Question de M. PICHERAL Jean-François (Bouches-du-Rhône - SOC) publiée le 15/01/2003

M. Jean-François Picheral souhaite attirer l'attention de M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie sur le projet de plan de restructuration des missions et de l'implantation territoriale des succursales de la Banque de France. Outre les conséquences désastreuses d'un tel projet au niveau local, ce plan, annoncé il y a peu par son gouverneur, s'il venait à se concrétiser, mettrait à mal les missions fondamentales de proximité de ce prestigieux établissement. Ainsi, la mission, confiée par le législateur d'assurer l'entretien et de gérer la bonne qualité de la circulation fiduciaire sur l'ensemble du territoire, serait assurément remise en cause, ce projet prévoyant de confier, sans aucune garantie de qualité et de sécurité, le recyclage des billets au secteur privé. De même, les missions de proximité au service du développement économique, telle l'expertise financière mise à la disposition des entreprises, mais également au service de la cohésion sociale, tels l'accueil des surendettés ou l'exercice du droit de compte, seraient elles aussi mises à mal. C'est pourquoi, au moment où la décentralisation est au coeur des débats de notre société, il lui demande de lui indiquer si ce plan n'apparaît pas comme une solution paradoxale, incomprise et dangereuse pour la présence des services publics au niveau local. Il souhaiterait donc vivement connaître son opinion sur cette préoccupante question.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 05/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 04/02/2003

M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral, auteur de la question n° 133, adressée à M. le ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le ministre, je souhaite de nouveau attirer votre attention sur le projet de plan de restructuration des missions et d'implantation territoriale des succursales de la Banque de France, et ainsi me faire l'écho de l'inquiétude légitime des salariés et des clients quant aux probables suppressions de postes qui en découleraient.
Lors de la séance de questions orales du mardi 17 décembre dernier au Sénat, Mme Fontaine, ministre déléguée à l'industrie, déclarait, avant même que le résultat des travaux des deux missions confiées par M. Trichet ne soit connu : « Nos partenaires européens ont tous tiré, ces dernières années, les conséquences de ces mutations en procédant à des réformes de leur banque centrale. La France ne peut rester en retrait. (...) Le rôle de la Banque de France doit néanmoins être conçu dans un souci d'optimisation de sa gestion. »
Au moment où le Gouvernement prône - ce fut le cas lors du dernier comité interministériel - « un soutien actif à l'économie du monde rural », les élus locaux refusent justement de voir disparaître les succursales de la Banque de France, prélude à la fuite des services publics et à la désertification économique des bassins d'emploi.
De même, les associations de consommateurs demandent que les services rendus soient au plus proche du citoyen, en matière tant de surendettement, de consultation des fichiers nationaux, que d'accès au droit au compte bancaire ou d'information sur les pratiques bancaires.
A Aix-en-Provence, la ville dont je suis issu, vingt mille personnes ont eu recours aux services de la succursale depuis le début de l'année 2002, ce qui représente, entre autres, six cents dossiers de surendettement, trois mille demandes d'accès au fichier central des chèques, le FCC et mille cinq cents au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers, le FICP.
Il ne s'agit pas, pour ces usagers ainsi que pour les huit cents clients fidèles, d'aller grossir le flot de l'axe autoroutier Aix-Marseille, axe le plus sinistré de France, et de subir ainsi des heures d'attente aux guichets marseillais.
Par ailleurs, la réduction du nombre de succursales, associée à l'externalisation du tri des billets, aurait des conséquences désastreuses sur la qualité de la circulation fiduciaire, avec un accroissement de la fausse monnaie et du nombre de billets en mauvais état. L'entretien de la monnaie, aujourd'hui gratuit pour les usagers, deviendra payant s'il est confié à des opérateurs privés ou s'il fait l'objet d'une simple délocalisation.
Les relations de proximité entretenues par la Banque de France avec les entreprises et les collectivités locales pour soutenir l'activité économique des bassins d'emploi disparaîtront assurément.
Pour conclure, je rappellerai que tous les services rendus par la Banque de France ont certes un coût, mais que celui-ci est supporté par son compte d'exploitation, qui a reversé ces vingt dernières années - il faut le souligner - 24 milliards d'euros à l'Etat. Ce dernier est le seul actionnaire, ce qui explique la faiblesse des fonds propres de l'établissement.
Peut-on, dès lors, reprocher à la Banque de France, et donc à son réseau, l'effort fourni dans ce secteur financier, puisqu'elle a contribué au développement de l'économie du pays tout entier en allégeant la pression fiscale de tous les contribuables ?
Pour toutes ces raisons, je vous demande, monsieur le ministre, si ce plan n'apparaît pas aujourd'hui comme une solution paradoxale, en tout cas incomprise et dangereuse pour la présence des services publics au niveau local, au moment même où la décentralisation est au coeur des débats de notre société.
M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.
M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Monsieur le sénateur, vous développez à merveille la question du rôle de la Banque de France en milieu rural.
Nous savons effectivement que le réseau des succursales de la Banque de France comprend 211 implantations - certains départements n'en ont qu'une, d'autres en ont plusieurs - dont l'organisation est héritée du xixe siècle et des deux premières décennies du xxe siècle. La Banque de France a aujourd'hui, comparée aux autres banques centrales européennes, le réseau le plus dense d'Europe.
La Banque de France est engagée depuis plusieurs années dans un mouvement de modernisation de ses activités et d'adaptation de ses structures et de ses méthodes qui prend en compte les importantes mutations que connaissent les activités exercées dans ses comptoirs et au siège : concentration des opérations de numéraire avec la clientèle institutionnelle, modernisation de l'ensemble du traitement de la monnaie fiduciaire, rationalisation des circuits de recouvrement et d'échanges, dématérialisation des supports et automatisation de l'ensemble des opérations dans le domaine scriptural, progrès des échanges informatisés en matière d'information économique.
La poursuite de ce mouvement de modernisation et de baisse des coûts constitue une nécessité de gestion pour la Banque de France, alors que les taux d'intérêt sont très bas et que la circulation fiduciaire de l'euro est beaucoup moins importante que celle du franc.
Dans ce contexte, le gouverneur de la Banque de France a annoncé le 15 octobre 2002 le lancement d'une mission de réflexion sur l'évolution du réseau de succursales et sur l'avenir des opérations avec la clientèle particulière. Confiée au secrétaire général de la Banque de France, cette mission se traduira notamment par une concertation approfondie avec les partenaires sociaux ainsi qu'avec les élus locaux.
Comme tout organisme public, la Banque de France doit veiller à rendre à la collectivité nationale le meilleur service au meilleur coût, en prenant en compte à la fois l'ensemble des évolutions qui affectent ses métiers et les attentes légitimes du public en matière de qualité et d'efficacité du service rendu.
Vous l'avez rappelé, monsieur le sénateur, nos partenaires européens ont tiré ces dernières années les conséquences de ces mutations en réformant leur banque centrale. La France n'a aucune raison de demeurer en retrait de cette évolution naturelle, qui est tout simplement liée à l'économie de l'activité de la Banque de France.
Cependant, l'Etat entend bien sûr conforter la Banque de France, qui doit pleinement jouer son rôle dans la vie économique locale, en gardant néanmoins le souci d'optimiser la gestion de cet établissement, qui est comptable de son action devant la nation.
M. le président. La parole est à M. Jean-François Picheral.
M. Jean-François Picheral. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse, qui n'apporte cependant pas d'éléments nouveaux par rapport à celle que m'avait donnée Mme la ministre de l'industrie, le 17 décembre dernier.
Je souhaite que votre gouvernement prenne bien conscience des difficultés que cette réforme va entraîner pour des villes certes moyennes, mais qui sont le centre de pays de 350 000 habitants. Cela justifie que la commission Trichet nous consulte, nous, élus locaux, avant de prendre des décisions. Aujourd'hui, je le souligne, ce n'est absolument pas le cas.
C'est la raison pour laquelle j'aimerais que mon interpellation, la deuxième depuis le 17 décembre dernier, contribue à imposer cette concertation, que le Gouvernement semble souhaiter, et je compte sur vous, monsieur le ministre, pour transmettre ma demande.

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