Question de M. GOURNAC Alain (Yvelines - UMP) publiée le 24/01/2003

M. Alain Gournac attire l'attention de M. le ministre délégué à l'enseignement scolaire sur la prévention de l'échec scolaire des enfants dits " intellectuellement précoces ". Il n'est pas encore suffisamment su que ces enfants dits " intellectuellement précoces " sont en situation d'échec pour la simple raison que dès leur scolarisation leur soif d'apprendre n'a pas été stimulée par un rythme d'apprentissage adapté à leurs potentialités et qu'ils ont fini par s'ennuyer à l'école, voire à la prendre en grippe. Bénéficiant de grandes facilités, ils ne sont pas entraînés à l'effort personnel et, par la même occasion, n'acquièrent pas la discipline et les méthodes de travail sans lesquelles il n'est pas de réussite durable possible. Ces méthodes doivent s'acquérir, dès les premières années, pour permettre à ces enfants intellectuellement précoces de donner toute leur mesure. Ceux-ci représentent de 2,5 à 5 % d'une classe d'âge et appartiennent à tous les milieux, ce qui tend à prouver que la précocité n'est pas un phénomène social ou culturel. Elle existe. C'est un fait. Soyons pragmatiques : 33 % de ces enfants sont en situation d'échec en fin de 3e, 17 % d'entre eux font des études médiocres. C'est un gâchis évident. C'est un principal de collège de son département des Yvelines qui a créé, il y a dix ans exactement, une association aujourd'hui reconnue pour la qualité de son travail sur la question de la précocité. Elle comptait 40 adhérents la première année, elle en compte 3 500 aujourd'hui avec des antennes un peu partout en France. Ce n'est pas, bien entendu, le signe que le nombre des enfants précoces est en augmentation dans notre pays, mais celui d'une prise de conscience grandissante de la réalité d'un problème. C'est aussi le signe que parler de la précocité est devenu possible dans notre société et que cela le devient aussi dans nos écoles. Aussi, il lui demande ce qu'il envisage de mettre en oeuvre pour permettre une meilleure prise en compte de cette réalité et quels sont ses projets en vue d'une meilleure intégration de ces enfants, il le répète, de toute condition sociale, dans notre système scolaire.

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Réponse du Ministère délégué à l'enseignement scolaire publiée le 26/02/2003

Réponse apportée en séance publique le 25/02/2003

M. Alain Gournac. Monsieur le ministre, ma question traite de la prévention de l'échec scolaire des enfants dits « intellectuellement précoces ».

Il n'est pas encore suffisamment su, monsieur le ministre, que ces enfants dits « intellectuellement précoces » sont en situation d'échec pour la simple raison que, dès leur scolarisation, leur soif d'apprendre n'a pas été stimulée par un rythme d'apprentissage adapté à leurs potentialités et qu'ils ont fini par s'ennuyer à l'école, voire à la prendre en grippe.

Bénéficiant de grandes facilités, ils ne sont pas entraînés à l'effort personnel et, par la même occasion, n'acquièrent pas la discipline et les méthodes de travail sans lesquelles il n'est pas de réussite durable possible. Ces méthodes doivent s'acquérir dès les premières années pour permettre à ces enfants de donner toute leur mesure.

Ces enfants représentent de 2,5 % à 5 % d'une classe d'âge et appartiennent à tous les milieux, ce qui tend à prouver que la précocité n'est pas un phénomène social ou culturel. Elle existe. C'est un fait. Soyons donc pragmatiques : 33 % de ces enfants sont en situation d'échec en fin de troisième, 17 % d'entre eux font des études médiocres. Monsieur le ministre, c'est un gâchis évident.

C'est un principal de collège du département des Yvelines qui a créé, il y a dix ans exactement, une association aujourd'hui reconnue pour la qualité de son travail sur la question de la précocité. Elle comptait quarante adhérents la première année, elle en compte 3 500 aujourd'hui avec des antennes un peu partout en France. C'est non pas, bien entendu, le signe que le nombre des enfants précoces est en augmentation dans notre pays, mais celui d'une prise de conscience grandissante de la réalité d'un problème. C'est aussi le signe que parler de la précocité est devenu possible dans notre société et que cela le devient aussi dans nos écoles.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, ce que vous envisagez de mettre en oeuvre pour permettre une meilleure prise en compte de cette réalité et quels sont vos projets en vue d'une meilleure intégration de ces enfants de toutes conditions sociales, dans notre système scolaire ?

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Xavier Darcos, ministre délégué à l'enseignement scolaire. Monsieur le sénateur, vous m'interrogez sur la situation des élèves intellectuellement précoces, question qui mérite, en effet, d'être soulevée. Vous me donnez ainsi l'occasion, et j'en suis heureux, de vous annoncer, que, dans cette grande maison qu'est l'éducation nationale, pour la première fois, la circulaire de rentrée va proposer des mesures spécifiques aux élèves « intellectuellement précoces », et ce à la fois pour le primaire et pour le collège.

A l'école primaire, d'abord, les possibilités offertes par la réglementation permettent les adaptations du parcours scolaire de ces élèves. C'est ainsi que la réduction du temps passé dans un cycle doit être possible dès l'école maternelle afin que chaque cas soit traité avec plus de facilité, car ces élèves n'ont pas toujours des profils de réussite très homogènes. La décision prise doit avoir pour objet de permettre aux élèves de progresser à leur rythme et de se perfectionner dans les domaines où ils en ont le plus grand besoin, la plus grande envie aussi, voire de combler les lacunes qu'ils peuvent présenter dans tel ou tel domaine. Cela préservera, nous semble-t-il, leur motivation scolaire, évitera l'ennui, donc, par voie de conséquence, comme vous l'avez souligné, l'échec.

Certains de ces élèves peuvent d'ailleurs présenter très tôt des difficultés dans leur cursus. Les équipes éducatives ne sont pas habituées à ce type d'intelligence. Nous leur demanderons donc d'être attentives dès l'école maternelle aux évaluations qui mettront en évidence la coexistence de difficultés et de réussites remarquables.

De même, nous allons alerter les RASED, nos réseaux d'aides spécialisées aux élèves en difficulté, pour soutenir les équipes pédagogiques de sorte qu'elles soient mobilisées, qu'elles valorisent les points d'appui et qu'elles identifient les points faibles pour lesquels des solutions spécifiques pourront être envisagées.

Bref, il s'agit de projets individualisés, bien sûr élaborés en association avec les parents. Ces élèves peuvent tirer un réel profit des classes à plusieurs niveaux qui constitue un dispositif favorable à la différenciation des activités, des rythmes et des progressions.

Des temps d'approfondissement et de recherche seront ouverts spécifiquement pour ces élèves, qui pourront utiliser, en particulier, les technologies de l'information et de la communication.

Au collège, la réduction d'une année du cycle central constituera, nous le croyons, une forme de réponse adaptée à la capacité et la vitesse d'apprentissage des élèves intellectuellement précoces. Il faut en effet trouver un rythme qui convienne à leur intelligence.

Dans le cadre de l'autonomie des établissements, nous permettrons que des dispositifs d'aide et d'approfondissement particuliers, ou encore une individualisation complète du parcours, soient mis en oeuvre.

D'une manière générale, il conviendra, pour ces élèves, de veiller à tirer un meilleur parti des dispositifs qui favorisent l'appétit des connaissances, l'acquisition de compétences, les recherches individuelles et collectives.

La collaboration entre les parents, le chef d'établissement, les équipes pédagogiques de la classe d'origine, permettra l'adoption de solutions adpatées.

Pour que ces propos ne restent pas lettre morte, nous avons décidé de confier une mission d'observation des établissements expérimentaux à l'Inspection générale dès la rentrée prochaine. Nous vous tiendrons informés des résultats de cette mission, d'ici à quelques semaines, comme nous en informerons évidemment l'Association française pour les enfants précoces, que préside Mme Côte, dont vous avez rappelé l'utilité, la nécessité et l'excellent travail, et que le Gouvernement, par ma personne, a plaisir à saluer.

Monsieur le sénateur, l'éducation nationale innove et, au risque de me répéter, je vous rappelle que c'est la première fois qu'une circulaire de rentrée offre des solutions claires, nettes et explicites pour les élèves intellectuellement précoces.

M. le président. La parole est à M. Alain Gournac.

M. Alain Gournac. Je voudrais remercier M. le ministre, que j'ai écouté avec beaucoup d'attention. Appréciant l'homme, je ne doutais pas de la qualité de sa réponse.

L'annonce d'une circulaire de rentrée concernant les écoles primaires et les collèges me satisfait tout à fait et j'ai aussi été très heureux de l'entendre dire que l'évaluation dès l'école maternelle était très importante. Oui, monsieur le ministre, c'est bien dès la maternelle qu'il faut regarder les choses de façon à s'engager dans la bonne voie.

J'aimerais que la mission d'observation que vous avez décidé de mettre en place puisse s'enrichir non seulement de l'intérieur, mais aussi de l'extérieur, grâce à l'apport des familles, dont M. le ministre a beaucoup parlé et qui ont aussi beaucoup à dire, ainsi que des chefs d'établissement et de tous ceux qui sont concernés ; je pense à l'association que préside Mme Côte et que vous avez citée à juste titre.

Nous devons travailler tous ensemble pour obtenir des résultats et, monsieur le ministre, innover dans ce domaine ; nous ne pouvons pas rester les bras croisés devant ce gâchis, parce que c'en est un. Ces enfants, même s'ils sont précoces, ont des lacunes. Il faut donc aussi les aider dans certains domaines. Vous l'avez dit, ce qui prouve que vous connaissez bien le problème.

Le journal du soir daté du 25 février publie un article de Jean Ferrier, un proche de M. Jospin. Selon lui, l'homogénéité des élèves nés une même année est un leurre. Ainsi, dans une même classe, on peut trouver un élève né le 2 janvier et un autre le 28 décembre. Une étude a été faite sur ce sujet.

Monsieur le ministre, vous avez certainement lu cet article sur les enfants qui s'ennuient à l'école, ce qui est le cas des enfants intellectuellement précoces. Je vous remercie non seulement d'agir, mais également de nous tenir au courant de vos actions. Je m'intéresse depuis longtemps à ce sujet, avec Pierre Lequiller, député des Yvelines. Nous avons besoin d'être informés et surtout d'obtenir des résultats.

Enfin, monsieur le ministre, ne le prenez pas mal, pourrait-on avoir un véritable interlocuteur au ministère sur ce problème ? (M. le ministre acquiesce.)

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