Question de M. DELFAU Gérard (Hérault - RDSE) publiée le 15/01/2003

M. Gérard Delfau attire l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation préoccupante que connaîtra La Poste avec l'ouverture progressive du secteur protégé du courrier à la concurrence. Il souhaite connaître les orientations du Gouvernement dans la négociation en cours sur le contrat de plan entre l'État et l'entreprise publique. D'une part, il voudrait savoir, notamment, si celui-ci envisage l'expérimentation d'un service public postal décentralisé, appuyé sur le réseau des agences et des bureaux, et organisé au niveau du département et des structures intercommunales. D'autre part, constatant l'accélération du désengagement du secteur bancaire par rapport aux territoires peu peuplés, aux quartiers sensibles et aux catégories sociales ayant de faibles revenus, il voudrait connaître son opinion sur la possibilité de confier à La Poste la mission d'assurer un service bancaire de base, incluant des prêts aux particuliers autres qu'immobiliers.

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Réponse du Secrétariat d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation publiée le 09/04/2003

Réponse apportée en séance publique le 08/04/2003

M. Gérard Delfau. Je souhaite attirer l'attention de Mme la ministre déléguée à l'industrie sur la situation préoccupante que connaîtra La Poste à la suite d'une décision acceptée à l'échelon européen par le précédent gouvernement avec l'ouverture progressive du secteur protégé du courrier à la concurrence.

La diminution mécanique des ressources qui en résultera, s'ajoutant à la baisse constatée du volume du courrier autre qu'électronique, impose une réorganisation rapide des modes de financement des missions de service public. Sinon, le réseau des points de contact - agences postales, petits bureaux - sera gravement amputé, les communes les plus pauvres seront taxées au titre de la mise en place d'agences postales dites « communales » et les horaires d'ouverture au public seront réduits.

Concrètement, je souhaite connaître les orientations du Gouvernement dans la négociation en cours sur le contrat de plan entre l'Etat et l'entreprise publique.

D'une part, je voudrais savoir, notamment, si celui-ci envisage l'expérimentation d'un service public postal décentralisé, appuyé sur le réseau des agences et des bureaux, organisé au niveau du département et des structures intercommunales, et financé en partie par un fonds de compensation et les contrats de plan Etat-régions.

D'autre part, constatant l'accélération du désengagement du secteur bancaire par rapport aux territoires peu peuplés, aux quartiers sensibles et aux catégories sociales ayant de faibles revenus, je voudrais connaître l'opinion du Gouvernement sur la possibilité de confier à La Poste la mission d'assurer un service bancaire de base incluant des prêts aux particuliers autres qu'immobiliers.

La concentration en cours des agences à la suite de la fusion du Crédit agricole et du Crédit Lyonnais rend plus urgente encore cette décision, qui fait l'objet d'un débat depuis 1990.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'Etat.

M. Renaud Dutreil, secrétaire d'Etat aux petites et moyennes entreprises, au commerce, à l'artisanat, aux professions libérales et à la consommation. Monsieur le sénateur, il est vrai que La Poste est confrontée à un défi important sur le marché du courrier, dont la libéralisation graduelle est prévue de 2003 à 2009.

De plus, il convient d'être plus particulièrement vigilant sur le phénomène de substitution du courrier physique par les transactions électroniques. Leur essor pourrait affecter le volume de certains segments d'envois en masse, mais, a contrario, on peut aussi estimer que la publicité et les envois de colis seront stimulés, ce qui représentera de nouveaux marchés pour La Poste. Plusieurs postes européennes ont déjà constaté, ces derniers temps, une légère baisse de leur trafic.

La Poste doit donc se préparer à affronter ces bouleversements. Pour y répondre, le président de La Poste a présenté au conseil d'administration de décembre dernier une vision stratégique ambitieuse de l'entreprise en 2007. Il fait lui-même le constat que La Poste est fragilisée par la rigidité de ses coûts et que sa structure tarifiaire est actuellement inadaptée.

L'amélioration de la compétivité pour la porter au niveau des meilleures postes européennes nécessitera la mise en place d'un appareil de production très moderne, répondant efficacement aux demandes des clients. En acceptant, le 13 février dernier, une hausse du prix du timbre, le Gouvernement a décidé d'accompagner le projet de modernisation qui a été présenté par le président de La Poste.

S'agissant du réseau postal, le projet stratégique de La Poste en dresse un constat lucide. S'il est de la responsabilité de l'Etat de garantir un quadrillage efficace du territoire par un réseau de bureaux suffisant pour bien désservir la population, le Gouvernement et La Poste pourront choisir d'expérimenter localement toutes les formules qui permettront de faire vivre les autres formes de points de contact en les adaptant au mieux à la demande locale.

A cet égard, les structures de concertation que sont les commissions départementales de présence postale territoriale ont démontré leur efficacité et le prochain contrat de plan en confortera le rôle.

La protection du consommateur de services financiers, en particulier celle des plus démunis, relève du droit à la consommation et des règles applicables à la fourniture de services par les réseaux bancaires. Il n'est pas prévu de limiter légalement ces obligations à La Poste pour la laisser seule assumer un rôle de « banque des plus démunis ».

Le Gouvernement travaille en coopération et en confiance avec La Poste pour que ces différentes problématiques majeures pour son avenir soient traitées dans le nouveau contrat de plan de l'entreprise.

M. le président. La parole est à M. Gérard Delfau.

M. Gérard Delfau. Monsieur le secrétaire d'Etat, je note dans votre réponse un point positif : la décision courageuse du Gouvernement d'accepter la hausse du prix du timbre, qui n'avait pas varié depuis je ne sais combien d'années.

Pour tout le reste, permettez-moi de vous dire, monsieur le secrétaire d'Etat, avec beaucoup de déférence, mais aussi avec beaucoup de regret, que votre réponse ne diffère en rien de celles qui m'ont été données sous les gouvernements Balladur, Juppé, Jospin et, aujourd'hui, Raffarin.

Expérimenter : nous ne faisons que cela depuis 1990 ! Confier à La Poste le soin de s'occuper des quatre ou cinq millions de Français qui vont y trouver refuge parce qu'ils ont été chassés du secteur bancaire traditionnel est la préoccupation de tous les ministres qui se succèdent. Or la ségrégation ne fait que persister.

Il ne reste plus aux élus locaux, toutes tendances confondues, qu'à prendre l'affaire en main et à imposer enfin les arbitrages nécessaires. Sinon, il en sera fini du service public postal.

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