Question de M. SOUVET Louis (Doubs - UMP) publiée le 19/11/2002

M. Louis Souvet attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire concernant la transformation de la taxe parafiscale horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie. Il fait état des attentes des professionnels du secteur concernant la fixation d'un régime pérenne. Il demande quel arbitrage le Gouvernement va rendre dans ce domaine en sachant que trois hypothèses sont plausibles : l'imposition de toute nature, la cotisation volontaire obligatoire, évoquée malgré son incohérence sémantique par plusieurs hauts fonctionnaires, et la solution budgétaire.

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Réponse du Ministère délégué à l'industrie publiée le 15/01/2003

Réponse apportée en séance publique le 14/01/2003

M. Louis Souvet. En ces temps de rigueur budgétaire, indispensable tant pour la remise en ordre de l'économie qu'au regard des impératifs communautaires, il n'est pas sain de proposer une solution budgétaire pour résoudre tous les problèmes, par exemple la transformation de la taxe parafiscale horlogerie, bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.
En effet, d'une part, cela présente l'inconvénient majeur de faire supporter par l'ensemble des contribuables des actions que les professionnels sont eux-mêmes prêts à financer, et, d'autre part, la reconduction, d'une année sur l'autre, des budgets est aléatoire, comme le prouvent la dotation budgétaire des collectivités locales ou celle des centres techniques déjà en partie budgétisés.
L'incompatibilité avec des actions de politique industrielle nécessairement menées dans la durée est évidente. En outre, l'hypothèse de l'imposition de toute nature ne grève pas le budget de l'Etat, ce qui représente un avantage non négligeable, me semble-t-il. Enfin, cette solution permet d'assurer une proximité incontestable entre les objectifs et leur réalisation. Sont garantis tout à la fois le contrôle par le Parlement et le Gouvernement ainsi que l'implication tangible des professionnels.
Le comité professionnel de développement de l'horlogerie, de la bijouterie, de la joaillerie ainsi que le centre technique sont à l'origine - faut-il le rappeler ? - d'actions collectives synonymes d'une politique économique de proximité et de solidarité entre tous les acteurs de la production, de l'artisanat et de la distribution. Les sacro-saints dogmes budgétaires doivent savoir quelquefois laisser la place à des initiatives pragmatiques dictées par la seule efficacité professionnelle.
Or, précisément, ces professionnels sont parfaitement conscients de l'importance des problèmes auxquels ils sont confrontés, qu'il s'agisse de la contrefaçon - les douanes interviennent très souvent pour cette raison -, des vols à main armée - on en parle beaucoup -, du dumping social et de toutes les conséquences de la pratique, en Chine et dans tous les pays d'Asie, de salaires évidemment beaucoup plus faibles qu'en France. Ces professionnels sont donc prêts à mettre en oeuvre collectivement des moyens pour assurer le développement du secteur. Il faut les encourager en ce sens.
Le salut de nos fabricants - tout un chacun peut en convenir - passe nécessairement par le développement de la qualité, de la création et de l'exportation.
Madame le ministre, j'aimerais savoir, au terme de ce court plaidoyer, si votre collègue ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire acceptera que soit mise en place, comme le souhaitent les professionnels, l'imposition de toute nature.
Je vous remercie par avance de la réponse que vous voudrez bien m'apporter.
M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.
Mme Nicole Fontaine, ministre déléguée à l'industrie. Monsieur Souvet, comme vous le savez, l'industrie horlogère française dispose incontestablement d'atouts : une tradition historique importante, mais également une capacité certaine en termes d'innovation et de créativité.
J'ai la conviction que, comme dans beaucoup d'autres secteurs industriels traditionnels, la chance de la France réside dans l'intelligence, c'est-à-dire dans la plus-value apportée aux produits. La promotion de l'innovation et de la créativité est donc la pierre angulaire de la politique industrielle que je souhaite mener.
En la matière, le tissu industriel français, en particulier les PME-PMI, dispose, avec les centres techniques de l'industrie et les comités professionnels de développement économique, d'un outil de mutualisation dont chacun a reconnu l'utilité.
La disparition des taxes parafiscales, programmée pour la fin de l'année 2003, ces taxes qui assurent aujourd'hui tout ou partie du financement de ces organismes, a préoccupé nombre d'entre vous, mesdames, messieurs les sénateurs, aussi bien, d'ailleurs, que les professionnels. J'ai été particulièrement attentive à ces préoccupations.
Il était grand temps, après plusieurs années d'incompréhension, de reposer, collectivement, les bases d'une vraie relation partenariale entre l'Etat et les industriels.
C'est la raison pour laquelle nous avons tout récemment décidé de mettre en place un système de financement qui maintienne, dès lors que cela est souhaité, l'implication directe des industriels.
Nous allons donc proposer à chacun des centres techniques industriels et des comités professionnels de développement économique concernés de choisir entre une budgétisation ou la mise en place d'une imposition affectée. En parallèle, nous allons leur demander de renforcer le caractère collectif de leurs actions et de nous aider à simplifier et à rationaliser les dispositifs de financement.
Des contrats d'objectifs pluriannuels permettront de clarifier les actions de service public ou d'intérêt collectif et de définir une véritable stratégie collective de développement industriel. Ils devront faire l'objet d'un suivi annuel afin de permettre, bien évidemment, aux assemblées d'en évaluer et d'en contrôler l'exécution.
M. le président. La parole est à M. Louis Souvet.
M. Louis Souvet. Madame le ministre, non sans vous avoir remerciée de votre réponse, je souhaite verser quelques arguments supplémentaires au débat.
L'industrie horlogère dispose, certes, d'atouts - l'innovation et la création -, mais cela ne suffit plus, madame le ministre. La Franche-Comté, dont je suis un élu, compte tout à la fois une importante industrie de construction automobile et, en montagne, une activité séculaire d'horlogerie. Or, en montagne, la température est descendue ces derniers jours jusqu'à trente degrés au-dessous de zéro ! Les entreprises y sont familiales ; les salariés vivent et travaillent sur place. Cela ressemble beaucoup à ce que connaît la Suisse, toute proche.
Donc, l'innovation, la création ne suffisent plus à protéger nos industriels. Vous savez, d'ailleurs, ce qu'il reste de l'industrie horlogère : les effectifs ont été divisés par dix ! Certes, pour ce qui est du bijou de luxe ou de la montre de luxe, l'innovation et la création jouent à plein, et la France est d'ailleurs très présente sur ces marchés. Hélas !, pour ce qui est des produits horlogers de consommation courante, nous avons d'ores et déjà perdu presque tous les marchés. Alors, j'espère, comme vous, que cette innovation sera la chance de la France.
A la suite de la disparition de la taxe parafiscale, les industriels et les centres techniques que vous avez cités ont manifesté leur préoccupation. Ils auront donc dorénavant la possibilité de choisir. Je souhaite que cette solution leur apporte le « plus » dont ils ont un grand besoin, car, si nous persistons sur la pente actuelle, dans quelques années, nous n'aurons plus d'horlogerie du tout !

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