Question de M. CARLE Jean-Claude (Haute-Savoie - UMP) publiée le 26/02/2003

M. Jean-Claude Carle attire l'attention de M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire sur l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts et ses conséquences sur les sociétés d'hélicoptères. Cet article exclut du droit de déduction de la TVA tous les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usages mixtes. Une déduction est cependant possible pour l'utilisation constante d'hélicoptères en vue de la manutention de matériel, le transport de techniciens ou pour l'utilisation exclusive de transports publics de voyageurs. Or, un hélicoptère est aussi bien utilisé pour des activités industrielles, touristiques, culturelles, médiatiques ou de secours. A ce titre, les sociétés d'hélicoptères ne peuvent pas bénéficier de la déduction de la TVA en totalité. Cet état de fait engendre une discrimination à rebours qui porte atteinte à la compétitivité de ces entreprises face à leurs concurrentes européennes. Cette question est d'autant plus importante pour les départements alpins frontaliers. Il lui demande quelles mesures spécifiques il compte prendre concernant cette disposition au profit des entreprises pénalisées.

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Réponse du Ministère délégué au commerce extérieur publiée le 26/03/2003

Réponse apportée en séance publique le 25/03/2003

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle, auteur de la question n° 191, adressée à M. le ministre délégué au budget et à la réforme budgétaire.

M. Jean-Claude Carle. Monsieur le ministre, je souhaiterais attirer votre attention sur les difficultés concurrentielles que rencontrent les exploitants privés d'aéronefs, en particulier les exploitants d'hélicoptères. Cette situation résulte de l'interdiction qui leur est faite, en vertu de l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts, de récupérer le montant de la taxe sur la valeur ajoutée pour certaines de leurs activités.

Le régime afférent à la TVA dans notre pays est fondé sur le principe général selon lequel toutes les entreprises récupèrent la TVA sur les éléments constituant leur outil de travail.

Or l'article 237 de l'annexe II du code général des impôts exclut du droit à déduction tous les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte.

Deux exceptions ont cependant été envisagées.

La première concerne l'utilisation des hélicoptères. Une déduction de TVA est possible si les hélicoptères sont utilisés de façon constante par les entreprises spécialisées - et j'insiste sur le caractère constant de cette utilisation - soit pour la manutention de matériel, soit pour le transport d'ouvriers ou techniciens d'entreprises tierces.

La seconde exception concerne les entreprises de transports publics de voyageurs. La déduction de TVA n'est envisageable que si les engins sont affectés de façon exclusive à la réalisation desdits transports. J'insiste là aussi sur le caractère exclusif de cette affectation.

Or, comme vous le savez, monsieur le ministre, un hélicoptère est utilisé pour des activités aussi bien industrielles, touristiques, culturelles ou médiatiques que de secours.

Dans ces conditions, si une entreprise de travail aérien effectue ne serait-ce qu'un seul vol panoramique ou un baptême de l'air, elle ne peut pas bénéficier en totalité de la déduction. De même, si une entreprise de transports publics de voyageurs effectue ne serait-ce qu'un transport de charges, un vol panoramique ou un baptême de l'air, elle ne peut plus bénéficier en totalité de la déduction.

Cet état de notre législation fiscale engendre une discrimination à rebours dans la mesure où la France est le seul Etat membre de l'Union européenne à appliquer une telle disposition. Cette dernière a des conséquences évidentes sur la compétitivité des entreprises de ce secteur. Ce phénomène a d'autant plus d'ampleur dans les départements alpins frontaliers ou pyrénéens, où l'utilisation multifonctionnelle des hélicoptères est fréquente et où nos entreprises subissent une concurrence féroce des entreprises italiennes et suisses, dans les Alpes, ou espagnoles dans les Pyrénées.

Aujourd'hui, un groupe haut-savoyard d'exploitation d'hélicoptères est en péril. Au-delà même de mon département, il s'agit bien d'un problème national. Il n'est pas rare que des compagnies d'aviation, pour rentabiliser leurs investissements, utilisent un même appareil tantôt pour le transport de voyageurs, tantôt pour le fret ou pour d'autres missions, en enlevant les sièges passagers.

Monsieur le ministre, afin que soit prise toute la mesure des conséquences de cette législation, je souhaiterais poser la question suivante : lorsque nos sociétés d'hélicoptères n'auront plus les moyens de se maintenir sur le marché, qui effectuera les missions que ce type d'appareils permet aujourd'hui d'assurer ? Comment mieux que par hélicoptère peut-on assurer le secours en montagne, ravitailler les restaurants d'altitude, assurer la surveillance des incendies, couvrir des événements médiatiques, ou encore assurer certaines activités touristiques ?

Le Gouvernement a pour ambition de redonner du souffle à l'initiative économique, et je tiens à saluer son action. Mais s'il faut favoriser la création et la transmission d'entreprises, il s'agit aussi d'assurer leur pérennité.

Je souhaiterais, pour finir, préciser qu'au-delà de cette question sont aussi en jeu l'économie de montagne, l'avenir d'un tissu économique fragile de par la physionomie des territoires alpins. La toile de fond reste donc, une fois de plus, la problématique de l'équilibre des territoires et de l'aménagement des espaces.

A ce titre, monsieur le ministre, envisagez-vous qu'une telle disposition soit modifiée afin de permettre à ces sociétés exploitant des hélicoptères de pratiquer une pluriactivité compétitive sans autant de contraintes financières.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. François Loos, ministre délégué au commerce extérieur. Comme vous le rappelez, monsieur le sénateur, notre dispositif réglementaire exclut d'une manière générale de l'exercice du droit à déduction la TVA ayant grevé l'acquisition des véhicules conçus pour le transport des personnes ou à usage mixte - la matière fiscale est souvent complexe ! Cette mesure d'exclusion a été reconnue conforme au droit européen par les juridictions nationales et communautaires.

Cela étant, cette mesure connaît un certain nombre d'exceptions : elle ne s'applique pas aux véhicules acquis par les entreprises de transport public de voyageurs et affectés exclusivement à cette activité, à ceux qui sont donnés en location, ou encore aux véhicules utilisés pour l'enseignement de la conduite.

Par ailleurs, cette règle comporte un certain nombre d'aménagements destinés à prendre en compte le caractère spécifique des conditions d'utilisation des véhicules par les entreprises.

S'agissant des hélicoptères, l'exercice du droit à déduction est admis lorsque l'appareil est affecté de manière constante au transport de matériels ou de personnels.

Force est de constater, toutefois, que les conditions pratiques d'utilisation de ces appareils par les entreprises de transport aérien ne leur permettent pas, dans bon nombre de situations, de bénéficier de ces exceptions.

Vous avez fait état d'entreprises qui utilisent régulièrement des hélicoptères pour des opérations de transports, et exceptionnellement pour un autre usage : cette exception a pour conséquence le fait que l'exclusivité prévue par les textes actuels ne peut pas s'appliquer. En effet, les hélicoptères conçus pour un usage mixte sont très fréquemment utilisés de façon alternative par les entreprises pour les activités qui ne sont pas visées par les exceptions déjà citées. Ainsi en est-il des activités épisodiques : vol panoramique, prises de vues aériennes ou encore publicité. Dans ce cas, la condition liée à l'exclusivité ou à l'usage constant prévue par les textes en vigueur n'est pas respectée.

Notre but est évidemment de favoriser les activités en général, les activités de montagne en particulier. Conscient des difficultés que l'application de ces règles suscite, le Gouvernement a engagé une réflexion avec les professionnels concernés pour tenter d'y apporter des solutions pragmatiques. Il va de soi que le Sénat sera tenu informé des conclusions de cette étude.

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Carle.

M. Jean-Claude Carle. Je tiens à remercier M. le ministre des précisions qu'il a bien voulu m'apporter même si je regrette qu'une réponse positive n'ait pu m'être adressée dès aujourd'hui.

Monsieur le ministre, je note avec satisfaction votre volonté, celle de votre collègue M. Alain Lambert comme celle du Gouvernement tout entier, d'essayer d'améliorer une situation qui pénalise un certain nombre d'entreprises. En effet, ces dernières doivent aujourd'hui faire face à une fiscalité qui les place dans des situations de concurrence défavorables par rapport à des sociétés étrangères.

Je serai donc attentif à la réflexion que mènera le groupe de travail que vous avez évoqué et auquel je vous remercie d'associer les entreprises et les personnels concernés, en souhaitant qu'elle aboutisse au plus vite.

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