Question de M. MATHIEU Serge (Rhône - UMP) publiée le 12/12/2002

M. Serge Mathieu appelle l'attention de M. le ministre de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales sur la nécessaire modernisation des finances locales. Des mesures concrètes et simples s'imposent. Il rappelle l'expérience concluante de la municipalité de la Chapelle-en-Serval (Oise) qui, avec les conseils éclairés du trésorier-payeur général, a déplacé des fonds inutilisés du budget M. 49 (eau) au budget M. 14 (budget général), permettant notamment de réaliser un important équipement culturel (7 millions de francs) sans emprunt et sans augmentation des impôts locaux, ce qui est une saine gestion ayant, de surcroît, baissé le prix de l'eau. Malgré l'opposition du préfet de l'Oise, cette décision a été approuvée par le tribunal administratif d'Amiens et rendue définitive par un arrêté de la cour d'appel de Douai. Il lui demande les perspectives de son action ministérielle tendant à assouplir la stricte réglementation de son prédécesseur qui se référait encore (28 février 2002) aux jurisprudences de Bandol (décembre 1990) et Saint-Etienne (1996), devenues, à l'aube du troisième millénaire, quelque peu obsolètes. Les maires de France apprécieraient une action novatrice à l'égard des finances locales, comme il l'avait souligné notamment par ses questions écrites n° 39-865 du 23 mai 2002 (sans réponse) et 992 du 25 juillet 2002.

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Réponse du Ministère de l'intérieur, de la sécurité intérieure et des libertés locales publiée le 04/09/2003

Par sa décision en date du 9 avril 1999, " commune de Bandol ", le Conseil d'Etat a précisé les règles de reversement des excédents dégagés par le budget annexe d'un service public industriel et commercial (SPIC), notamment celui de l'eau, au budget principal de la collectivité de rattachement. Cette jurisprudence a été commentée dans les réponses aux questions écrites n° 30839 du 7 juin 1999, n° 56975 du 22 janvier 2001, n° 557 du 15 juillet 2002 de l'Assemblée nationale et n° 992 du 25 juillet 2002 du Sénat. Selon l'article L. 2224-1 du code général des collectivités territoriales, les SPIC sont soumis à des règles budgétaires d'équilibre très strictes dont le fondement est la recherche de la transparence des tarifs et la vérité des prix. Il résulte de cette disposition que le budget général de la commune n'a pas vocation à équilibrer le budget annexe SPIC, sous réserve des dérogations expressément prévues par la loi. Inversement, le budget annexe SPIC n'a pas vocation à alimenter le budget général de la commune puisque les tarifs doivent être déterminés afin de couvrir strictement les besoins du service et la satisfaction des usagers. Il existe une étroite corrélation entre le service rendu à l'usager et le prix qu'il doit acquitter. La gestion en budget annexe selon la nomenclature budgétaire et comptable M 4 permet de répondre à cette nécessité de gestion et de distinguer les coûts. Par ailleurs, l'obligation de faire apparaître clairement les coûts du service de l'eau et celle de financement du service par l'usager constituent également des obligations européennes puisqu'elles sont le corollaire du principe de pollueur-payeur rappelé par la directive 2000/60/CE du 23 octobre 2000 établissant un cadre pour une politique communautaire dans le domaine de l'eau. Le Conseil d'Etat a d'ailleurs jugé que " les tarifs des services publics à caractère industriel et commercial, qui servent de base à la détermination des redevances demandées aux usagers en vue de couvrir les charges du service, doivent trouver leur contrepartie directe dans le service rendu aux usagers. " (CE, 30 septembre 1996, Société stéphanoise des eaux - Ville de Saint-Etienne). Il avait ainsi jugé illégale la redevance augmentée à dessein pour être reversée au budget général de la ville " afin de couvrir les charges étrangères à la mission dévolue à ce service. Les redevances doivent trouver leur contrepartie directe dans les prestations fournies par le service municipal de l'eau. " Les articles R. 2221-48 (régie dotée de la personnalité morale et de l'autonomie financière) et R. 2221-90 du CGCT (régie dotée de la seule autonomie financière) prévoient les mécanismes d'affectation du résultat. Ils disposent que ce dernier doit être affecté en priorité au financement des diverses dépenses d'investissement et que seul le solde subsistant éventuellement après prise en compte de ces dépenses peut être reversé à la collectivité de rattachement. Ainsi, la possibilité de reverser l'excédent d'exploitation au budget général existe, mais cette opération ne peut intervenir qu'après couverture du besoin de financement dégagé par la section d'investissement. Dans la décision " commune de Bandol ", le juge administratif a estimé que les dispositions de l'article L. 2224-1 ne pouvaient être interprétées comme interdisant à une commune de reverser l'excédent du budget annexe à la commune de rattachement. Toutefois, il a précisé que " le conseil municipal ne saurait, sans entacher sa délibération d'une erreur manifeste d'appréciation, décider le reversement au budget général des excédents du budget annexe d'un SPIC qui seraient nécessaires au financement des dépenses d'exploitation ou d'investissement qui devraient être réalisées à court terme. " Dans ses conclusions, le commissaire du Gouvernement considère que, si la commune avait délibérément augmenté les tarifs pour constituer un excédent à reverser au budget général, l'interdiction de reverser au budget général les excédents du budget annexe, consacrée par la jurisprudence " Société stéphanoise des eaux " de 1996, se serait appliquée. L'arrêt du Conseil d'Etat du 9 avril 1999, " commune de Bandol ", s'inscrit dans la logique des dispositions législatives et réglementaires et des précédentes jurisprudences. Cette décision ne doit donc pas être interprétée comme autorisant sans condition les reversements des budgets annexes des SPIC vers les budgets principaux, ce qui reviendrait à vider de sa substance l'idée même du budget annexe. Toutefois, cette jurisprudence ne constitue pas non plus un obstacle juridique au reversement des excédents inutilisés du budget annexe d'un SPIC au budget principal de la collectivité de rattachement, qui peut être effectué dans les conditions suivantes : l'excédent dégagé au sein du budget SPIC doit être exceptionnel et ne saurait résulter de la fixation, à dessein, d'un prix trop élevé, destiné à faire financer par les usagers les dépenses du budget général de la collectivité de rattachement ; le reversement n'est possible que si les excédents ne sont pas nécessaires au financement des dépenses d'investissement ou d'exploitation qui devraient être réalisées à court terme. L'instruction budgétaire et comptable M 4 applicable aux services publics locaux industriels et commerciaux a rappelé ces règles et n'a posé aucune interdiction de principe sur ce sujet.

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