notre coopération technique dans l'environnement Caraïbe : en Colombie (depuis 1990, avec signature d'un accord bilatéral de coopération policière en juillet 2003), au Venezuela (création en 1989), en Amérique centrale (implantée au Salvador depuis 1994 avec compétence sur les sept pays de la zone), un officier de liaison de l'OCRTIS ayant pris son poste au Costa Rica en septembre 2003. Sur le golfe du Mexique, le réseau policier français est implanté au Mexique (depuis 1985) et aux Etats-Unis d'Amérique, notamment en Floride. En Martinique, à Fort-de-France, sont implantés le Centre interministériel de formation anti-drogue - CIFAD -, structure de formation pour la lutte contre le trafic de stupéfiants, créée en 1992 et ouverte aux fonctionnaires français et étrangers, ainsi qu'une unité opérationnelle de lutte contre le trafic de drogue dans les Caraïbes, dite " plateforme Martinique " et qui a une composition interministérielle (police, gendarmerie, douanes, marine nationale). La création de cette " base antillaise " a été décidée par le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales dans le deuxième semestre 2003. Cette unité dépend de l'OCRTIS et sera opérationnelle dans les prochaines semaines. Elle constituera une pièce essentielle de notre dispositif de lutte contre le trafic international des stupéfiants qui transite par la zone Caraïbe et notamment nos départements des Antilles-Guyane. Par ailleurs, la création d'un poste d'ambassadeur délégué à la coopération régionale Antilles-Guyane a permis de coordonner les actions de coopération menées par les multiples institutions et de donner une nouvelle impulsion à la présence française dans cette zone. En ce qui concerne l'environnement de la Guadeloupe, il n'existe pas d'implantation de policiers français dans les petits Etats voisins (Antigua, Dominique, Sainte-Lucie, Saint-Vincent). Un projet d'accord de réadmission pour les étrangers en situation irrégulière est en cours de négociation avec le Gouvernement de Sainte-Lucie ainsi que l'examen de nouvelles modalités du régime de circulation qui pourraient être appliquées aux ressortissants saint-luciens bénéficiant de l'exemption de visa pour des séjours de moins de quinze jours sur le territoire des départements français d'Amérique. Suite à une réunion tenue le 17 juin 2003 au ministère de l'outre-mer sur la problématique de la sécurité sur l'île de Saint-Martin, un groupe de travail dirigé par le directeur général de la police nationale a défini les attentes des services de sécurité en matière de coopération internationale policière. Ces services ont souhaité que des négociations soient ouvertes avec la partie néerlandaise, tout en déplorant la non-ratification par les Pays-Bas de la convention franco-néerlandaise du 17 mai 1994 et la non-mise en oeuvre des conclusions de la réunion bipartite du 31 janvier 2002. Le ministère de l'outre-mer souhaite organiser, en ce début d'année 2004, une réunion d'évaluation de la coopération bilatérale policière et judiciaire à Saint-Martin. Les services de police et de gendarmerie des départements des Antilles françaises n'ont pas vocation à effectuer des missions de coopération technique au plan régional. Cependant ils peuvent être amenés à participer à la réalisation de telles actions, selon les programmes de coopération internationale établis au niveau central. En certaines occasions, ces services peuvent accueillir des stagiaires étrangers. Dans leurs activités opérationnelles et l'exécution des commissions rogatoires internationales, ces services entretiennent des liens avec de nombreux services de police ou de sécurité des Etats de la Caraïbe. Notre coopération policière internationale bénéficie à titre principal de plusieurs sources de financement du ministère des affaires étrangères. En ce qui concerne la zone Caraïbe, certains projets bénéficient des fonds régionaux de coopération pour la zone Antilles-Guyane, mis en oeuvre par les préfectures des départements français d'Amérique. La mission interministérielle pour la lutte contre les drogues et la toxicomanie - MILDT - assure les budgets de fonctionnement et de coopération du CIFAD et finance des actions de coopération technique et opérationnelle policière dans le cadre de projets présentés par les délégations du SCTIP au profit de pays de la sous-région. Plusieurs organisations internationales impliquées dans la lutte contre la criminalité internationale sont présentes dans la zone Caraïbe : la CICAD (Commission interaméricaine contre l'abus des drogues) constitue l'une des commissions permanentes de l'OEA (Organisation des Etats d'Amérique), dont le budget est alimenté par des contributions volontaires dont certaines émanent de l'Union européenne ; le GAFIC (groupe d'action financière Caraïbe) a été créé en 1995 et a pour objectif de lutter contre le blanchiment d'argent en amenant les pays à adopter des législations et des règles de conduite antiblanchiment. L'Union européenne, l'UNODC (Office des Nations unies contre la drogue et le crime) et l'AEC (Association des Etats de la Caraïbe) mènent également des actions de coopération dans la zone.

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