Question de M. ABOUT Nicolas (Yvelines - UMP) publiée le 20/12/2002

M. Nicolas About attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur les difficultés que rencontrent les élus locaux pour obtenir d'une société la modification de son K bis. Dans la vie d'une société, de nombreux changements peuvent intervenir, comme le décès ou la démission de certains administrateurs. En théorie, la société est tenue de remettre à jour son K bis, mais rien, dans la réalité, ne l'y oblige vraiment. Les conséquences de cette carence sont loin d'être négligeables, au plan juridique. Ainsi, dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, des élus (dont il fait lui-même partie) ont été nommés, il y a dix ans, administrateurs d'une société d'économie mixte (SEM), appelée SLECANSQCA et destinée à donner naissance à une chaîne de télévision locale, plus connue sous le nom de TVFIL 78. Or, ces élus éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés pour obtenir de cette société la modification de son K bis, alors même qu'ils n'en sont plus membres depuis de nombreuses années. Certains n'ont même jamais participé à aucune assemblée générale. D'autres sont morts et ils continuent à figurer au K bis de cette société. Mais il y a pire. Certains élus, ayant prêté leur nom pour représenter leur commune, découvrent qu'ils figurent en réalité en nom propre. Leur responsabilité personnelle risque donc, à tout moment, d'être engagée, en cas de difficultés financières rencontrées par la société. Bien entendu, il leur est toujours possible de faire un référé devant le tribunal de commerce. Mais, même s'ils devaient obtenir gain de cause au tribunal, rien ne leur garantirait que la société effectue ces modifications. En effet, cette société n'est plus en mesure de reconstituer l'historique complet de ses administrateurs, faute d'avoir tenu des archives ou un simple registre de mouvement de titre. Enfin, la situation devient ubuesque, si l'on songe aux risques encourus par les nouveaux administrateurs qui, eux, ne figurent pas à ce fameux K bis. Certains touchent, pour leur participation effective au conseil d'administration, des jetons de présence. Or, rien ne les empêche d'être un jour poursuivis pour prise illégale d'intérêts, dans la mesure où ils ne figurent pas légalement dans le K bis. Les élus n'ont donc, à ce jour, aucun moyen légal de contraindre une société à effectuer une mise à jour de son K bis, ce qui les place dans une situation juridique et financière délicate. C'est pourquoi il lui demande les mesures qu'il entend prendre pour imposer aux sociétés la mise à jour régulière de leur K bis. Il lui demande également si l'on ne pourrait pas envisager des mesures exceptionnelles pour permettre à des sociétés, comme TVFIL 78, qui ont négligé leurs archives depuis de longues années, d'effectuer cette mise à jour, sans avoir à retracer l'historique complet de leurs administrateurs.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 05/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2003

M. le président. La parole est à M. Nicolas About, auteur de la question n° 128, adressée à M. le garde des sceaux, ministre de la justice.
M. Nicolas About. Monsieur le président, mesdames, messieurs les ministres, mes chers collègues, ma question s'adresse à M. le garde des sceaux.
Lorsqu'une société commerciale est créée, ses dirigeants sont tenus de l'inscrire au registre du commerce et des sociétés, le RCS. Ils fournissent à cette occasion un certain nombre d'informations qui seront réunies par la suite dans un document, appelé « extrait K bis », établi par le greffe du tribunal de commerce. Parmi ces informations figure notamment le nom des administrateurs de ladite société au moment de sa création.
Or, dans la vie d'une société, de nombreux changements peuvent intervenir, comme le décès ou la démission de certains administrateurs. En théorie, la société est alors tenue de remettre à jour son K bis, mais rien, dans la réalité, ne l'y oblige vraiment. Les conséquences de cette carence sont loin d'être négligeables sur le plan juridique.
Je citerai en exemple un cas que je connais bien. Dans la ville nouvelle de Saint-Quentin-en-Yvelines, des élus ont été nommés, voilà plus de dix ans, administrateurs d'une société d'économie mixte appelée SLECANSQCA et destinée à donner naissance à une chaîne de télévision locale, plus connue sous le nom de TVFIL 78. Or ces élus éprouvent aujourd'hui de grandes difficultés pour obtenir de cette société la modification de son K bis alors même qu'ils n'en sont plus membres depuis de nombreuses années et que certains n'ont même jamais participé à aucune assemblée générale. D'autres sont morts et continuent pourtant de figurer au K bis de cette société !
Mais il y a pis. Certains des élus qui ont prêté leur nom pour représenter leur commune découvrent, plusieurs années après, qu'en réalité ils figurent dans le K bis en nom propre. Leur responsabilité personnelle risque donc à tout moment d'être engagée si la société rencontre des difficultés financières. Bien entendu, il leur est toujours possible de faire un référé devant le tribunal de commerce. Mais, même s'ils devaient obtenir gain de cause auprès du tribunal, rien ne leur garantirait que la société effectue ces modifications. En effet, celle-ci a fait preuve d'une particulière négligence en omettant de réaliser toute mise à jour depuis une dizaine d'années et n'est plus aujourd'hui en mesure de reconstituer l'historique complet de ses administrateurs, faute d'avoir tenu des archives ou un simple registre de mouvements de titres !
Enfin, la situation devient parfaitement ubuesque si l'on songe aux risques qu'encourent les nouveaux administrateurs qui, eux, ne figurent pas dans ce fameux K bis et dont certains touchent des jetons de présence pour leur participation effective au conseil d'administration. Rien ne les empêche d'être un jour poursuivis pour prise illégale d'intérêts, dans la mesure où ils ne figurent pas légalement dans le K bis !
Les élus n'ont donc procéder à ce jour à aucun moyen légal de contraindre une société à effectuer une mise à jour de son K bis, ce qui les place dans une situation juridique et financière délicate.
Quelles mesures comptez-vous prendre, monsieur le ministre, pour imposer aux sociétés la mise à jour régulière de leur K bis ? Quels contrôles des autorités publiques - et, éventuellement, quelles sanctions - pensez-vous mettre en place pour éviter de telles aberrations ? Enfin - et c'est peut-être ma principale question -, peut-on envisager des mesures exceptionnelles pour permettre à des sociétés comme TVFIL 78, qui ont perdu ou qui ont négligé leurs archives depuis de trop longues années, d'effectuer cette mise à jour sans avoir à retracer l'historique complet de leurs administrateurs ?
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous avez posé une question à M. le garde des sceaux, et je vais essayer de vous apporter la meilleure réponse possible.
Comme vous le savez, les sociétés, et parmi elles les sociétés d'économie mixte, doivent déclarer au registre du commerce et des sociétés les modifications qui interviennent dans leurs statuts ou dans la composition de leur direction.
Il arrive malheureusement que certaines d'entre elles ne respectent pas cette obligation, et vous nous avez relaté une histoire regrettable. C'est pourquoi les textes applicables prévoient que la demande de modification de l'inscription au registre du commerce peut être faite par tout intéressé. En application de l'article 27 du décret du 30 mai 1984 relatif au registre du commerce et des sociétés, l'ancien administrateur d'une société qui constate qu'il apparaît toujours sur l'extrait du registre peut demander lui-même la modification nécessaire. Il n'est pas besoin pour cela qu'il saisisse le tribunal : un référé n'est pas indispensable, il lui suffit de s'adresser au greffier chargé de la tenue du registre.
Par ailleurs, en application de l'article L. 123-1 du code de commerce, le juge commis à la surveillance du registre peut, d'office ou sur requête du procureur de la République, enjoindre aux sociétés immatriculées de faire procéder aux mentions rectificatives.
M. Nicolas About. Encore faut-il qu'elles le fassent !
M. François Loos, ministre délégué. En conséquence, il est tout à fait possible pour les élus ou la commune intéressés de s'adresser au greffe chargé de la tenue du registre du commerce et des sociétés aux fins que soient rectifiées pour l'avenir les mentions concernant la composition des organes dirigeants ou la détention du capital social de la société TVFIL 78.
S'il existe des difficultés particulières pour cette société, elle pourra saisir le juge chargé de la surveillance du registre.
Il convient enfin de relever que les mentions portées au registre du commerce et des sociétés constituent des règles de preuve vis-à-vis des tiers, mais qu'il est possible d'apporter la preuve contraire si l'inscription est manifestement erronée et que l'intéressé n'en est pas fautif.
Tous ces éléments permettent donc de résoudre la situation des personnes qui s'inquiètent de figurer sur un K bis alors qu'ils n'ont plus lieu d'y être.
M. le président. La parole est à M. Nicolas About.
M. Nicolas About. Je tiens à remercier M. le ministre délégué des informations qu'il vient de me communiquer. Si j'ai bien compris, les personnes qui sont maintenues injustement ou illégalement au K bis ont les moyens de s'en faire rayer.
Le problème, en revanche, demeure pour celles qui n'y figurent pas et qui perçoivent des indemnités en tant que membres du conseil d'administration. Elles doivent obtenir ou bien que la société accepte de se mettre en conformité, ou bien qu'un juge ordonne la correction. Cette dernière procédure n'est pas simple, car, à ma connaissance, le juge ne peut que demander à la société de se mettre en conformité. En tous les cas, tous les élus qui perçoivent des jetons de présence sont susceptibles d'être poursuivis et doivent donc être très vigilants.
Pour ce qui est des personnes qui ne devraient plus figurer au K bis, j'ai bien compris la méthode, et je transmettrai vos indications, monsieur le ministre.

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