Question de M. ETIENNE Jean-Claude (Marne - UMP) publiée le 17/04/2003

M. Jean-Claude Etienne attire l'attention de M. le garde des sceaux, ministre de la justice, sur l'accueil dans l'institution carcérale des personnes confrontées à une toxico-dépendance. Selon les pouvoirs publics, entre le tiers et la moitié des entrants en prison sont touchés par des phénomènes d'addiction. Un tiers des entrants en prison déclarent une consommation régulière et prolongée de drogue, une proportion identique évoque une consommation excessive et régulière d'alcool, 80 % sont fumeurs et 20 % suivent un traitement à base de psychotropes. Fragile psychologiquement, la population toxicomane en prison est très exposée au risque de suicide, au risque de contamination au sida et aux hépatites B liés aux échanges de seringues et très dépendante des autres détenus dans sa quête de stupéfiants. Face cette situation, les structures de prise en charge se révèlent insuffisantes puisque seuls seize établissements possèdent en leur sein un centre spécialisé de soins pour les toxicomanes. Ailleurs, les soins relèvent d'un centre spécialisé de soins pour toxicomanes extérieur ou d'un dispositif associatif. Il lui demande les mesures qu'il compte prendre afin de faciliter l'accès de la population détenue aux soins et aux traitements de substitution.

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Réponse du Ministère de la justice publiée le 31/07/2003

Le garde des sceaux, ministre de la justice confirme à l'honorable parlementaire qu'un nombre important de personnes détenues sont toxicomanes. Une étude réalisée en 1997 sur la santé à l'entrée en prison faisait apparaître que 32 % des entrants déclaraient une utilisation prolongée et régulière d'au moins une drogue - produits illicites et médicaments - dans l'année précédant l'incarcération. La moitié d'entre eux consomme des opiacés. Un tiers des entrants déclare également une consommation excessive d'alcool. Cette étude sera renouvelée en 2003 afin d'actualiser ces données. Cette population fragile bénéficie d'une offre de soins qui s'organisent à partir des unités de consultation et de soins ambulatoire, (UCSA) et à partir des services médico-psychologiques régionaux (SMPR) pour les vingt-six établissements qui en sont dotés. L'organisation et le fonctionnement de ces structures médicales relèvent des attributions du ministère de la santé depuis la loi du 18 janvier 1994. La note interministérielle santé-justice-mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie du 9 août 2001 coordonne le dispositif de prise en charge des personnes dépendantes d'un produit psychoactif sous son aspect sanitaire à l'échelon local. Elle fixe comme objectifs, dans chaque établissement pénitentiaire, le repérage systématique de situations d'abus ou de dépendances de produits psychoactifs, la proposition d'une prise en charge adaptée à chaque détenu, le renforcement de la prévention, la préparation à la sortie et un encouragement des mesures d'aménagement de peines. En matière d'accompagnement, seize établissements dotés d'antennes toxicomanie et quarante et un centres extérieurs spécialisés de soins aux toxicomanes (CSST) ont pour mission l'accompagnement, le suivi et la préparation à la sortie de ces détenus. Ils interviennent en milieu ouvert comme en milieu fermé. Le financement de cette prise en charge des personnes dépendantes est assuré sur des crédits interministériels déconcentrés, au regard des besoins identifiés dans chaque département, dans le cadre de conventions départementales d'objectifs (CDO). Ces CDO coordonnent l'action des services sanitaires et l'action des services judiciaires. Des conventions de prestations sont signées avec des opérateurs (associations, établissements hospitaliers). Les services pénitentiaires locaux (SPIP) sont présents et actifs sur le terrain dans ces dispositifs tant pour la prise en charge des personnes condamnées exécutant leur peine en milieu fermé comme en milieu ouvert que pour celle des sortants de prison. La direction de l'administration pénitentiaire est membre du comité de pilotage des CDO. Cette forte implication judiciaire et pénitentiaire a été soulignée dans le rapport d'évaluation du dispositif d'octobre 2002. S'agissant des traitements de substitution en milieu pénitentiaire, une enquête réalisée du 3 au 7 décembre 2001 par le ministère de la santé a mis en évidence une amélioration dans le recours à ces traitements. Elle se manifeste non seulement par la possibilité pour les personnes détenues de continuer le traitement de substitution entrepris avant l'incarcération, mais aussi par la possibilité d'initier ce traitement en détention. Seuls dix-neuf services médicaux en 2001 (contre trente-quatre en 1999) ne pratiquent pas la substitution et il s'agit à 90 % de petites maisons d'arrêt détenant moins de cent personnes. Les interruptions de traitement de substitution ne concernent plus que 5,5 % des personnes sous substitution à leur entrée en prison sur la période de novembre à décembre 2001. Les progrès accomplis démontrent que, conformément à la réforme instituée par la loi du 18 janvier 1994 et face aux objectifs de la note interministérielle du 9 août 2001, les établissements pénitentiaires se sont ouverts au dispositif général des soins. Une étape nouvelle a également été franchie avec la circulaire du 30 janvier 2002 relative à la primo-prescription de la méthadone en établissement de santé. Elle permet aux médecins des UCSA et des SMPR d'initialiser ce traitement en milieu pénitentiaire. L'enquête des 3-7 décembre 2001 soulignait toutefois qu'une meilleure harmonisation des pratiques professionnelles était nécessaire. La rédaction d'un guide des bonnes pratiques de substitution en milieu carcéral, confiée par le ministère de la santé à deux membres de la Commission nationale consultative des traitements de substitution, y répondra. Cette mission a pour objet de permettre aux professionnels soignants d'adapter leurs pratiques au contexte pénitentiaire local. L'administration pénitentiaire s'est efforcée de faciliter cette étude au sein des établissements. Ce guide devrait voir le jour au cours de l'année 2003.

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