Question de M. DARNICHE Philippe (Vendée - NI) publiée le 19/12/2002

M. Philippe Darniche alerte Mme la ministre déléguée aux affaires européennes sur le projet confidentiel d'élaboration d'un " code civil européen " en cours de préparation au sein d'un groupe de travail coordonné par un professeur allemand. En effet, l'attention des milieux juridiques français a été récemment attirée par la rédaction spécifiquement en langue anglaise de ce projet (http://www.sgecc.net/ intitulé " The future of European Private Law " et traduit par ses soins comme " L'avenir du droit privé européen ") qui affecterait inévitablement le droit des contrats de notre pays et serait, selon son propre responsable, nécessaire à l'unification de tout le droit civil au sein de l'Union. L'initiative et la caution apportée par certains milieux politiques et certaines instances communautaires trouve - avec l'appui de la Commission -, son origine au sein du Parlement européen (références : document de travail PE 294.922 en date du 6 novembre 2000) alors même que, selon les traités en vigueur, une telle initiative n'entre pas dans les compétence de l'Union européenne. Face à l'ampleur des ambitions du groupe d'études qui le prépare et à la mise en cause directe de l'une des institutions fondamentales de la France - à savoir son code civil - l'académie des sciences morales et politiques a été amenée à voter à l'unanimité, le lundi 1er juillet 2002, une motion signalant, entre autre que : un marché concurrentiel performant n'implique pas l'unification des législations et des jurisprudences civiles, comme le démontre par ailleurs l'expérience nord-américaine ; la modification du droit des contrats mettrait en question, par pans successifs, beaucoup d'éléments du droit civil, et particulièrement du droit de la famille et des biens ; les liens entre le droit civil et les cultures fondamentales des pays européens ont été sous-estimés par les auteurs du projet en question. En conséquence, il lui demande de bien vouloir lui faire connaître son avis sur ce projet mené dans la plus grande des confidentialités ainsi que sur la récente motion votée par l'ensemble des membres de l'académie des sciences morales et politiques.

- page 3107


Réponse du Ministère délégué aux affaires européennes publiée le 03/04/2003

Les travaux sur un code civil européen, sur lesquels vous avez bien voulu appeler mon attention, résultent d'une initiative du Parlement européen en 1989 puis en 1994. Celui-ci finance en partie cette recherche menée par des universitaires, sous la conduite d'un professeur allemand, M. Christian von Bar, de l'université Osnabrück. Il s'agit donc à ce stade d'une démarche qui n'a pas reçu l'aval des gouvernements, notamment au sein du Conseil. Il est cependant clair que, dans l'hypothèse où la Commission reprendrait à son compte l'initiative d'élaborer un tel code civil européen, la proposition de la Commission serait en tout état de cause disponible en langue française, conformément aux règles en vigueur. Sur le fond, la position française est claire. Le ministre des affaires étrangères, en sa qualité de représentant du gouvernement français au sein de la Convention sur l'avenir de l'Europe, a présenté, avec son homologue allemand, M. Joschka Fischer, une contribution en matière de justice et d'affaires intérieures. Cette contribution, que nous avons souhaité ambitieuse, ne plaide cependant pas pour un code civil européen. Un tel projet nous paraîtrait à première vue peu conforme au principe de subsidiarité, visant à concilier l'action de l'Union, lorsqu'elle est nécessaire, et la diversité des systèmes nationaux ou locaux. En revanche, la création d'un véritable espace judiciaire doit être fondé sur le principe de la reconnaissance mutuelle des décisions judiciaires, accompagné en tant que de besoin par un socle de règles communes. Les mesures ainsi adoptées devraient comprendre l'amélioration et la simplification de la reconnaissance et de l'exécution des décisions en matière civile et commerciale, et tendre vers la suppression de l'exequatur. Le groupe de travail chargé des questions de " justice et d'affaires intérieures " au sein de la Convention a rendu un rapport dans lequel il est proposé des extensions importantes du domaine de la majorité qualifiée et de la co-décision, notamment dans le domaine civil, à l'exception du droit de la famille. Néanmoins, s'agissant de la coopération judicaire en matière de responsabilité parentale, le Conseil statuerait à la majorité qualifiée. Il ne semble donc pas que le Traité constitutionnel que la Convention prépare, puisse prévoir que ce projet de code civil européen entre dans le cadre des compétences rénovées de l'Union en matière de justice.

- page 1127

Page mise à jour le